Les jeunes Parisiens sont-ils devenus des Tanguy? A première vue, c’est ce que pourrait laisser penser les chiffres du 4ème baromètre sur les jeunes à Paris de l’Atelier Parisien d’urbanisme (Apur). Selon l’étude, en 2018 près de la moitié (46%) des jeunes de 25 ans nés à Paris vivent encore chez leurs parents. Une proportion qui a explosé en 20 ans, alors qu’elle n’était que de 32% en 1999.
Mais à y regarder de plus près, les Parisiens ont de bonnes raisons de squatter le domicile familial un peu plus longtemps que les générations précédentes. La première peut sembler évidente : Paris est devenu trop cher.
Selon l’observatoire immobilier Clameur, à la mi-2022, le loyer moyen des appartements à Paris atteint 27,14 € le m2. Une somme à des années lumières d’autres grandes villes comme Lyon (13,84 € le m2), Marseille (12,72 € le m2) ou encore Bordeaux (12,57 € le m2).
Des loyers parisiens astronomiques quand bon nombre de bailleurs durcissent leurs critères pour les locataires, et peuvent demander de justifier un revenu jusqu’à trois fois supérieurs au montant du loyer, alors même que l’insertion des jeunes n’a cessé de se compliquer.
Lire aussiParis : des ventes en hausse mais des prix stables
Pour ne rien arranger aux prix exorbitants des loyers, la précarisation du marché de l’emploi et la multiplication des contrats courts, rendent l’obtention d’un bail toujours plus difficile. “La précarité de l’emploi dissuade les jeunes d’acquérir leur indépendance. Ce sont eux qui sont les plus tributaires des petits boulots, de l’intérim ou des contrats à durée déterminée”, explique l’institut Paris Région.
Alors non, ceux qui restent chez leurs parents ne le font pas par plaisir. Il s’agit bien souvent d’une situation subie. “Plus d’un tiers (34%) des 16 à 25 ans vivants avec leurs parents sont dans un logement en situation de ‘suroccupation’, et avec des temps de déplacement plus leurs études ou leur travail qui est plus long que ceux qui ont leur propre logement”, détaille Emilie Moreau, directrice d’étude à l’APUR.
Un logement est considéré comme “suroccupé” quand il y a 3 personnes dans moins de 25m2, 4 personnes dans 34 m2 ou 5 personnes dans 43m2.
Autre explication, les Français font des études de plus en plus longues. Alors qu’en 1996, 9,8% des jeunes de 25 ans étaient encore scolarisés, ils étaient 11,3% en 2016 selon l’Insee. Mais ces difficultés ne concerne pas que les étudiants ou ceux qui galèrent à entrer sur le marché du travail : “Le fait de rester plus longtemps chez ses parents concerne aussi les jeunes actifs. Un phénomène qui est plus marqué dans le Grand Paris que dans d’autres grandes métropoles, alors même que les jeunes Parisiens sont en moyenne mieux qualifiés et mieux rémunérés”. 
Lire aussiFin des loyers capitalisés : privée de son artifice budgétaire, Paris doit faire des économies
Mais la galère pour trouver son propre appartement vient aussi d’une l’offre qui se raréfie. “Avec l’avènement des meublés touristiques, de nombreux propriétaires ont migré leur logement sur des plateformes comme Airbnb, ce qui sort les biens du marché classique”, analyse Jean-Michel Camizon, président de Clameur. Il en veut pour preuve les nombreux logements temporairement revenus sur le marché locatif classique durant la crise du covid et la disparition de la clientèle touristique. Une conclusion que partage Emilie Moreau de l’Apur: “une fraction du logement est moins accessible, car il est transformé en meublé touristique.”
Entre la Ville de Paris et Airbnb, le nombre logements en location sur la plateforme fait l’objet d’une bataille de chiffres depuis plusieurs années. En 2019, Airbnb affirmait que 4.100 logements étaient loués à Paris pour des durées de plus de 120 jours, alors que la Ville estimait qu’entre 25.000 et 30.000 logements avaient été transformés en meublés touristiques.
Malgré la raréfaction de logements accessibles, et quand bien même quand ces jeunes arrivent à devenir autonomes, 22% d’entre eux vivent en colocation. Un chiffre encore trop faible selon Jean-Michel Camizon. “La législation sur la colocation fait peur aux propriétaires, alors même que c’est un bon moyen d’accéder à un premier logement. Les baux solidaires créent une incertitude qui refroidit les bailleurs, estime-t-il.
Aussi, le coliving, un mix entre la colocation et le coworking, est beaucoup plus démocratisé aux États-Unis qu’en France.” Une des pistes à étudier pour que les jeunes Parisiens arrivent à trouver autant d’indépendance que les générations précédentes. 

source

Catégorisé: