La fermeture brutale dès l’été 2023 du camping du Domaine de Chalain, un vaste camping placé sous l’égide du Conseil départemental provoque une onde de choc. C’était le plus grand camping de la Franche-Comté, au bord d’un lac aux eaux turquoise. La collectivité locale a frappé un grand coup pour lutter contre l’eutrophisation du lac. Un site très prisé chaque été des touristes français comme hollandais.
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Sur les bords du lac, l’annonce a fait l’effet d’une bombe. Un clap de fin brutal. Vendredi 30 septembre, le Conseil départemental a voté à l’unanimité un plan destiné à mettre fin à l’eutrophisation du lac. Il passe par la fermeture dès 2023 du camping de 727 emplacements, et la remontée du lac été comme hiver à sa côte naturelle de 488 m. Certaines plages laissées libres pour la haute saison vont disparaître ou être réduites. Le plan prévoit aussi des travaux sur une zone humide, poumon du lac. Un diagnostic est en cours sur les exploitations agricoles de la rive ouest du lac de Chalain pour en déterminer leur impact en terme de pollution.
Pour les défenseurs de l’environnement, la décision du département n’est pas si limpide. S’ils saluent la nécessaire remontée des eaux, ils militent pour le maintien d’un tourisme familial raisonnable et ne peuvent s’empêcher de s’interroger sur ce brusque revirement du conseil départemental, qui portait il y a peu un projet touristique aux vertus écologiques moins évidentes comme le souligne Vincent Dams, chargé de mission Jura Nature Environnement.

“Le département porte un projet touristique pour le lac de Chalain pour les années à venir. Ce projet touristique contient encore des effets néfastes pour le milieu… Il y avait des gîtes de luxe pour le tourisme de pêche, il y avait des gîtes au pied des arbres pour un tourisme de niche et le public familial en bas. Ce projet n’est plus, mais j’ai l’impression que le département qui s’est vu refuser ce projet-là, laisse maintenant les acteurs socio-économiques et environnementaux se débrouiller avec une décision brutale : ”Vous n’avez pas voulu accepter mon projet, et bien maintenant débrouillez-vous.” résume le représentant écologiste.


Pour Jura Nature Environnement, oui, les eaux du lacs sont en danger. Une diagnostic écologique du lac de Chalain mené en 2019 par des scientifiques et universitaires estime que “Dans un contexte de changement climatique, il est crucial de limiter au maximum l’eutrophisation du lac”. Mais le camping n’est qu’une partie de l’équation selon l’association. “On aurait pu redimensionner la fréquentation touristique, pour revenir à un tourisme de taille plus respectueuse du milieu” estime Vincent Dams. “Pendant deux à trois ans, ici, c’était la Côte d’Azur !”.


Pour l’écologiste, la décision du département est brutale, clivante alors que les associations demandaient depuis deux ans un projet concerté. “Je ne souhaite pas une chose, qu’on dise que les écolos ferment le Domaine, c’est une décision politique” résume le représentant de Jura Nature Environnement interviewé par notre journaliste Stéphanie Bourgeot.
Contacté plusieurs fois par France 3 Franche-Comté, depuis l’annonce de la fermeture du domaine, Clément Pernot, président LR du conseil départemental du Jura n’a pas pu répondre à nos questions, pour des raisons invoquées d’agenda.


Trois associations regroupées en collectif s’inquiètent depuis plusieurs années du devenir du lac et des projets du département, elles en ont dénoncé régulièrement l’opacité. Chalain Nature, Jura Nature Environnement et les Amis de la rivière d’Ain entendent “préserver le lac de Chalain, son écologie, son patrimoine culturel et son environnement au profit des usagers et des acteurs socio-économiques en intégrant la vulnérabilité écologique du site, l’impact de cette vulnérabilité sur l’économie touristique et la nécessité de conserver les vestiges d’habitations préhistoriques classés au patrimoine mondial de l’UNESCO”. Un point de vue qui rejoint pourtant celui du département du Jura.


Au-delà des questions environnementales, la fermeture du Domaine ne sera pas sans casse sur le plan économique. Avec 727 emplacements, le camping drainait au plus fort de la saison des milliers de personnes. Dans ce commerce, on est très inquiet. “C’est 3 à 5.000 personnes qui ne seront plus là, qui consommaient. C’est clair qu’il va y avoir un impact” explique Gilles Gualano, restaurateur à Doucier. À la fromagerie du village, la saison d’été, c’est ¾ du chiffre d’affaires de l’année. Les vacanciers achetaient en moyenne pour 150 euros.
Dans les communes environnantes, comme Fontenu, la redistribution de la taxe de séjour, c’était 60.000 euros par an. “C’est un scandale, inimaginable, on ne peut pas accepter ça” dénonce Michel Girardot, adjoint au maire. La fermeture brutale du Domaine a mis KO les élus. Ils sont bien conscients que le lac est en souffrance écologique du fait de la fréquentation et du réchauffement climatique, mais fallait-il tout fermer ? “3.000 personnes par jour l’été au camping c’est trop, plus les touristes, le dimanche parfois, on montait à 10.000 personnes. Réduire le nombre de campeurs à la journée, ça aurait été un début” suggère l’élu.
L’autre camping, privé lui situé à l’autre bout du lac restera en activité, il accueille environ 1000 touristes par jour l’été. 

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