Après les faux mails de notaires demandant de verser un acompte sur un compte bancaire situé à l’étranger et les faux agents immobiliers qui détournent des dizaines de milliers d’euros, voici les faux conseillers en crédit immobilier. Tout commence lorsque Tifenn et Kevin décident de contracter un crédit immobilier pour acheter une maison dans le Cantal (15) proposée au prix de 90.000 €. Le couple dispose de 50.000 € d’économies environ et souhaite souscrire un crédit pour une valeur de 37.500 €.
Ils comparent les taux de crédit sur le site MeilleurTaux.com en début d’année. En septembre, une personne les contacte par téléphone, se présentant comme conseillère en crédit immobilier chez Boursorama. «La conseillère assure avoir eu nos coordonnées via le site Meilleurtaux», explique Kevin. Le temps d’attente entre la consultation du site et la prise de contact est toutefois surprenant. «Quand vous déposez un dossier sur un site comme MeilleurTaux, vous obtenez une réponse dans un délai de moins d’une semaine et pas de 8 mois», alerte Maël Bernier, porte-parole chez Meilleurtaux. De plus c’est un conseiller MeilleurTaux et non un banquier qui prend contact avec le client.
La prétendue conseillère souhaite étudier la demande de crédit du couple et demande à ce qu’il lui fasse parvenir plusieurs documents administratifs tels que les avis d’imposition, les bulletins de salaire, les justificatifs de domicile…. Tifenn et Kevin ne foncent pas tête baissée et prennent le temps de vérifier les coordonnées de la conseillère sur Internet pour vérifier son identité. Rien ne leur semble suspect, ils décident donc d’envoyer lesdits documents. Une offre de crédit à un taux de 1,10% sur 15 ans leur est alors proposée par la conseillère. L’offre est acceptée par le couple. «On avait déjà souscrit un crédit en mai pour un appartement à un taux de 1,05% donc un taux de 1,10% en septembre, cela ne nous paraissait pas étrange», justifie Kevin. Le taux de crédit moyen en septembre s’établissait aux alentours de 1,74 % sur 15 ans, selon l’Observatoire Crédit Logement. Un taux à 1,10% est donc en deçà du taux moyen. Une offre alléchante de prime abord.
La conseillère bancaire assure aux deux saisonniers que pour débloquer leur crédit, il leur faudra verser l’apport de 50.000 € sur un compte crédit créé pour l’achat de la maison. La somme est versée via un RIB qui ne présentait aucune anomalie puisqu’il renvoyait bien vers un compte Boursorama. La conseillère leur indique alors que le notaire va les recontacter pour convenir d’une date pour la signature de la maison dans les 3 semaines qui suivent. Le délai est écoulé et le notaire n’a toujours rien reçu de la banque. Tifenn et Kevin contactent la conseillère bancaire mais le numéro n’est plus attribué.
Ils téléphonent alors au service client de Boursorama qui assure qu’aucune demande de crédit n’est en cours chez eux et qu’aucun compte n’est ouvert. La conseillère existe bel et bien mais son identité a dû être usurpée. Le couple porte plainte et attend pour le moment le verdict. Tifenn et sa famille ont pour objectif de «faire connaître notre histoire pour éviter qu’il y ait d’autres victimes et de nous rassembler s’il y en a d’autres». Ils ont donc décidé de partager l’arnaque dont ils ont été victimes via le réseau social Instagram. Le post a été vu par 120.000 personnes.
Du côté de Boursorama, Xavier Prin, directeur marketing et communication, affirme que cette arnaque est «ultra-marginale». Les clients qui soupçonnent d’éventuelles escroqueries ont en général le réflexe de téléphoner au banquier concerné afin de vérifier si la demande de documents administratifs émane bien de lui. «On ne demandera jamais à nos clients leurs mots de passe», souligne-t-il avant de recommander «d’être vigilant et de ne jamais faire ce type de virement vers des comptes que vous n’avez pas ouverts».
De même chez Meilleurtaux, «aucune faille n’a été identifiée à ce jour», assure Maël Bernier, porte-parole. Des crashs tests d’intrusion sont régulièrement effectués afin de protéger le site. Maël Bernier recommande de vérifier les terminologies employées ainsi que les fautes d’orthographe, même si le couple assure que les mails échanges ne comportaient aucune faute, en l’occurrence. Sur leur post Instagram, Kevin et Tifenn indiquent avoir eu des contacts réguliers par mail et par téléphone tout au long du processus, durant 3 mois, avec une conseillère principale et un directeur financier. «On ne parle pas de directeur financier pour vous assister lors de la souscription d’un crédit immobilier mais de directeur d’agence», alerte-t-elle.
La Fédération bancaire française (FBF), l’organisme professionnel qui représente toutes les banques installées en France, se veut également rassurante: «La protection des fonds et des données des clients, notamment par la lutte contre la fraude est une priorité des banques françaises, qui déploient d’importants moyens pour y faire face. Alors que les techniques de fraudes évoluent sans cesse, il est indispensable de rappeler aux clients les réflexes de sécurité, notamment qu’il ne faut jamais communiquer nos codes et identifiants bancaires à une tierce personne. En effet, à aucun moment et à aucune condition un chargé de clientèle invite son client à lui communiquer ces éléments de sécurité confidentiels (que ce soit par téléphone ou l’envoi d’un mail ou d’un lien internet).» En attendant, le couple a formulé une autre demande de prêt à sa banque et a créé une cagnotte en ligne pour l’aider à se relever après l’escroquerie dont il a été victime. Il a récolté près de 6000 € en 24 heures. De quoi payer les frais de justice.
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