En juin deux ministères primeront des projets d’architectes intégrant le risque d’inondation. Chez nous, le savoir-faire existe, encore faut-il pouvoir l’exploiter.
 
Des maisons flottantes accrochées à des îles artificielles à Amsterdam, des bureaux sur l’eau du lac Léman, des villages de pêcheurs sur pilotis sur le Mékong, des maisons flottantes dans la banlieue de San Francisco… Et si sur le littoral audois, dans les basses plaines de l’Aude, dans les villages traversés par les torrents des Corbières (Berre, Agly) on ne cherchait plus à lutter contre l’eau, mais à vivre avec ? 19 000 communes en France seraient soumises au risque d’inondation. Entre 1982 et 2010, les inondations ont fait 200 victimes et 20 milliards d’euros de dommages. Et la planète continue de se réchauffer.
Intégrer le risque d’inondation, c’est l’idée suggérée par les ministères de l’Écologie et du Logement par le biais d’un concours à destination des architectes, urbanistes et paysagistes. Le contexte est d’actualité dans l’Aude, régulièrement sujette à d’importantes inondations et qui a tout misé sur la lutte contre l’eau par des digues… qui parfois ne peuvent éviter la catastrophe. « À Sigean, certaines familles n’ont plus rien, l’eau a tout ravagé en novembre dernier, il faut trouver des solutions », s’inquiétait la semaine dernière le maire de Sigean Michel Jammes. L’État est appelé à la rescousse, notamment dans le dossier sigeanais, « pour tout remettre à plat » et écarter définitivement de nouvelles inondations. Il existe certes « des solutions, adoptées par nos anciens, combattues, puis réintroduites », expliquait récemment Madame le sous-préfet Béatrice Obara, mais « il faut comprendre que la protection de ce territoire est un exercice complexe qui demande des expertises ».
En attendant, les velléités d’expérimentation, comme à Gruissan, où la commune se sert d’un document audacieux présenté par des élèves en architecture, « sont rejetées en bloc, dès qu’il est question de construction adaptée en zone inondable ». Des architectes renommés, rencontrés à Marne-la- Vallée par les élus gruissanais auraient même regretté le « conservatisme audois ». Et pourtant, la France avec ses 19 193 kilomètres de côte, est menacée par la montée des eaux due au réchauffement climatique. Le littoral grand narbonnais pourrait servir de laboratoire. Mais « on ne régule pas d’en haut », analyse l’architecte narbonnais Jean-Pierre Gary, qui a travaillé sur la Mission Racine. Et puis « économiquement ce n’est pas viable », tant que « l’habitat ne sera pas d’intérêt général », mais… l’affaire des promoteurs. C’est aussi l’affaire des assureurs, qui depuis la tempête Xynthia, ses 53 victimes et 2,5 milliards d’euros de dommages font pression sur l’État, pour ne plus être ainsi exposés.
“Donnez-moi un étang, faisable mais irréalisable selon Jean-Pierre Gary
« Donnez-moi un bel étang et je vous fais de l’habitat flottant », sourit Jean-Pierre Gary. L’habitat flottant « intégrant le risque d’inondation », l’architecte et urbaniste narbonnais connaît. Il a notamment travaillé avec Roland Castro sur la mission Racine d’aménagement du littoral. Il a aussi travaillé sur le projet d’ultime station du littoral – jamais réalisé – entre les Cabanes de Fleury et Vendres (photo ci-contre), le projet Nysa. La loi littorale enterrera le projet dans les années 80. « On savait mettre en eau toute l’année les bassins des Salins du Midi, il était possible de créer un habitat ludique… sur le Mékong il y a bien des villages flottants », résume Jean-Pierre Gary. Mais le problème c’est « qu’on n’est pas dans le delta du Mékong », or « l’habitat flottant fonctionne uniquement s’il y a de l’eau ». Jean-Pierre Gary a aussi travaillé sur la ZAC de la Robine sous l’ère Moynier : « Moynier me dit de trouver une possibilité de faire de l’habitat autonome en énergie et flottant, comme en Suisse (des bureaux sur le lac Léman). Je travaille dessus et une question se pose : qu’est ce que je fais si je n’ai pas d’eau en permanence. Je voulais mettre en eau, ce qui a suscité les hurlements de l’État, parce que ça aurait été une fenêtre ouverte sur la construction en zone inondable ! » Aujourd’hui la tendance est au retrait des zones à risques, par le biais de la Résorption de l’Habitat Insalubre. Des questions se posent néanmoins, sur l’occupation des sols dans une époque qui a bien changé depuis la mission Racine. Plus récemment, avec Michel Py à Leucate, Jean-Pierre Gary a tenté de « résoudre la difficile équation : logements vides les trois quarts de l’année et forte demande de logements dans un secteur saturé, sans terrains constructibles ».
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