Mercredi midi, les 197 habitants de Saint-Martin-de-Lansuscle attendent avec impatience le camion boulangerie-épicerie qui vient, chaque semaine, les ravitailler en produits de première nécessité.
Situé à quarante minutes de voiture du premier supermarché, à vingt-cinq minutes de la gendarmerie et d’un distributeur de billets, et à une heure vingt de la première maternité, ce village niché au cœur du parc national des Cévennes vit comme coupé du monde. Noyé dans une communauté de communes de 19 villages aux problématiques très diverses, il peine à faire entendre ses besoins.
Le centre-ville se résume à une rue de 300 m de long, sans commerces. Le reste du bourg se compose de bâtisses perdues dans la nature et d’une poignée de hameaux.
« Ici, nous devons nous prendre en main, affirme Richard Bouat, adjoint à la mairie, en charge des finances et de l’urbanisme. Nous sommes dans une des communes de Lozère les plus éloignées des services publics. »
Dans ce village isolé, les commerçants ambulants ont tissé un lien particulier avec la population, notamment avec les plus âgés (70 % des habitants ont plus de 60 ans).
Anthony Bolivar, boulanger-épicier de 33 ans, fait sa tournée, suivi le jeudi par un boucher et, il y a quelques années encore, le vendredi par un poissonnier. Depuis quinze ans, il sillonne les routes de Saint-Martin avec son camion blanc.
« Je prends deux ou trois semaines de vacances par an. Quand je ne suis pas là, c’est la fin du monde pour les personnes âgées », raconte-t-il.
A son arrivée au cœur du village, une dizaine de personnes l’attendent. Voyant qu’il ne s’arrête pas, Arlette Valdeyron, 76 ans, l’interpelle, inquiète. Anthony la rassure : « Je vais faire demi-tour au bout de la rue et j’arrive. »
La tournée du boulanger continue. Un ou deux kilomètres plus loin, la route goudronnée devient chemin de terre. En contrebas, la maison d’Evelyne Saltet. Cette octogénaire vit seule avec son mari, qui ne peut plus conduire. N’ayant pas le permis, elle s’en remet à Anthony pour ses courses.
Sous l’auvent du camion, elle regarde les produits du jour : fruits, yaourts, beurre, pâtes… Elle dépensera 44,30 euros ce jour-là. Avec un revenu moyen par habitant avoisinant les 1000 euros par mois et des retraites encore plus modestes, les villageois cultivent des légumes dans leur potager pour faire des économies.
Saint-Martin n’a pas toujours été aussi isolé. Si l’électricité est arrivée tard (le village a été raccordé au réseau en 1956, dix ans après la création d’EDF), il y avait encore trois cafés dans les années 1960, se remémore Yvette Simoni, 86 ans. « Quand j’étais petite, le bureau de poste faisait aussi épicerie. Il y avait beaucoup d’activité. »
La retraitée vit aujourd’hui à La Ciotat avec son mari et vient ici uniquement l’été. Plus d’une maison sur deux est devenue, comme la sienne, une résidence secondaire. Une réalité qui bloque le marché immobilier et tire les prix des biens à la hausse.
« Nous voulons attirer des jeunes couples mais il y a très peu de logements disponibles, regrette l’adjoint à l’urbanisme. Nous avons mis en place des programmes pour inciter les propriétaires non-résidents à louer leurs biens. » La mairie achète elle-même les quelques logements mis à la vente pour les louer ensuite.
Ahmed El Yousfi, 39 ans, s’est installé, il y a deux ans, avec sa femme et ses quatre enfants dans un hameau à quelques kilomètres du centre. Il paye un loyer de 550 euros par mois à la commune pour une maison de 137 m2 sans terrain.
Parmi les habitants vivant ici à l’année, il y a ceux originaires du village, historiquement agriculteurs, et les « néo », ces nouveaux arrivants qui veulent rompre avec un mode de vie urbain.
C’est grâce à eux que le village reste vivant et l’école ouverte. Les 23 élèves, âgés de 3 ans à 11 ans, sont répartis en deux classes. « En primaire, il n’y a que cinq enfants, c’est une chance », apprécie Ahmed El Yousfi.
Mais en septembre, il devra déposer son aîné, qui rentre au collège, au ramassage scolaire, à dix kilomètres de là. Le bus l’emmènera ensuite à Florac, à quarante minutes de Saint-Martin.
« L’isolement pousse les villageois à s’investir », se réjouit l’adjoint au maire Richard Bouat. Pour venir s’installer ici, les habitants doivent souvent créer leur emploi. Certains « néo » ont monté des exploitations agricoles et vendent leurs produits sur les marchés.
Face au manque de services publics, la population est très active : elle a créé pas moins de 50 associations pour développer les loisirs et l’offre culturelle ! Expositions, cinéma itinérant ou cours d’œnologie, il y en a pour tous les goûts.
Pour les services aussi essentiels que la médecine, des infirmières sillonnent la vallée. « S’il y a un accident, les victimes se font hélitreuiller et emmener vers l’hôpital le plus proche, à quarante minutes d’ici », ajoute-t-il.
Concernant les grossesses, chacun s’organise. Si l’on ne souhaite pas accoucher chez soi, il faut se rendre à Alès (Gard), à une heure vingt de route.
A quinze minutes de Saint-Martin-de-Lansuscle, à Sainte-Croix-Vallée-Française, le maire, Jean Hannard, lutte aussi pour faire vivre sa commune.
« Pour que nos villages ne se meurent pas, nous avons mis en place des services sur plusieurs sites, comme l’école primaire et maternelle. Les classes sont réparties sur trois communes, et la cantine est à Sainte-Croix, explique-t-il. Ainsi, il n’y a pas un village moteur qui vampirise les deux autres, mais de l’activité dans trois lieux différents ».
« Cela demande une certaine organisation pour conduire tous les enfants à Sainte-Croix le midi, admet-il. Ici, les transports ne sont pas très développés, mais on y travaille. Nous souhaitons créer une maison de santé sur le même modèle ».
« Je veux rendre mon village accueillant », conclut Jean Hannard. « Pour cela, il faut maintenir les services marchands et non marchands. Avec les élus, je me bats pour conserver notre bureau de poste. »
De leur côté, les habitants de Saint-Martin-de-Lansuscle semblent s’être habitués à leur situation. « La seule chose qui nous manque vraiment, c’est un café pour se retrouver dans le centre du village », résume Richard Bouat.
Mais la réglementation française ne permet pas de vendre de l’alcool à moins de 50 m d’une école. Or, si l’on compte 50 m de chaque côté de l’école, on sort quasiment du village !
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