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Le Centre de lutte contre le cancer niçois célèbre cette année son 60e anniversaire. Retour sur l’histoire de cet établissement emblématique.
Il y a toujours eu un esprit famille ici !” lancent en chœur Marie-Agnès Huart, cadre de santé, et Christine Lovera, directrice de la recherche clinique et de l’innovation, respectivement 40 et 41 ans de présence au Centre Antoine Lacassagne.
L’établissement célèbre cette année ses 60 ans. 60 années de soins, de traitements, d’innovations. Mais surtout 60 années au service des patients et de la population. Les choses ont bien changé depuis l’inauguration officielle du bâtiment en 1962.
Marie-Agnès et Christine ont pour ainsi dire fait toute leur carrière au Centre, louant la bonne ambiance entre collègues et la solidarité.
Ca n’a pas toujours été facile, au début, on travaillait dans des conditions qui sembleraient totalement impensables aujourd’hui, relève la cadre de santé. On n’avait pas de masques ni de gants. Lorsque j’étais jeune infirmière, on utilisait encore des seringues en verre avec des aiguilles en fer. Mais l’établissement a toujours été à la pointe. Il a été le premier dans la région à avoir des seringues en plastique et des aiguilles jetables. Idem pour les kits stérilisés qui arrivaient tout prêts.
Marie-Agnès se souvient de tous ces gestes qui semblent aujourd’hui appartenir à des temps immémoriaux : “tout était fait sur place : on découpait et pliait les compresses de gaze avant de les stériliser. On lavait les instruments nous-mêmes. Les drains par exemple : je me souviens de 70 flacons alignés sur la paillasse qu’il fallait nettoyer…
Les soignants de l’époque prenaient des risques, sans en mesurer l’importance. “C’était partout pareil, il n’y avait pas toutes les règles d’hygiène qu’on connaît maintenant. Par exemple, nous préparions les chimiothérapies en faisant nos petits mélanges directement sur la paillasse sans aucune protection, se souvient Marie-Agnès. Mais rassurez-vous, nous allons bien !“, ajoute-t-elle dans un clin d’œil.
Les deux femmes racontent sans détour les patients qu’elles voyaient lorsqu’elles sont arrivées à Lacassagne il y a une quarantaine d’années.
Ce n’était vraiment pas la même époque, souffle Christine. On voyait des choses très dures. Les patients arrivaient à un stade avancé de la maladie car il n’y avait pas de prévention. Le cancer était “tabou” et la peur empêchait souvent d’aller consulter. Les examens de radiologie ne permettaient pas encore de diagnostiquer précocement la maladie et les médecins traitants étaient assez démunis. Lorsque les malades arrivaient ici, c’était bien souvent trop tard. La majorité d’entre eux mourraient. Aujourd’hui c’est tout l’inverse, la majorité vit, et ça, c’est formidable. Nous avons assisté aux progrès réalisés dans les traitements. Les médecins du Centre ont fait preuve d’inventivité, ont trouvé des voies thérapeutiques lorsqu’il n’y en avait pas. Ils ont toujours été passionnés et ont fait énormément pour la lutte contre le cancer.
Le Centre Antoine Lacassagne peut se targuer d’avoir su fidéliser ses personnels. Et lorsque les jeunes veulent tenter l’expérience ailleurs, ils reviennent fréquemment.
L’établissement a totalement changé en 60 ans. Il s’est adapté, souvent avec un temps d’avance aux progrès et aux nouvelles réglementations.
Et les grands gagnants dans tout cela, ce sont les patients. Le Centre Lacassagne a une excellente réputation.
La qualité de l’écoute et l’attention que portent les soignants aux malades au-delà de la prise en charge de leur cancer est ce que retiennent ceux qui y sont passés. Car c’est cela la grande victoire : beaucoup ne font que passer et ressortent soignés.
Deux années à la tête du Centre Antoine Lacassagne dont une de Covid. Le Pr Emmanuel Barranger a déjà dû faire face à un sacré défi en tant que directeur général de l’établissement de lutte contre le cancer niçois.
Une pandémie qui l’a poussé dans ses retranchements, qui l’a forcé à déployer des trésors d’adaptation afin de pouvoir assurer la continuité des soins.
Au cœur de toutes ses préoccupations : les malades. Car s’il attache une attention particulière à offrir des traitements de pointe, il entend aussi placer l’humain au centre de la prise en charge. Rencontre.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre parcours ?
J’ai fait mes études à Paris. En 2007, j’étais alors âgé de 38 ans, on m’a proposé de reprendre le service de gynécologie de l’hôpital Lariboisière (AP-HP Paris). Ce n’était pas une mince affaire parce qu’il était en difficulté. Avec l’équipe qui m’entourait, nous avons réussi à lui rendre une notoriété et surtout nous avons développé la cancérologie, une discipline qui m’a toujours intéressée. En 2012, le Pr Santini, qui dirigeait à l’époque le Centre Antoine Lacassagne m’a contacté parce qu’il cherchait quelqu’un pour diriger le service de sénologie. Ayant une appétence particulière pour la discipline et pour les valeurs des Centres de lutte contre le cancer (CLCC), j’ai immédiatement accepté. Je ne connaissais pas la région, en revanche je connaissais la réputation d’excellence du centre.
Diriger un CLCC, c’est pourtant bien différent de soigner des patients.
Effectivement, mais il y a quelques années, j’avais suivi deux ans de formation à sciences Po Paris en Gestion et Politiques de santé. J’avais donc acquis les bases de gestionnaire et de management..
Vous continuez par ailleurs d’exercer en tant que médecin ?
Oui c’est très important pour moi de maintenir un contact avec les patients. J’opère le lundi, je consulte le mardi et le reste du temps, je suis à la direction du Centre. La particularité des CLCC est d’avoir une gouvernance médicale : cela nous permet d’être en prise avec la réalité, avec les problématiques qui se posent aux soignants, avec les besoins des malades.
Vous placez l’humain au centre de vos projets.
C’est fondamental ! Il faut de la bienveillance, envers les malades qui poussent la porte du Centre pour être pris en charge comme à l’égard du personnel. Quand on vient travailler à Lacassagne, ce n’est pas par hasard, c’est parce qu’on a envie de s’investir auprès des patients, qu’on veut participer à la recherche…
Quel est votre objectif en tant que directeur du CAL ?
Mettre l’accent sur les objectifs de guérison et de bien-être, faire bénéficier tous les patients d’un traitement optimal et des dernières innovations thérapeutiques, tout en limitant les séquelles, maintenir l’esprit des Centres de lutte contre le cancer : recherche, innovation et qualité des conditions de travail.
Quel doit être un établissement spécialisé dans le cancer dans les années à venir ?
Il doit proposer de l’excellence et de l’innovation. Il doit être un établissement de recours et faire de la prévention. Nous avons un rôle à jouer dans la démocratie sanitaire. On doit faire comprendre à la population qu’elle doit passer de l’idée “je vais être soigné” à celle “je veux rester en bonne santé”. Nous devons aussi nous adapter à son rythme de vie lié au fait que nous soignons des personnes de plus en plus âgées.
Comment s’articulent les relations entre le Centre Antoine Lacassagne et les autres établissements de santé ?
Le Centre Antoine Lacassagne doit participer à structurer la cancérologie publique. Nous devons travailler en synergie avec les autres établissements afin que les patients atteints de cancer aient un égal accès aux soins et aux traitements innovants. Nous avons d’ailleurs scellé des partenariats avec des hôpitaux en ce sens.
L’accélérateur de protonthérapie de basse énergie fête d’ailleurs son 30e anniversaire.
Oui, il a été inauguré en 1991.C’était alors le premier équipement de ce type en France, dédié aux tumeurs oculaires. Depuis, il a permis de soigner 5 % des patients du monde entier souffrant de ce type d’affection. Et au titre des dates clés, nous célébrons cette année également les 10 ans de la création de l’IUFC – Institut universitaire de la face et du cou.
Quels sont vos projets pour les mois et années à venir ?
Ils sont nombreux ! Nous allons notamment développer la plateforme de radiologie interventionnelle spécialisée en oncologie. Mais l’ADN des CLCC c’est de faire de la recherche, d’être des gestionnaires des données de santé et de participer à l’innovation thérapeutique.
Et sur un plan purement matériel, des travaux sont prévus ?
L’établissement commence à être vieillissant. Il faut mener une réflexion pour adapter l’infrastructure aux besoins, pour rénover, agrandir. Sur le site Est (quartier Pasteur, Ndlr) il y a une surdensité manifeste ; en revanche, nous avons davantage de place sur le site Ouest (avenue de la Lanterne, Ndlr) où se trouve la protonthérapie.
Le Centre de lutte contre le cancer de Nice a été créé par un arrêté ministériel de 1954 suite au constat selon lequel, vu l’éloignement avec Marseille, il fallait doter le secteur d’un institut anticancer pour pouvoir prendre en charge la population.
Le Ministère de la Santé avait chargé le Dr Vincent Paschetta de mener à bien ce projet. Il était alors chef du service central d’électro radiologie au service du cancer et du centre de physiothérapie de l’Hôpital Saint-Roch.
Le bâtiment A (dont la construction a débuté en 1958) a été implanté à côté de l’hôpital Pasteur afin de permettre une synergie entre les établissements.
Le Dr Paschetta a dirigé le CAL de 1961 à 1970.Auparavant, c’est lui qui avait fondé le Comité départemental de la Ligue contre le cancer des Alpes-Maritimes en 1959 dont il a assuré la présidence jusqu’à sa mort en 1984 (à l’âge de 81 ans).
Le Centre Antoine Lacassagne aujourd’hui
Le Centre Antoine Lacassagne figure parmi les 18 Centres de lutte contre le cancer (CLCC) français du réseau Unicancer.
Juridiquement, il s’agit d’un ESPIC (Etablissement de santé privé d’intérêt collectif) : il remplit des missions de soins, de recherche et d’enseignement.
Près de 6.500 patients sont pris en charge chaque année pour tous types de cancer. Il ne pratique ni dépassement d’honoraires ni consultations privées.
Il a été classé parmi les 100 meilleurs hôpitaux en cancérologie au monde par un panel de 40.000 médecins et professionnels de santé (classement Newsweek 2021).
Il possède l’un des plateaux techniques de radiothérapie et d’imagerie les plus complets d’Europe. Il est reconnu pour son expertise en cancérologie des tumeurs de la face et du cou ainsi qu’en chirurgie des cancers de la femme.
Il réunit aujourd’hui 850 professionnels dont 108 praticiens. Il est passé de 96 lits en 1961 à 197 aujourd’hui. Au total, près de 66.000 consultations sont menées chaque année (2.000 à sa création).
> 1961 : Ouverture du Centre de Diagnostic et de Traitement (Construction du bâtiment A).
> 8 juin 1962 : inauguration officielle du CLCC niçois par le Dr Aujaleu, Directeur Général du Ministère de la Santé Publique le 8 juin 1962.
> 1980 : Ouverture bâtiment B.
> 1991 : Inauguration du Cyclotron Medicyc (Bâtiment C à l’ouest de Nice, avenue de la Lanterne), le premier accélérateur de protonthérapie de basse énergie installé en France, dédié aux tumeurs oculaires.
> 2009 : Extension bâtiment B.
> 2011 : Création de l’Institut Universitaire de la Face et du Cou (IUFC) : Groupement de Coopération Sanitaire entre le CHU de Nice et le Centre Antoine Lacassagne accueillant tous les patients relevant de pathologies ORL.
> 2014 : Acquisition de La Consolata, maison d’accueil hospitalière.
> 2016 : Inauguration de l’Institut Méditerranéen de Protonthérapie. Le Proteus One, premier équipement de protonthérapie haute énergie nouvelle génération à être installé au monde, vient enrichir l’offre de protonthérapie du Centre afin de traiter les cancers de l’enfant et certaines tumeurs complexes de l’adulte.
> 2017: Création de l’Institut Universitaire du sein et de Cancérologie Gynécologique (IUSCG). Créée en 2012, la Clinique du Sein devient l’IUSCG, structure regroupant sur une unité de lieu et un plateau technique moderne tous les professionnels spécialisés : chirurgiens, radiologues, radiothérapeutes, oncologues, soins de support.
> 1961-1970 : Dr Vincent Paschetta. Il disait dans son discours d’inauguration : “le Centre Anti Cancer comblait un espace vide, situé à l’extrême sud est de notre pays, dans une ville démunie de faculté ou d’école de médecine“. Le Ministre de la Santé de l’époque, Raymond Marcellin sous le Gouvernement Pompidou avait décidé la création d’un Centre de Lutte Contre le Cancer avant la création d’une faculté de médecine, afin de répondre à un besoin d’une population bien particulière dans ce coin de la côte d’Azur.
> 1970-1985 : Pr Claude Lalanne.Il a initié le projet de protonthérapie. C’est sous sa direction que le bâtiment B a été ouvert en 1980.
> 1985-1996 : Pr François Demard : c’est sous sa direction qu’a été installé l’accélérateur de particules appelé Cyclotron Médicyc. En France, le premier traitement par protons pour un mélanome de la choroïde a eu lieu le 17 juin 1991 au CAL.
> 1996-2001 : Pr Jean-Noël Bruneton a apporté de la sérénité au Centre après une période difficile.
> 2001-2009 : Pr Jean-Pierre Gérard : il a lancé le projet de l’IUFC et inauguré l’extension du bâtiment B.
> 2009-2014 : Pr José Santini, il a inauguré l’IUFC en 2011.
> 2014- 2019 : Pr Joël Guigay a inauguré le l’Institut Méditerranéen de ProtonThérapie (IMPT) sur le site Ouest en juin 2016, et les traitements par protonthérapie haute énergie ont débuté en septembre.
> Depuis 2019 : Pr Barranger.
Antoine Lacassagne a vécu de 1884 à 1971. Interne des Hôpitaux de Lyon en 1908, il rédige une thèse sur les effets des rayons x sur les ovaires sous la direction de Claudius Regaud, qu’il suit à Paris quand ce dernier est appelé à la direction de l’Institut du Radium aux côtés de Marie Curie.
En 1932 il montre que l’injection d’hormones femelles (œstrogènes) à des souris augmente la fréquence des cancers mammaires.
En 1962, il a reçu un prix créé par l’Assemblée Générale des Nations Unies “pour l’ensemble de son œuvre accomplie au cours d’une longue carrière de recherche dans le domaine du cancer“.
Il a été président de la Ligue nationale contre le cancer de 1956 à sa mort en 1971, succédant à son fondateur Justin Godart.
A sa mort, il disposait d’une grande notoriété, et c’est pour lui rendre hommage que le directeur du Centre de lutte contre le cancer de Nice, le Pr Claude Lalanne, a contacté la famille de ce grand chercheur pour lui proposer de baptiser l’établissement de son nom.
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