Rubriques et services du Figaro
Le Figaro
Rubriques et services du Figaro
Nos journaux et magazines
Les sites du Groupe Figaro
Nommé vice-capitaine aux côtés de Luke Donald pour 2023, l’éternel capitaine vainqueur de l’édition 2018 se livre à cœur ouvert. Il confie son ambition pour la nouvelle génération européenne et détaille ses impressions sur le golf français.
Sur l’Île Maurice,
Le Français Marc Farry, membre influent des seniors du Legends Tour lorsqu’il s’agit d’organiser leur Grande finale annuelle sur le parcours du Constance Belle Mare Resort & Golf, lui avait lancé l’invitation. L’an dernier, le Danois avait décliné. Vainqueur de l’Irish Legends (presented by Paul McGinley) en 2021, Björn a choisi de répondre présent fin 2022. Sur l’île Maurice, l’inoubliable capitaine victorieux de la Ryder Cup en France «profite d’une famille» et de «vieux compagnons de golf» qu’il connaît «depuis plus de trente ans». Pour Le Figaro, Thomas Björn a accepté de prendre un peu de son temps afin d’évoquer son rôle de vice-capitaine lors de la prochaine Ryder Cup 2023. Comme en 2018, le golf français est au cœur du sujet. ..
LE FIGARO. – Comment doit-on vous interroger aujourd’hui ? Êtes-vous encore joueur, vice-capitaine de la prochaine Ryder Cup ou ex-capitaine européen vainqueur en 2018 ?
Thomas BJÖRN. – Probablement une combinaison de tout ça ! Pour être honnête, je continue de prendre du plaisir à jouer, même si je ne joue pas aussi bien que je le souhaiterais. Honnêtement, la Ryder Cup 2023 est importante pour moi mais surtout pour Luke Donald (le capitaine européen, ndlr). Je suis content d’y être associé…
Quels étaient vos rapports avec Luke Donald, en tant que joueur ? Ont-ils évolué ?
Nous n’avions jamais été vraiment proches en tant que joueurs. Et puis je lui ai demandé de venir comme vice-capitaine en 2018 à Paris. Depuis, nous sommes devenus amis. Il a été fantastique pour moi pendant la Ryder Cup 2018. Il a apporté tellement de bonnes idées. Des réflexions très pertinentes. Il sera un excellent capitaine. Il avance très vite vers ce qu’il peut contrôler. Il y a beaucoup de bruit dans le golf actuellement, mais lui avance très efficacement. Il est concentré. Nous avons de bonnes discussions avec toute l’équipe autour de lui, avec Edoardo Molinari et Nicolas Colsaerts, notamment. Il y a un bon ressenti chez moi.
« Je serai éternellement reconnaissant à Pascal Grizot pour ce tout qu’il a fait lors de la Ryder Cup 2018. »
Votre nom est aujourd’hui très associé à la Ryder Cup 2018…
(Il coupe.) Oui, c’est encore très présent au quotidien pour moi et pour les gens quand ils me voient. C’était une semaine fantastique. Je serai éternellement reconnaissant à Pascal Grizot pour ce tout qu’il a fait lors de la Ryder Cup 2018. Il a effectué un travail remarquable, soutenu par l’État français. Il m’a facilité la tâche durant cette semaine en France. Cela aurait pu être compliqué pour un capitaine scandinave de justifier certains choix en France. Pascal a été très élégant, il m’a guidé vers des décisions et des compromis légitimes. Il a délivré une Ryder Cup 2018 fantastique. Le résultat sportif a été magnifique mais la semaine elle-même a été superbe. Les Américains étaient forts, nous aussi. Le match a été joué dans un très bon esprit et, en plus, il a fait grand soleil !
Pour vous, il y aura définitivement un avant et un après 2018 ?
Oui, c’est incontestable. Avant d’être nommé en 2016, je n’étais qu’un joueur. Il y avait eu du bon et du moins bon. J’étais un joueur qui venait d’un endroit où le golf n’avait jamais été très important. Dans les premières années, je portais beaucoup sur mes épaules. Durant ma carrière, j’aurais aimé atteindre davantage d’objectifs (il compte 19 victoires professionnelles dont 15 sur le Tour européen, ndlr). J’ai été près de remporter deux fois l’Open britannique mais je n’y suis pas parvenu. Il y avait pas mal de points négatifs autour de moi, en dépit des victoires. Les gens s’étaient fait une idée de ma personnalité. 2018 a changé ça. J’ai beaucoup appris des capitaines précédents et aussi de leurs joueurs (Bjorn a été quatre fois vice-capitaine auprès de Langer, Montgomerie, Olazabal et Clarke). J’ai fait quelques choix judicieux. Nous avons construit cette victoire tous ensemble, avec le staff et les joueurs de l’équipe. J’ai gagné le respect et la confiance de tous ces hommes. C’est un chapitre important de ma vie, bien sûr.
Cela a-t-il été difficile de se relancer après cette prestigieuse victoire ?
Les vingt mois durant lesquels j’ai été capitaine de Ryder Cup ont une valeur supplémentaire dans ma vie, mais je ne veux pas m’arrêter à ça. Je sais que mon nom sera toujours collé à la Ryder 2018, mais la vie continue… Il faut continuer d’avancer. Maintenant, c’est Rome la prochaine échéance, comme vice-capitaine. Je ne vais pas devenir quelqu’un d’autre là-bas mais je suis heureux d’être avec Luke et avec les prochains joueurs de l’équipe. J’ai été joueur de golf depuis quarante ans partout à travers le monde, voilà ce que je suis. Ma vie ne peut pas se résumer à vingt mois en tant que capitaine de Ryder Cup.
Avez-vous ressenti une forme de pression quand Luke Donald vous a appelé pour devenir vice-capitaine ?
Non, pas du tout. Je ne ressens aucune pression. J’ai le rôle de vice-capitaine dans la tête. J’ai déjà été souvent vice-capitaine en Ryder Cup. Je sais que mon rôle est de travailler pour le capitaine et les joueurs afin qu’ils puissent donner le meilleur d’eux-mêmes. Je veux être présent pour les joueurs, mais aussi et surtout pour Luke Donald. Je sens que je dois être proche de lui.
Êtes-vous confiant pour l’équipe qui représentera l’Europe en 2023 ?
Il y aura beaucoup de talent et de motivation. Nous avons des joueurs des très forts actuellement. Je sens qu’arrive le temps d’une nouvelle génération avec Jon Rahm, Viktor Hovland, Matthew Fitzpatrick… Ces gars sont prêts à monter encore d’un cran avec l’équipe européenne. Ils sont tous prêts à prendre le manche et à avancer ! Ils sont jeunes et jouent un jeu magnifique. Je suis fier d’être partie prenante de leur projet et tellement content que ce soit le cas à côté de Luke Donald. Vraiment, j’en suis très très heureux. J’ai été très content d’être avec des capitaines précédents, mais cette fois-ci, c’est vraiment très spécial. Cela me donne le sourire quand je pense à ce que nous échangeons. J’ai un très bon feeling. Je me régale de notre relation.
Allez-vous nourrir à votre tour Luke Donald de votre victoire ?
Chaque capitaine est différent. On voit tous les choses avec un point de vue nouveau. Luke a des qualités très différentes des miennes. Je veux qu’il se sente totalement libre de ses choix et qu’il se laisse aller lorsqu’il prendra ses décisions. Je ne suis pas impliqué pour le changer et le convaincre absolument avec mes idées. Vous savez, j’ai eu mon heure de gloire. J’ai profité de la construction de ce succès en 2018. Je connais le ressenti. J’espère que Luke va le vivre à son tour et je suis là pour l’accompagner et l’aider à cela. Je lui répète sans cesse : “Luke, c’est ta décision. Je peux te donner quelques idées. Prends-les si tu penses qu’elles sont bonnes et trace ton propre chemin si tu ne le penses pas.” Si je lui donne cent idées, qu’il n’en retient que deux et que l’équipe gagne la Ryder Cup 2023, ce sera du bon travail !
Quelle est votre conviction lorsqu’on évoque un «bon capitaine» de Ryder Cup ?
Vous devez faire d’abord avec vos propres idées. C’est comme un appel du cœur. La chose à laquelle je crois plus que tout, c’est qu’un capitaine de Ryder Cup doit d’abord être en accord avec lui-même. Les joueurs voient à travers lui. Si vous montrez que vous essayez d’être quelqu’un de différent de celui qu’ils connaissent, ils le voient tout de suite. Et vous perdez la magie des relations entre capitaine et joueurs. Parfois, Luke (Donald) pensera que je suis fou et parfois il retiendra une idée. Mais il n’aura jamais besoin de me répondre. Il n’a aucune responsabilité vis-à-vis de moi. Sa seule responsabilité est celle envers les joueurs qui vont jouer. Et lui-même. S’il faut apporter des sandwiches et de l’eau, ou bien avoir une grosse discussion sur la stratégie de jeu, quel que soit le sujet, nous ferons ce que Luke veut faire.
Aurez-vous un œil ces prochains mois sur les joueurs français ?
Nous aurons toujours l’œil. Antoine Rozner est un très bon joueur. J’ai joué deux tours avec lui à l’Open de France. Je l’aime beaucoup. En tant que joueur mais aussi en tant que personne. Il a des qualités au-delà du jeu. Il doit rester concentré sur lui-même, pas sur la Ryder Cup, pour atteindre ses propres objectifs. C’est ce que je dis toujours aux jeunes joueurs, d’où qu’ils viennent : “La Ryder Cup sera la conséquence de votre propre succès. Cela ne doit pas être une obsession dans votre carrière. Quand vous serez aussi bon que ce que vous devez l’être, la Ryder Cup viendra.” Nous aimerions avoir un joueur français dans l’équipe pour qu’elle soit la plus représentative possible du Continent européen, mais nous prendrons les meilleurs joueurs, ceux qui gagneront des points sur le terrain de golf. Si un joueur est assez bon pour ça, il sera dans l’équipe.
Selon vous, Antoine Rozner ou un autre Français peut-il avoir sa chance ?
Quand j’ai été capitaine pour l’édition 2018 en France, on me posait cette question tout le temps. Je répondais toujours la même chose : “Cela dépend des joueurs eux-mêmes. Ce n’est pas de mon fait.” Si un joueur est assez bon pour marquer des points, il fera l’équipe. Voilà les joueurs que nous voulons. C’est à eux d’être comme ça, pas à nous de le décider pour eux. Parfois, un joueur veut être dans l’équipe mais c’est trop tôt pour lui. Il faut être capable d’entrer dans l’équipe mais, plus important encore, il faut être capable d’y jouer ! C’est ce que je veux dire quand je parle de “faire l’équipe”. Luke Donald voudra des joueurs qui gagnent des points pour l’équipe sur le terrain. Plusieurs joueurs français ont un vrai talent. Ils sont compétitifs mais pas encore complètement en phase avec ce qu’ils devraient être. Je peux les observer mais je garde de la distance. Je vois beaucoup de talent, de volonté. Lors des deux premiers tours de l’Open de France, j’ai été impressionné par l’attitude d’Antoine Rozner et sa façon d’être. Je pense que vous avez une star en construction mais vous devez en prendre soin.
Que voulez-vous dire, exactement ?
Ce n’est pas une critique mais la France place tellement d’espoir dans ses joueurs qu’elle perd un peu la tête toute seule. Victor Dubuisson, Alex Lévy… Le talent était là mais c’était parfois un peu trop pour eux. Ils n’avaient pas le temps de devenir eux-mêmes. Parfois, c’était trop pour eux. Il faut laisser le temps à chacun. Quand vous avez un pays qui vous pousse et vous attend, c’est difficile de faire avec pour un jeune joueur. En France, il y a une sorte de désespoir face à l’attente du succès dans le golf. Pourtant, la France est un pays qui gagne dans le sport ! C’est bien mais cela conduit parfois les jeunes talents vers une autre voie que le succès… Bon, c’est mon point de vue, et je répète que j’aime beaucoup Antoine Rozner.
Il n’y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !
Francesco Molinari et Tommy Fleetwood sont les capitaines des équipes d’Europe continentale et de Grande-Bretagne et d’Irlande, sous l’œil attentif de Luke Donald, leur boss en Ryder Cup.
INTERVIEW – Sélectionnés avec l’équipe d’Europe continentale, ils affrontent la Grande-Bretagne et l’Irlande en Hero Cup cette semaine. Entretien croisé.
À tout moment, vous pouvez modifier vos choix via le bouton “paramétrer les cookies” en bas de page.
Thomas Björn, capitaine européen de la Ryder Cup 2018 : «J’aime beaucoup Antoine Rozner»
Partager via :
Commentez
0
Le Figaro
Les articles en illimité à partir de 0,99€ sans engagement

source

Catégorisé: