Depuis l’arrivée de ressortissants ukrainiens à Calais, certaines associations dénoncent un deux poids deux mesures dans le traitement des réfugiés. Une plainte pourrait être déposée.
Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine le 24 février dernier, des millions de personnes fuient leur pays. Bon nombre d’entre eux empruntent les routes migratoires jusque Calais pour rejoindre le Royaume-Uni. Faute de visas, certains d’entre eux sont refoulés par les autorités britanniques. Depuis le 28 février, la moitié des 638 Ukrainiens arrivés à Calais ont pu rejoindre l’Angleterre.    
Dans la ville portuaire, une auberge de jeunesse dotée de 150 places a été réquisitionnée pour les accueillir, tandis que deux “SAS” d’une capacité totale de 200 places ont été ouverts à Arras et Tourcoing pour compléter le dispositif. Parallèlement, les démantèlements de campements à Calais et sur le littoral se poursuivent pour les autres réfugiés. Jeudi 10 mars, un jeune homme d’une vingtaine d’années est décédé après avoir été percuté par un camion sur l’autoroute A16. Rien que sur la journée d’hier, neuf lieux de vie ont été démantelés selon Human Right Observers et au moins 34 tentes ont été saisies.  

Un deux poids deux mesures incompréhensible pour les associations d’aide aux migrants présentes sur place depuis des dizaines d’années. Certaines envisagent de porter plainte contre la municipalité.  

Lorsqu’on l’interroge, François Guennoc tient d’abord à rappeler qu’il salue l’accueil des réfugiés ukrainiens dans la ville. “On est extrêmement heureux qu’ils soient accueillis dans de bonnes conditions à Calais. Ils sont hébergés, ils sont nourris. Nous même avons pu apporter des vêtements femmes et enfants à l’auberge de jeunesse”. 
Mais très vite, le président de l’Auberge des Migrants dresse un constat frappant. “C’est extrêmement choquant de voir la différence de traitement” entre les réfugiés Ukrainiens, et les autres. “Ils fuient la guerre mais sont beaucoup mieux traités que des personnes qui ont aussi fui la guerre comme des Afghans, des gens du sud Soudan, des gens de Syrie qui aujourd’hui sont littéralement chassés de Calais et ne sont ni hébergés ni nourris”.  
Une incompréhension partagée par les exilés qui tentent de survivre en attendant de traverser la Manche pour rejoindre l’Angleterre. “Quand les Ukrainiens arrivent, on leur donne des endroits où se poser. Mais nous les noirs, je ne sais pas pourquoi une telle différence… ça me rend très triste, confesse Félix, réfugié nigérian, à côté de sa tente balayée par les vents. Noir, blanc… un réfugié est un réfugié”. Adam, originaire du Darfour, abonde. “Mon village est brûlé, mon père est plus là, ni mes frères et sœurs….Tout ça à cause de la guerre. Les Ukrainiens vont pouvoir aller facilement en Angleterre, et pour nous non”.  
À Calais, nous croisons Marie Jolly. Elle fait partie de Migraction, un collectif historique qui permet aux exilés présents à Calais de se reposer le week-end dans des familles d’accueil de la région. “Quand j’ai vu l’élan de solidarité pour les Ukrainiens, j’étais super contente… raconte-t-elle. Mais quand j’ai entendu qu’à Calais on ouvrait une auberge de jeunesse alors qu’ici c’est la bataille tous les jours, ça m’a mis en colère”.
Comment justifier une telle différence de traitement. Est-ce la couleur de peau ? La religion ? Réponse de François Guennoc. “On entend que les Ukrainiens seraient plus proches culturellement de nous, il y a aussi des questions de religion… mais pourquoi discriminer des personnes qui fuient la guerre ? Ces personnes méritent toutes qu’on les prenne en charge et qu’on leur propose une protection”.  
Il prend un exemple qui, selon lui, illustre l’absurdité de la situation. “Un arrêté préfectoral interdit aux associations de distribuer de l’eau et de la nourriture à titre gratuit en centre-ville. Est-ce que cette disposition va également s’appliquer aux réfugiés ukrainiens ?”

Interrogé par France 3 Nord Pas-de-Calais, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a tenu à clarifier la situation. Selon lui, les deux situations sont totalement différentes. “Les Ukrainiens qui fuient la guerre en Ukraine pour retrouver leurs familles en Grande-Bretagne le font avec des papiers”, a-t-il indiqué, contrairement aux autres réfugiés présents à Calais.    
La France a son devoir d’humanité avec tout le monde, donne des repas à tout le monde, loge tout le monde.
à France 3 Nord Pas-de-Calais
“Je rappelle qu’ils peuvent déposer l’asile en France. Seulement moins de 5% d’entre eux le font. Ils ne veulent pas rester en France. 50% de l’hébergement sur la Côte d’opale est offert. Nous déboursons 30 millions d’euros par an pour loger ces personnes. Simplement, ils veulent prendre la mer pour aller de l’autre côté de la Manche”. 
Face aux critiques émanent des associations d’aide aux migrants, Gérald Darmanin a assuré que “la France a son devoir d’humanité avec tout le monde, donne des repas à tout le monde, loge tout le monde”.    

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