Alors qu’un nouveau rapport du GIEC (en français, Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) alerte face au réchauffement climatique et que la guerre en Ukraine a mis en lumière les périls de la dépendance énergétique – avec notamment la décision russe d’arrêter de fournir en gaz la Pologne et la Bulgarie -, une énergie alternative semble pouvoir répondre aux plus gros problèmes de ces deux thématiques : le gaz vert. Le territoire de la Nouvelle-Aquitaine – notamment les Pyrénées-Atlantiques, à travers le Béarn – semble particulièrement bien placé pour ne pas rater le train de cette énergie alternative. Explications.
Tout d’abord, de quoi parle-t-on exactement ? Le gaz vert est un gaz 100 % renouvelable produit localement à partir de résidus agricoles, effluents d’élevage, déchets des territoires, inter-cultures. D’après GRDF et GRTgaz – qui ont réalisé une étude en novembre et décembre 2021 sur les « usages et perceptions » du gaz vert en Nouvelle-Aquitaine – ce dernier, après épuration, atteint « le même niveau de qualité que le gaz naturel » et peut donc être injecté dans les réseaux.
Pour quoi faire ? Tout comme son cousin naturel, le gaz vert sert à chauffer son habitation, cuisinier, etc. De plus, il peut être décliné sous forme de carburant. On parle alors de BioGNV² et est présenté comme une « solution économique et écologique » pour le transport de marchandises et de personnes.
Voilà pour la théorie. Quid de la pratique, notamment sa production ? La région Nouvelle-Aquitaine, dans Néo Terra, sa feuille de route pour la transition environnementale a fait du gaz vert un « élément important » de cette dernière, d’après Frédéric Soulier, directeur territorial GRDF Pyrénées-Atlantiques & Landes.
Sur le terrain, la filière est encore toute jeune. « La première unité de production date de 2008, à Cestas, en Gironde. Notre région est en retard par rapport à d’autres territoires du pays, mais la collectivité régionale est très motrice. Elle a annoncé comme objectif que 30 % du gaz en Nouvelle-Aquitaine, en 2030, soit du gaz vert. C’est un objectif atteignable ».
Dans les Pyrénées-Atlantiques, c’est le Béarn qui est aux avant-postes. En 2020, une seule unité de méthanisation était active : celle de Methalayou, à Préchacq-Navarrenx. Fin 2021, trois sites de plus étaient en fonctionnement : Espéchède, Pardies-Pietat et Orin. « Ce sont des installations agricoles de tailles diverses, qui regroupent de 3 à 15 exploitants.
Pour les agriculteurs, la méthanisation est un vrai plus : ils diversifient leurs revenus, traitent leurs effluents et déchets et récupérer du digestat, qui remplace l’engrais chimique, pour leurs cultures. Le tout dans une économie circulaire et ultra-locale » rajoute Frédéric Soulier.
Ces quatre sites font qu’actuellement « 3 % de gaz consommé en Béarn est du gaz vert » glisse le directeur territorial de GRDF. Mais cette part va exploser avec les nouveaux projets à venir. Ainsi, pour 2022, deux nouveaux sites vont voir le jour. À Asson, qui devrait débuter son exploitation en juin, et Mourenx, où Total et Euralis se sont alliés sur un projet destiné au réseau de transport, et qui devrait fonctionner d’ici la fin de l’année. « Avec ces deux nouvelles unités, nous allons dépasser le seuil des 20 % de gaz vert en Béarn ».
À plus long terme, passé 2023, ce sont au moins neuf sites qui seront implantés en Béarn, avec notamment le rajout de ceux d’Espouey, Artigueloutan et de la station d’épuration de Pau-Lescar. « Il y a une vraie impulsion en Béarn. D’autres projets sont encore en réflexion, mais il est encore trop tôt pour en parler.
Dans le même temps, à Montardon, a été inaugurée la plateforme Meta, dédiée à la recherche et développement et à la formation en matière de méthanisation agricole ». L’objectif est d’atteindre 25 % de gaz vert en 2025.
Sur le département, l’objectif, pour la même date, est de 13 %. Comment expliqué le ratio ? « Côté Pays Basque, il n’y a, à ce jour, qu’une seule unité en fonctionnement à Came. Et pas réellement de projet crédible en réflexion. D’où un objectif plus mesuré, au niveau du département » souligne Frédéric Soulier.
Dans leur étude, GRDF et GRTgaz soulignent que « 9 personnes interrogées sur 10 ont une image positive du gaz vert ». Pour autant, seuls 49 % « maîtrisent les différences avec la production de gaz conventionnel ». Pour Frédéric Soulier, néanmoins, c’est sûr, le territoire doit foncer sur cette énergie.
« Les gens sont prêts à en consommer. Le gaz vert a en plus un énorme avantage : il fonctionne avec l’équipe existant (hormis pour sa version dédiée aux véhicules). Il y a encore effectivement des craintes quand à son impact, mais ce sont surtout des sentiments liés à la méconnaissance de sa production. Craintes qui s’effacent avec le temps. Quant aux agriculteurs, encore une fois, ce système vertueux est entièrement bénéfique pour eux ».
Et d’ajouter : « le gaz vert cumule les avantages. Il est moins polluant que d’autres énergies et sera vital dans le but d’atteindre la neutralité carbone et surtout, il est produit de façon locale. Autrement dit, la France, grand pays agricole, serait autonome sur son gaz vert, voire exportateur. Idem en Nouvelle-Aquitaine, et surtout en Béarn. De quoi aider à la souveraineté énergétique dont on parle tant en ce moment. On pourrait rapidement atteindre les 17 % de gaz vert sur le total du gaz consommé, un niveau qui correspondant à celui qu’on importe de Russie ».
Quant au coût pour le particulier, tout dépend du moment. « Il y a deux ans, le gaz vert était plus cher que le conventionnel. Mais actuellement, avec la guerre, il redevient très bon marché. On doit tourner entre 70 et 110 euros le mégawatt-heure. Mais plus la filière se développera, plus les coûts et donc le prix baisseront.
Frédéric Soulier conclut : « Le principal obstacle en ce moment est le manque d’entrain de l’État, qui ne voit pas le gaz vert comme un élément moteur. Paris parle plus de nucléaire qu’autre chose. Le gaz vert est le parent pauvre de la communication. Alors qu’on subit une image moins flatteuse que d’autres énergies de transition. Nous espérons que cela change… «
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