La série "Un agriculteur, un village" dresse les portraits d'éleveurs, viticulteurs, maraîchers, arboriculteurs… Des femmes, des hommes, des familles attachés à leur terre, à leur exploitation, à leur production, à leur village. Ils racontent leur quotidien, leur histoire et celle d'une filière qui a connu de nombreuses (r)évolutions. Aujourd'hui, rencontre avec Antoine Jouglet, maraîcher bio à Canohès. 
« Sur la traverse entre Canohès et Perpignan, chemin Sant-Guichou, après l'intersection à 100 mètres, tournez à gauche au niveau du champ d’artichauts… Et un conseil, prenez des bottes ! ». En effet, après plusieurs jours de pluie, à l’arrivée au Mas Saint-Antoine ce jour-là, sur l’exploitation d’Antoine Jouglet, on patauge un peu dans la gadoue.
À l’abri, dans son hangar perché sur la colline, le maraîcher bio de 40 ans est averti de l’arrivée de visiteurs par les aboiements de ses quatre chiens. Tout autour s’étalent les plantations sur 13 hectares (en ce moment artichauts, clémentines, raisin de table, avocats) avec le Canigou en toile de fond.
C'est ici qu'Antoine a choisi de s'installer, sur ce domaine qui porte son nom, il y a un peu plus de deux ans. Pourtant rien ne le destinait au travail de la terre : « J'étais responsable technique Europe chez un fabricant de goutte-à-goutte basé en Israël », explique-t-il. Pépin de la vie, une grosse opération de la colonne vertébrale le laisse alité pendant plusieurs semaines. Cet homme, originaire de Llupia, décide alors de changer de vie et se lance dans le maraîchage bio.
Pourquoi en bio ? Il répond sans détour : « Si c’est pour produire de la m…, autant rester chez soi ». Antoine parle peu, mais ne mâche pas ses mots. « Mes copains conventionnels (non bio) connaissent ma philosophie. En bio, il faut accepter de gagner moins d’argent, de faire moins de rendement et d’absorber l’ensemble des contraintes. Par rapport à la culture conventionnelle, il faut le double de parcelles car il faut laisser la terre se reposer".
Antoine commercialise ses fruits et légumes via Saint-Charles, notamment pour l’artichaut, mais aussi en vente à la parcelle la semaine « pour faire plaisir aux gens ». On trouve aussi son étal sur le marché de Thuir, le samedi matin.
Antoine est plutôt solitaire. « Sur l’exploitation, on est cinq : moi et mes quatre chiens », dit-il en souriant. « J’ai embauché la première année. Mais dans une petite structure comme la mienne, il n’y a pas de travail tout le temps ». Désormais, il fait appel à de la main-d’œuvre saisonnière à la plantation et à la récolte.
Le reste du temps, il est seul, avec ses machines et ses fidèles compagnons à quatre pattes. Antoine est heureux comme ça et ne regrette pas ce changement de profession. « C’est ma troisième année ; je ne me paye pas encore. Il faut rembourser les emprunts pour le foncier et le matériel. J’ai la chance d’avoir une épouse dentiste, ce qui a permis d’obtenir les prêts. J’espère réussir à en vivre, car je ne me vois pas faire autre chose. J'ai bon espoir de pouvoir commencer à me verser un salaire cette année".
Malgré les difficultés, le maraîcher est toujours autant passionné par ce qu'il fait et souhaite même agrandir son exploitation.  
A lire aussi : Canohès : au mas Saint-Antoine, on cultive le partage
Antoine porte un regard inquiet sur l’agriculture d’aujourd’hui : "Sur 10 agriculteurs environ qui s’installent dans le département, il n’y en a qu’un qui fait de l’arboriculture ou du maraîchage. Le reste, en général, c’est de l’élevage de poules ou de chèvres, c'est la grande mode. Etre agriculteur, c’est un métier plein de contraintes qui n’intéresse pas forcément la jeunesse. On n’est pas aux 35 h. En pleine saison, c’est 80 h par semaine et entre 20 et 30 h hors saison".
J’ai déjà un compte
Je n’ai pas de compte
Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?

source

Catégorisé: