Publié le 14/11/2017 à 10h31
Dialogue de sourds autour des cloches
Les cloches de l’église ne sont parfois que nuisance aux yeux et aux oreilles de paroissiens. À Malrevers, en Haute-Loire, ce sont les sonnailles des vaches qui causent de l’urticaire aux riverains. Pourtant, tout semblait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, jusqu’à cet été. La chaleur obligeant à garder portes et fenêtres ouvertes nuit et jour a sans doute été l’élément déclenchant.
Au cœur de la polémique, le troupeau allaitant de Nicolas Toire, un jeune exploitant cantalien, installé avec femme et enfants dans une exploitation propriété de la ville du Puy. L’agriculteur de 32 ans a choisi Malrevers pour élever des salers et quelques ferrandaises. Son joli cheptel d’une quarantaine de mères pâture sur 46 hectares, principalement sur Malrevers et un peu sur Rosières. Ce ne sont pas les bêtes qui causent des problèmes dans la petite commune rurale, mais bien la passion de l’éleveur pour les cloches. Chaque bête ou presque possède la sienne.
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Chaque cloche, gravée, a son histoire et représente une tranche de vie : la naissance de sa fille, sa propre naissance. Il y a même celle du grand-père, soudée plus d’une fois et qui continue à rendre son office. « C’est pas du playmobil ! », s’extasie l’éleveur-collectionneur de cloches.
D’un pied prodigue de paysan cantalien, l’homme au béret vissé sur le crâne et à la longue barbe fluviale aime à parcourir ses parcelles, à être bercé par ses sonnailles qui pour lui font partie du « patrimoine ».
« L’élevage, c’est pas de se pavaner au volant d’un tracteur rutilant et faire du rendement » explique à qui veut l’entendre ce personnage haut en couleurs.
L’élevage est une chose, mais le son des cloches n’est pas ou n’est plus du goût de tous, en particulier d’Audrey Collin, une jeune femme vétérinaire qui, avec son mari, a acquis une maison à Malrevers en 2004 et qui ne supporte plus le bruit assourdissant, presque sous ses fenêtres. « Dans les alpages, on peut comprendre, ici c’est franchement ridicule » explique-t-elle. Audrey Collin aurait, dit-elle, tenté de faire comprendre à son bruyant voisin de renoncer à sa passion, mais depuis l’été elle n’est pas parvenue à le convaincre. « Je n’ai rien contre les agriculteurs, bien évidemment », explique la vétérinaire qui s’emploie depuis quelques semaines à faire signer une pétition, laquelle aurait recueilli une cinquantaine de signatures, dont celle de Madame le maire (que nous n’avons pas pu joindre).
La jeune femme a fait adresser par voie d’huissier à l’éleveur une « sommation de faire ». Le destinataire disposait de 48 heures pour ôter les cloches de ses vaches. La vétérinaire aurait également fait constater que le bruit était supérieur de plus de 35 décibels aux bruits environnants. « Au-delà de 5 décibels c’est reconnu comme une vraie nuisance », explique la requérante qui menace : « Ce monsieur recevra un courrier de la mairie, il disposera alors de quinze jours pour faire cesser le bruit. Et si ça ne marche pas, nous irons devant la justice ».

Pas question pour Nicolas Toire de « s’agenouiller ». L’éleveur dit ne pas comprendre cette animosité alors « que tout allait bien depuis sept ans ».
Retrouvez ici la pétition de l’éleveur
Et d’ajouter : « C’est ma vie, ma tradition, je ne me laisserai pas faire ». Le jeune cantalien a battu le rappel auprès des médias et lancé lui aussi une pétition (en ligne) qui ces dernières 48 heures a recueilli plus de 1.600 signatures. Après le temps des pétitions, l’hiver finira peut-être par apaiser les tensions.
Philippe Suc

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