l’essentiel Le directeur d'une entreprise située dans les environs de Cahors est poursuivi pour des faits de harcèlement sexuel avec abus d'autorité et comportements à connotation sexuelle ou sexiste imposés de façon répétée. Le jugement sera connu le 15 décembre.
« Je ne suis pas la seule à avoir subi ça. Je ne suis pas la première. Mais je veux être la dernière », lâche Céline. Au tribunal de Cahors ce jeudi 13 octobre, Céline (le prénom a été modifié) essuie ses larmes à mesure qu'elle témoigne. Jusqu'en 2020, elle travaillait en tant qu'assistante RH et administrative dans une entreprise de la région de Cahors. Elle poursuit le directeur de la société, pour harcèlement sexuel avec abus de l'autorité que lui conférait sa fonction, ainsi que pour comportements à connotation sexuelle ou sexiste imposés de façon répétée, entre septembre 2015 et décembre 2019.
Céline entre dans l'entreprise en 2015 d'abord comme intérimaire, puis est embauchée en CDI. Elle travaille quotidiennement avec Eric (le prénom a également été modifié), le directeur de la société. « Quelques mois après cette titularisation, vous lui auriez demandé de la tutoyer, ce qu'elle a refusé, rappelle le président du tribunal, s'adressant à Eric. Puis, les choses se sont aggravées par des propos et des gestes déplacés. Vous lui auriez dit qu'elle était belle, vous l'auriez appelée « ma chérie », et lorsque vous étiez seuls, vous en auriez profité, sans qu'il y ait de témoins, pour avoir des gestes tactiles, c'est-à-dire poser vos mains sur ses épaules, ses bras, ses hanches, ses cuisses ». Un jour où Céline préparait du café et en proposait à Eric, ce dernier lui aurait répondu « ce que je veux, c'est toi ». Dans le dossier de l'affaire, figurent également un certain nombre de mails professionnels envoyés depuis l'adresse de messagerie d'Eric. Il écrit à Céline en employant les termes « mon cœur », « ma blonde préférée », « bonjour la plus belle », « ma belle fille ».
À la barre, Eric se montre impassible et conteste les faits. « On avait une relation de travail normale. La même que j'ai avec tous mes collègues. Il n'y avait rien de spécial », déclare le prévenu. « Est-il vrai ou non que vous êtes quelqu'un qui a tendance à être « tactile » avec les femmes ? » questionne le président du tribunal. « Non, pas du tout », répond Eric. Au sujet des mails, le directeur admet avoir pu écrire des expressions comme « bonjour ma Céline », « bisous », « ma chérie ». « C'était des mots qui étaient utilisés tous les jours entre nous, par tout le monde », affirme Eric. Quant aux autres termes, il nie les avoir écrits. Il assure que tous ses collaborateurs avaient accès à son ordinateur et à sa messagerie, et qu'il pouvait même arriver qu'il leur demande de répondre à des mails à sa place. Et que, par conséquent, une tierce personne aurait pu écrire ces mots.
Dans le dossier, Céline n'est pas la seule à se plaindre du comportement de son patron. Deux autres salariés, un homme et une femme, qui ont tout les deux quitté l'entreprise en 2018, ont également été entendus par les enquêteurs. Comme Céline, cette autre femme reproche à Eric une tendance à la toucher très souvent, et des propos déplacés et répétés. Elle souligne que les agissements ont cessé lorsqu'elle a menacé de prévenir la gendarmerie, mais se sont transformés en un harcèlement moral avec une remise en cause de son travail. Un autre ancien collaborateur, ex-compagnon de cette salariée et collègue de la première heure d'Eric, parle de son côté d'un « management par la peur ». Il indique aussi qu'Eric se livrait à un « jeu de séduction, pratiqué avec plusieurs éléments féminins ».
« Ce que j'ai dit est vrai », maintient Céline. « Il n'y a pas eu de proposition sexuelle, mais ses comportements et ses gestes le disaient », explique-t-elle, éprouvée. Dans le cadre de ses fonctions, elle devait fréquemment discuter de sujets confidentiels avec Eric, et donc, fermer la porte du bureau. « J'allais le plus tard possible dans son bureau, car j'avais cette crainte de devoir fermer la porte », ajoute-t-elle.
Fin 2019, les comportements d'Eric cessent, mais sont remplacés par une forme de harcèlement moral, avec une baisse de considération envers Céline et des critiques sur son travail. En mai 2020, Céline est déclarée inapte par la médecine du travail, puis licenciée pour ce motif. Elle porte plainte contre Eric en octobre 2020.
L'avocat qui défend Céline explique ne pas croire à la version disant que les mails auraient été écrits par d'autres. Alors que la défense s'étonne que Céline n'ait évoqué à personne de sa situation avant mai 2020, il répond : « Elle ne l'a pas dit avant parce qu'elle avait honte. C'est classique ».
L'avocat d'Eric parle quant à lui d'éléments trop légers, d'une enquête défaillante et demande la relaxe de son client. « Vous ne pouvez pas entrer en voie de condamnation sur des ressentis, ou parce qu'il serait tactile », plaide-t-il. Il estime que l'affaire relève davantage des Prudhommes, qui ont par ailleurs également été saisis. Selon lui, les mails dont il est fait état dans le dossier ne représentent qu'une part minime parmi le flot de courriels que pouvaient s'échanger un directeur et son assistante administrative.
« On a des propos. On a des gestes. Oui, il ne lui touche pas les fesses ou les seins, encore heureux. Mais il impose ses choix, son pouvoir, sans tenir compte du consentement de la personne qui est en face. […] C'est une infraction parfaitement caractérisée dans tous ses éléments », indique la procureure de la République. Cette dernière requiert alors qu'Eric soit reconnu coupable des faits qui lui sont reprochés. Elle demande alors d'entrer en voie de condamnation avec trois mois d'emprisonnement assortis d'un sursis simple, avec une inéligibilité de trois ans.
Le jugement, mis en délibéré, sera connu le 15 décembre.

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