PROCES Le procès de huit semaines, qui s’est tenu au printemps dernier, a « été une épreuve pour les victimes »
Le déraillement avait tué sept personnes et fait des centaines de blessés psychologiques et/ou physiques. Ce mercredi, le tribunal d’Evry a reconnu la SNCF coupable d’homicides et blessures involontaires neuf ans après la catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge (Essonne). L’amende infligée à la Société nationale des chemins de fer français n’a pas encore été prononcée par la présidente du tribunal, qui poursuivait mercredi la lecture de sa décision. Elle a en revanche acté la relaxe des deux autres prévenus: un ancien cadre cheminot, qui avait effectué la dernière tournée de surveillance huit jours avant le drame, et le gestionnaire des voies SNCF Réseau (ex-Réseau Ferré de France).
Le procès de huit semaines, qui s’est tenu au printemps dernier, a « été une épreuve pour les victimes », a déclaré Me Alexandre Varaut. Mercredi, les plus de 200 parties civiles enregistrées espèrent « une délivrance », a insisté l’avocat, qui en défend une quinzaine. « C’est une date fatidique mais tant attendue », a abondé Thierry Gomes, président de l’association Entraide et défense des victimes de la catastrophe de Brétigny (EDVCB).
A ses yeux, les débats devant le tribunal correctionnel d’Evry ont permis de « mettre en évidence » les « manquements des prévenus », ayant conduit, selon lui, à la mort de ses parents. Ce vendredi 12 juillet 2013, à 17h10, une éclisse en acier, sorte de grosse agrafe joignant deux rails, s’est désassemblée, provoquant le déraillement du train Intercités Paris-Limoges. Une enquête de sept années s’en est suivie pour étudier les causes de l’accident, et finalement aboutir à un procès pour blessures involontaires et homicides involontaires.
Pendant huit semaines, du 25 avril au 17 juin, le tribunal a tenté d’éclaircir les responsabilités éventuelles de la SNCF (poursuivie comme héritière pénale de SNCF Infra, chargée de la maintenance au moment de l’accident), de SNCF Réseau (ex-Réseau Ferré de France, gestionnaire des voies) et d’un ancien cheminot, Laurent Waton, jeune directeur de proximité qui avait réalisé la dernière tournée de surveillance.
Cinq semaines ont été consacrées aux débats techniques. Le tribunal a également longuement entendu les témoignages brisés de nombreuses parties civiles. Comme celui de Stephen C., qui a décrit en larmes « la recherche interminable » de son petit frère Vincent, fauché sur le quai de la gare. S’en sont suivies « les années les plus éprouvantes de (sa) vie », à devoir mettre de côté son deuil pour « gérer » ses parents effondrés, avant de lui-même « craquer ».
A l’issue des débats, le procureur Rodolphe Juy-Birmann a demandé de condamner la SNCF, chargée de la maintenance, à la peine d’amende maximale. Avec cette catastrophe, en banlieue parisienne, « c’est toute une conception du service public qui s’est effondrée », a déploré le procureur, fustigeant « une entreprise dans le déni », qui n’assume pas d’avoir « banalisé l’urgence » au détriment de la sécurité des usagers.
Lui reprochant une « attitude défaillante », le ministère public l’accuse « d’avoir bâclé et de ne pas avoir voulu passer de temps sur les opérations de maintenance ». Pour le procureur, la SNCF aurait dû, par exemple, anticiper un changement de l’appareil de voie mis en cause, réduire la vitesse maximale de circulation des trains… Retenant douze fautes, le parquet a requis une amende de 450.000 euros à son encontre.
En revanche, le parquet a demandé la relaxe pour l’ancien cadre cheminot et pour le gestionnaire SNCF Réseau (ex-RFF), estimant que les fautes qui leur sont reprochées n’étaient pas caractérisées. Les trois prévenus ont demandé leur relaxe, en adressant plusieurs fois leurs pensées aux victimes.
Dans sa plaidoirie, l’avocat de la SNCF, Emmanuel Marsigny, a dénoncé « l’outrance » d’un réquisitoire incapable de démontrer « un scénario précis » de l’accident.
La SNCF s’est défendue en décortiquant les causes du pivotement de l’éclisse à l’origine de la catastrophe, soutenant que le désassemblage avait été soudain, provoqué par un défaut de l’acier… Et donc imprévisible. L’accusation y voit au contraire un processus lent de dégradation et reproche à la SNCF d’avoir « créé le contexte à l’origine de l’accident ».
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