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Traversée par un million de visiteurs chaque année, vulnérable à la hausse du niveau de la mer, merveille naturelle presque unique au monde, la presqu’île de Giens, dans le Var, fait face aux tempêtes. Deux visions s'opposent sur la façon de préparer l'avenir du site. A plus ou moins long terme.
Il n’y a pas que les tempêtes hivernales qui déferlent sur ce cordon de sable – et peuvent briser la route comme une galette. Il n’y a pas que les marais salants, qui sont exposés à l’effet conjugué de l’érosion côtière et de l’élévation du niveau de la mer.
La presqu’île de Giens, à Hyères, est un site rare, une double bande côtière (double tombolo), face à l’immensité de la Méditerranée. Un ourlet de sable autour d’une mosaïque de bassins, où se posent les oiseaux migrateurs. La biodiversité y est exceptionnelle.
C’est aussi un site touristique, que traverse près d’un million de visiteurs par an. Avec des voitures à faire circuler et à garer, par milliers et milliers chaque jour d’été.
Le tombolo ouest de Giens est une authentique zone de turbulences, où un débat véhément souffle par-dessus les tempêtes.
S’opposent deux visions de l’avenir à court terme: préserver coûte que coûte une route goudronnée, la bien nommée “route du Sel” envahie de sable et d’embruns chaque hiver. Ou laisser au trait de côte la possibilité de se déplacer, au risque d’une brèche permettant à la mer de submerger une partie de la lagune.
Globalement, les acteurs locaux sont acquis au projet d’une digue immergée de 450 mètres de long, dont l’objectif est de protéger l’ensablement naturel.
C’est le résultat d’années d’études menées par la ville d’Hyères et la métropole toulonnaise. Or, le ministère de la transition écologique est réticent à donner son feu vert et “s’interroge sur la compatibilité du projet” avec un site naturel classé.
Une mission d’inspection critique une protection “dure” (au sens littéral), reposant sur une solution technique (la digue) avec un présupposé (conserver la route).
“Le rapport donne un avis au ministre, ce sont des recommandations, atténue l’ingénieur général qui l’a signé, Thierry Boisseaux, joint par téléphone. Nous demandons, à tout le moins, que soient étudiées d’autres solutions que celle de mettre une digue. Le fait de vouloir une route, absolument, à cet endroit-là a un coût pour la collectivité. Est-ce que la voiture a sa place partout?”
Accepter d’étudier d’autres hypothèses est devenu une obligation dont la ville d’Hyères et la Métropole vont s’acquitter, contraintes et forcées.
“Il n’y aura jamais de certitudes sur les scénarios demandés, même avec dix ans d’études”, avait pesté le maire Jean-Pierre Giran, lors de la visite des inspecteurs.
Excédé par le coup de frein de l’État, le maire d’Hyères avait déclaré dans Var-matin, en septembre dernier: “Il faut casser l’érosion, pas la route. Je ne serai pas le maire qui laissera amputer le tombolo.”
Toutefois l’érosion existante est aggravée par l’élévation du niveau moyen de la mer, c’est ce qui ressort de l’analyse du Grec Paca, communauté scientifique régionale qui étudie les effets du changement climatique.
À la fonte des glaces et glaciers au niveau global, s’ajoute un “effet de dilatation” d’une eau de mer, elle aussi plus chaude.
Pour cette portion de la côte varoise, le cas de figure est concret. “Sur le littoral, les zones des Salins d’Hyères, comme de la Camargue, sont extrêmement vulnérables au changement climatique, prévient Antoine Nicault, coordonnateur du Grec Paca. La hausse du niveau de la mer augmente de plus en plus vite, c’est ce qu’on observe. De deux à quatre millimètres par an, toutes mers confondues”, sur les 40 dernières années.
Pour le scientifique, “l’idée d’être maître des phénomènes naturels va être de court terme et coûter très cher. On peut comprendre la volonté de sécurisation. Mais il est nécessaire de réfléchir au territoire à plus long terme.”
Avec la perspective claire aux yeux des scientifiques que “la presqu’île devrait devenir, à terme, une île”.
Mais si le tombolo s’ouvre, “c’est toute la faune sauvage qui disparaîtra”, s’exclame Jean-Pierre Azam, de la Fédération des CIL du bord de mer. Qui défend bec et ongles la digue immergée pour lutter contre l’érosion du cordon de sable. “Il y a un patrimoine exceptionnel, qui mérite d’être sauvegardé. Il faut savoir si on veut le laisser à vau-l’eau. Quand une forêt brûle, on stabilise les sols. On replante!” Les élus locaux eux, estiment pouvoir gagner 30 ans, avec leur solution.
Dimanche 6 novembre, la route du Sel a fermé aux voitures, en prévision des mois d’hiver, comme chaque année. Les camions portant des tonnes de recharge de sable reviendront. Et la mer aussi sera là.
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