Illustration d'une maison de vacancesDim Hou sous licence Unsplash
Tsunami la semaine dernière dans le petit monde du tourisme. En effet, un article du Parisien révélait que de nombreux propriétaires de biens en location saisonnière reçoivent actuellement des courriers la Sacem, la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, leur réclamant des droits d’auteur. Plus précisément un forfait de 198,01 euros hors taxe, soit 223,97 euros TTC.
“Vous mettez à la disposition de vos clients une télévision, une radio… afin de rendre leur séjour plus agréable. Les œuvres ainsi diffusées (les chansons mais aussi les génériques, musiques de films, de séries TV ou de publicité…) sont le fruit du travail des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique qui ont confié à la Sacem la mission de collecter les droits d’auteur et de les répartir”, explique la Sacem.
À BFM Immo, la Sacem précise tout d’abord qui est concerné: il s’agit des hébergements “tels que les chambres d’hôtes, gîtes, les locations de vacances ainsi que les hôtels, résidences de tourisme ou encore les campings, et ce quelle que soit la plateforme sur laquelle ces hébergements de tourisme proposent leurs services”.
Il n’y a donc aucune distinction si le bien en question est un gîte à l’année ou une location Airbnb quelques jours par an, si le propriétaire est un professionnel ou un simple particulier. À partir du moment où il y a une activité d’hébergement où des œuvres sont diffusées, le propriétaire doit s’acquitter des droits d’auteur.
Sur ce point, les avocats consultés par BFM Immo – Bernard Lamon, avocat spécialisé en droit du numérique et des communications et Romain Rossi-Landi, avocat spécialisé en immobilier – sont d’accord.
La Sacem explique que le montant des droits d’auteur dû dépend de plusieurs facteurs, à savoir “du nombre de chambres, de la catégorie de l’établissement (nombre d’étoiles), du type d’espaces sonorisés (espaces communs et/ou chambres) et enfin des conditions d’accès aux programmes audiovisuels et/ou musicaux dans les chambres (gratuit ou payant)”.
Par ailleurs, la Sacem précise à BFM Immo que “les hébergements sont soumis au paiement des droits d’auteur lorsque des diffusions musicales et/ou audiovisuelles sont proposées, que ce soit dans les hébergements ou encore dans les espaces communs. Dès lors que des œuvres protégées sont diffusées, notamment par le biais d’un poste de télévision, dans des locaux proposés en location saisonnière, il y a un acte de communication au public”.
Sur ce point, maître Lamon est beaucoup plus nuancé:
Il précise qu’il s’agit d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 2 avril 2020 concernant la radio mise à disposition dans les voitures de location. “La Cour de justice, dans son arrêt de ce jour, constate que c’est le cas de la fourniture d’un poste de radio intégré à un véhicule automobile de location, qui permet de capter, sans aucune intervention additionnelle de la part de la société de location, la radiodiffusion terrestre accessible dans la zone où le véhicule se trouve. Cela se distingue donc des actes de communication par lesquels des prestataires de services transmettent délibérément à leur clientèle des œuvres protégées, en distribuant un signal au moyen de récepteurs qu’ils ont installés dans leur établissement”.
BFM Immo a donc demandé plus de précision à la Sacem: le propriétaire doit-il s’acquitter de la redevance dès lors qu’il y a une télévision ou une radio dans le logement ou uniquement, comme l’explique l’avocat, si la musique ou la télévision est “imposée” au locataire?
La Sacem nous répond: “Les juridictions, tant française qu’européennes, ont considéré de manière constante que les diffusions audiovisuelles données dans les chambres des établissements d’hébergement touristique sont des actes de communication au public donnant prise au droit d’auteur”. Et elle précise: “Ainsi, la Cour de Cassation, dans un arrêt du 6 avril 1995 (…) a estimé que l’ensemble des clients d’un hôtel, bien que chacun occupe à titre privée une chambre individuelle, constitue un public. Aussi le seul fait de procurer à vos clients la possibilité de recevoir des émissions de télévision constitue une diffusion publique.”
“De même”, poursuit la Sacem, “la CJUE, dans un arrêt du 7 décembre 2006 (…) a jugé que ‘la distribution d’un signal au moyen d’appareils de télévision par un établissement hôtelier aux clients installés dans les chambres de cet établissement, quelle que soit la technique de transmission du signal utilisée, constitue un acte de communication au public’ soumis au droit d’auteur”.
Et elle répond à l’interprétation de maître Lamon sur le fameux arrêt de la CJUE du 2 avril 2020 sur les loueurs de voitures. “La CJUE a pris soin dans cette décision de distinguer cette activité de location de véhicules qui ‘permet de capter, sans aucune intervention additionnelle de la part de la société de location, la radiodiffusion terrestre accessible dans la zone où le véhicule se trouve’ des activités ‘par lesquels des prestataires de services transmettent délibérément à leur clientèle des œuvres protégées, en distribuant un signal au moyen de récepteurs qu’ils ont installés dans leur établissement'”, écrit la Sacem.
“Or il est indéniable que les diffusions audiovisuelles données dans les chambres des établissements d’hébergement touristique constituent une prestation de service mise en œuvre délibérément par les loueurs de ces établissements lesquels interviennent, en pleine connaissance de cause, pour donner accès à des œuvres protégées à leurs clients”, poursuit l’organisme. “Il s’agit d’une prestation de service supplémentaire, par rapport à la location d’une chambre ou d’un gîte, accomplie dans le but d’en retirer un certain bénéfice puisque celle-ci à une influence sur l’attractivité de la location.”
Pragmatique, maître Rossi-Landi répond: “Droit français ou jurisprudence européenne, la vérité sera dans les tribunaux.” En attendant, les propriétaires ne sont pas tellement plus avancés.
L’autre grand sujet de cette histoire est l’intervention des agents de la Sacem. Au Parisien, Jean-Félix Choukroun, directeur du service clients de la Sacem, affirmait: “Nos 150 agents sur le territoire sont autorisés à entrer légalement dans les domiciles entre deux locations pour vérifier l’existence d’un téléviseur ou d’une radio”.
Faux, rétorque Bernard Lamon. À BFM Immo, l’avocat explique: “Un agent Sacem n’est pas habilité à ‘forcer’ le passage pour rentrer dans une location. La Sacem prétend qu’elle peut le faire ‘entre deux locations’. Elle dit ce qu’elle veut, le principe est la protection du domicile. Le fait que la maison soit mise en location ne fait pas disparaître cette protection. En tout cas, il n’existe aucune jurisprudence en faveur de la Sacem.”
Même son de cloche du côté de Romain Rossi-Landi, avocat spécialisé en immobilier.:
En revanche, les agents de la Sacem peuvent effectivement envoyer des courriers aux propriétaires. Maître Lamon précise: “Seule exception, si la Sacem va voir d’abord un juge et est autorisée par la procédure dite de la saisie-contrefaçon.”
Depuis, la Sacem a tempéré les propos de Jean-Félix Choukroun. Sur l’entrée de ses agents dans les domiciles, elle répond désormais à BFM Immo: “C’est soumis bien sûr à l’approbation préalable du propriétaire.”
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