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Arty et excentrique, la « fiancée de l’océan » exhale un art de vivre bohème qui n’est pas sans rappeler l’ambiance de Berlin. À 130 kilomètres de Santiago du Chili, Valparaiso se découvre en prenant son temps.
Le vent, chargé d’histoires de marins, porte la rumeur du port et les bruits de ferraille des ascensores (funiculaires) jusque sur les hauteurs. Perchées sur la quarantaine de collines, les maisons multicolores, serrées les unes contre les autres, affichent leurs fresques murales. Comme si les tatouages des moussaillons avaient déteint sur la tôle. On dit, d’ailleurs, que les habitants utilisaient les pigments de peinture des bateaux pour égayer leurs maisons au siècle dernier. L’habitude d’une vie en kaléidoscope est restée. Valparaiso, ville mythique, regarde l’océan avec nostalgie. Son âge d’or a coulé, entre autres, dans le canal du Panama en 1914. Sur les hauteurs, les murs tapissés de tôle renferment encore les rêves des migrants d’hier : Italiens, Croates, Français, Allemands… Certains ont laissé des bijoux comme le Palacio Baburizza, l’ancienne maison Folie et Art nouveau du magnat Pascual Baburizza, transformée en Musée municipal des Beaux-Arts.
Dans ce port qui fut longtemps le dernier stop avant le cap Horn, le brassage des cultures a renforcé l’ouverture d’esprit. Sans surprise, tout invite aux rencontres à commencer par celles des chiens des rues, collier ou foulard au cou, qui semblent tous sourire en vous emboîtant le pas. Les habitants, les Porteños, lient rapidement connaissance après un baiser sur la joue en guise de bonjour. Il n’est pas rare, d’ailleurs, d’entamer une discussion dans une boutique, de la poursuivre autour d’un café puis d’un pisco sour jusque tard dans la nuit. Valparaiso aime la fête. La preuve ? Dans le bus, lorsqu’un musicien entame une chanson à la guitare, les passagers la reprennent en chœur dans les rires.
Contagieuses, cette chaleur et cette joie de vivre attirent de plus en plus de Chiliens et d’étrangers. Des graffeurs viennent signer les murs des cerros (collines) Alegre, Concepción ou Polanco, où le street art puise ses racines dans le muralisme chilien développé après la dictature de Pinochet. “Valpo”, comme la surnomment ses habitants, est restée un foyer arty et militant voué à la débrouille et à la culture alternative. Au Patio Volantin, l’entrée des spectacles s’échange contre… des sacs de farine ! Une façon pour ce centre communautaire autogéré de produire du pain qu’il revend dans le quartier. 400 kilos de farine financent ainsi une dizaine d’activités, spectacles et ateliers.
Ce système rend inventif et agit à son tour comme un aimant pour les créatifs qui viennent de tous les coins de la planète. Ainsi les Argentins Mechi Martinez et Mariano Breccia ont posé leurs tringles dans la rue Atalaya (au n° 432). Depuis 2004, sous leur plateforme créative 12-NA, ils dessinent la marque Ropa doceñada de (non) mode. “Nous faisons du up-cycling en utilisant la structure même des vêtements de seconde main. Par exemple, sous nos aiguilles, les cols des tee-shirts deviennent des poches sur les pantalons.” Les Japonais s’arrachent depuis longtemps leurs pièces uniques et excentriques. “Nous sommes des activistes. Nous croyons au recyclage et au design, l’un avec l’autre.” Et ils s’amusent à créer des masques de monstres.
En redescendant vers la plazza Sotomayar, un crochet dans l’ancien Hotel Cecil (1903) donne un aperçu de la jeune création. Derrière la façade croulante, les chambres accueillent désormais des ateliers regroupés dans la structure Serrano 591: studios de graphistes, de bijoux et de textile d’où s’échappent des notes de hip-hop de la Franco-Chilienne Ana Tijoux… On frappe et on entre.
Valparaiso semble ouvrir le champ des possibles. Les artistes Sabina Lang et Daniel Baumann (l’hôtel éphémère sur le toit du palais de Tokyo en 2007, c’est eux) n’ont-ils pas coiffé un funiculaire à l’abandon de leur œuvre Of Bridges & Borders ? L’art s’inscrit dans la ville de façon insolite au milieu de la rouille et des façades décaties. De la pauvreté aussi. Après Pasadena, Cristian Vega-Rojo a ouvert sa galerie Espacio Rojo dans la maison des années 1930 d’un ancien marin. Il expose une cinquantaine d’artistes et artisans, de talents variés. “Valpo est un hot spot pour les créatifs, dit-il. On trouve encore de belles surfaces transformables en atelier d’artiste pour pas trop cher. La ville est pleine d’énergie et d’émulation. Elle offre une carte postale à chaque coin de rue avec son ambiance magique liée aux mouettes, graffitis, escaliers et bateaux de croisière… Bien sûr, il faut composer avec son côté sombre comme les chiens errants, la saleté et le danger. Il n’est pas bon de se balader le soir dans certains quartiers.” Au risque, peut-être, de se faire dépouiller – mieux vaut donc demander aux locaux où se balader, ils connaissent les frontières de la ville.
Sur la colline Cárcel, l’ancienne prison a été réhabilitée en centre culturel. Le Parque Cultural de Valparaiso vient d’accueillir la septième édition du Festival International de Photographie, le FIFV. “Valparaiso n’est pas une ville chilienne mais une ville du monde, avance le directeur du festival, Rodrigo Gomez Rovira. La ville marque une limite. Il n’y a pas de correspondance pour ailleurs.” Ou plutôt si, avec la ville de Sète et le festival partenaire ImageSingulières, présidé par Gilles Favier. Ce photographe, invité parmi d’autres, est venu capter l’âme de la ville en 2015 sans jamais tomber dans les clichés. Son travail était exposé, sentant la rouille, la sensualité et la mer.
Au pied de l’ex-pénitencier, Dinamarca 399 est un espace de coworking, un café-restaurant et une mini-galerie d’art dans un bâtiment qui allie classicisme et contemporain racé. “C’est l’ancienne maison d’un consul danois, qui l’a fait bâtir en 1906, année du grand tremblement de terre qui rasa une grande partie de la ville, explique sa copropriétaire et artiste Elisa Assler. Mon mari, l’architecte Joaquin Velasco, l’a entièrement redessinée.” L’atelier d’Elisa se trouve dans le jardin enchanteur avec vue plongeante sur l’océan. Son travail tourne autour des cheveux, qu’elle dessine au stylo sur du contre-plaqué. “Ils définissent une personnalité”, dit-elle. Il n’en faut pas plus pour évoquer les vers de Pablo Neruda : “Valparaiso, quelle absurdité tu es, oh, fou, port fou, et ta tête monstrueuse, hirsute, tu n’arrives pas à te peigner, jamais tu n’as eu le temps de t’habiller, toujours la vie t’a pris de court…”.
On quitte les lieux ces mots en tête, en passant devant un cimetière où des chiens chantent (oui, oui !) devant la copie de la Pietà juste avant de découvrir une maison (habitée) dans un arbre. Surréaliste. Elisa avait prévenu : “Valpo oscille entre beauté et décadence. Les gens qui font le choix d’y habiter ont tous une personnalité singulière.” Pablo Neruda, reste le meilleur exemple des Porteños. Dans sa maison La Sebastiana, qui se visite, l’océan s’invite dans chaque pièce comme sur un bateau. On y devine le fantôme rieur du poète. L’homme, grand collectionneur d’objets, aimait donner des noms aux choses dont la “jarre à fumée” qui désignait la cheminée coquille qu’il avait lui-même dessinée. Dans le bar typique des ports, il préparait son cocktail “coquetelon“, habillé d’un costume de serveur et d’une moustache faite au bouchon de champagne. Que de fêtes inoubliables ont dû se dérouler sous son toit !
Aujourd’hui, la jeunesse a repris le flambeau dans les rues ou dans les bars, légaux et illégaux. Valpo garde son aura arty. L’ancienne poste de 1936, convertie en salle d’exposition et accueillant le Conseil national de la culture et des arts, devrait, l’année prochaine, abriter le nouveau ministère de la Culture, des Arts et du Patrimoine. Tout un symbole pour la ville qui vient d’élire son nouveau maire, Jorge Sharp, 31 ans, ancien leader étudiant du mouvement pour une éducation accessible à tous. Valpo, arty et militante.
Voyage au Chili : des vacances bohème à Valparaiso
Fauna Hôtel
Dessiné par les architectes Fantuzzi + Rodillo, cet hôtel à plusieurs niveaux est l’un des plus sympathiques de la ville. Son bar-restaurant offre une vue plongeante sur l’océan. Evitez, si possible, les chambres sous la réception – au niveau de la ruelle. Elles n’ont aucune vue.
Chambre double à partir de 113 dollars (env. 106 €) en haute saison, petit-déjeuner inclus.
Paseo Dimalow 166, C° Alegre. Tél. : 00 56 32-3270719. www.faunahotel.cl
Palacio Astoreca Hotel
Aménagé par Mathias Klotz, l’un des architectes chiliens les plus en vue, cet ancien “palais” est un rêve de voyageurs. Un cocon d’où certaines chambres offrent la vue de l’océan, à côté du Palacio Baburizza. Un charme fou avec bar, restaurant, spa, bibliothèque et de nombreuses œuvres d’art aux murs. À défaut d’y dormir, on ne manquera pas d’y prendre un verre.
Chambre double à partir de $234 (env. 220 €) en haute saison, petit-déjeuner inclus.
Calle Montealegre 149. Tél. : +56 32 327 7700. www.hotelpalacioastoreca.com.
Verso
À quelques pas seulement de La Sebastiana, la maison de Pablo Neruda, ce nouvel hôtel de 19 chambres et deux lofts, est signé par Joaquin Velasco (à qui l’on doit aussi l’hôtel Cirilo Armstrong). Un peu excentré mais loin du flot touristique, il a pour lui un formidable rooftop. Y aller pour son bar et ses bains chauds posés sur le toit. La nuit, la ville scintille de mille feux. Magique !
Double à partir de $89 (env. 84 €), petit-déjeuner inclus.
Mena 665, Cerro Florida. Tél. : +56 2 2495 7744. www.versohotel.cl.
Apice
Partie faire ses études il y a une dizaine d’années à Valparaiso, la Française Alexandra Poignant a rencontré son futur mari, Ivan Lara, et l’a ramené à Rennes avec elle. Trois ans plus tard et quelques expériences gastronomiques en plus, ils ont ouvert Apice à Valparaiso. Leur table minimaliste propose une carte très courte (2 entrées, 2 plats, 2 desserts). À l’honneur, le poisson de roche ultrafrais. Un régal !
Almirante Montt 462 (attention déménagement prévu sous peu à quelques rues de là). Tél. : +56 9 57089737. www.restaurantapice.cl.
J. Cruz
Victor Suarez Johansen et Sonia Guzman sont dans la restauration depuis plus de trente-sept ans. Leur deuxième adresse (une troisième est en route) sert l’incontournable plat de la maison, la chorrillana (frites maison et viande cuite à la vapeur). Mais outre les prix slim, on vient pour le musée d’objets de Victor. Sur plus de cinquante ans, il a rassemblé des pipes de marin, des peignes en écaille de tortue, des vases Murano, des œuvres de l’artiste Matta et des dessins de Lukas (un dessinateur local très connu)… Ces objets rassemblés racontent les histoires du port de Valparaiso. Abracadabrant et unique. Au-dessus, un petit hôtel simple de quelques chambres dispense l’odeur des anciens internats.
Freire 621. Tél. : +56 32 2596 166.
Vinizio
Un des rares bars à vin de la ville. Il fait bien sûr honneur aux labels chiliens et d’Amérique du Sud.
Munoz Gamero 8, cerro Artilleria Paseo 21 de mayo Valparaiso. Tél. : +56 32 2369054.
El Internado
C’est The Place to be. Bar et restaurant, le lieu programme aussi des soirées D.J.’s et des concerts. En plus, c’est bon !
Dimalow 167, C° Alegre. Té. : +56 9 42176692. www.elinternado.cl.
Bahia Utopica
Une galerie d’art qui propose des œuvres d’artistes locaux. Entrez, vous finirez par craquer.
Almirante Montt 372, Cerro Alegre. Tél. : +56 32 273 4296. www.bahiautopica.cl.
Casa E
Une galerie d’art contemporain à la belle programmation. À ne pas manquer.
Lautaro Rosas 344, Cerro Alegre. Tél. : 56 32 2254624. www.casae.cl.
Lakau
Avec son van, Carolina Gil Camps sillonne la ville pour présenter de l’artisanat d’Amérique du Sud. Parmi les trousses et autres trésors, on dégotte des boucles d’oreille en crin de cheval.
Tél. : +56 9 8 407 28 77. www.lakau.cl.
Rincon Poruna
Dans le passage-bâtiment Pierre Loti, ce petit magasin propose du melon, de la mangue et de la papaye séchés. Tout pour les papilles.
Galeria Pierre Loti, Calle Templeman, Cerro Concepción. Tél. : +56 8 488 7893.
Ecomapu
À Valparaiso, plusieurs visites guidées sont payables en pourboire. Les groupes sont parfois composés de beaucoup de visiteurs. On pourra leur préférer un tour en individuel (en français ou en anglais) avec Ecopamu, des guides locaux qui connaissent la ville comme leur poche – et tous ses raccourcis. Idéal pour voir les maisons de Harrington non loin de la mer et s’échapper un peu des touristes.
Tél. : +56 32 2280275. ecomapu.com.
L’agence de voyages Marco Vasco propose un séjour personnalisable de 10 jours/7 nuits incluant trois nuits à l’hôtel Fauna (3*) à Valparaiso, 3 nuits à l’Alto Atacama (5*), à San Pedro au milieu du désert d’Atacama, 1 nuit à Santiago au Mito Casa Hôtel (3*), vols internationaux et intérieurs, et transferts inclus, à partir de 3990 € par personne.
Tél. : 01 73 25 74 48 et marcovasco.fr
Plus d’informations :
Office de tourisme du Chili : www.chile.travel
Echappée à Glasgow, pour week-end arty à moins de deux heures de Paris
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Bee Pee
le
4/4 – Qu’en est-il actuellement au Chili, dont le nord du pays a été pris aux Boliviens, dont les populations indigènes ont été massacrées ou asservies de la région de Temuco à Punta arenas, et dont une main d’oeuvre bon marché pour des tâches plus ou moins avouables est constituée aujourd’hui de Bolivien(ne)s, Péruvien(ne)s et Paraguayen(ne)s ?…
Je réagis donc vivement à votre commentaire injuste et infondé, et souhaite cependant que cet article au demeurant bien écrit, suscite des envies de voyage chez ses lectrices et lecteurs,
(1) Avec 69 995 (1) entrées au Chili en 2015, la France est au coude à coude avec les Allemands (71 055) et les Espagnols (73 362), représentant cependant un maigre 2% d’un tourisme au Chili où les Argentins restent majoritairement prépondérant (44%) – Chiffres officiel du gouvernement Chilien, http://www.sernatur.cl/estadisticas/
Bee Pee
le
3/4 – Quant à manger pour 5 euros, la réflexion est la même ; il est évidemment possible de caler son estomac pour peu avec une « chorillana » ou un « complote » (hot dog survitaminé avec de l’avocat, du chou, des sauces et des fritess..) . Cependant, demandez à un Chilien où un voyageur de passage pourrait bien manger selon l’idée qu’il s’en fait et de la gastronomie, ce n’est pas là qu’il vous enverra sinon dans des adresses similaires à celles citées, des chaines de “paradilla » , voire un restaurant Péruvien.
Enfin, que vous le vouliez ou non J-P, le Chili a besoin du tourisme et cherche à le développer (1) ; c’est un pays magnifique où tout spécialement on y tutoie le ciel, la forêt, l’eau, la Nature « Pachamama », mais à remettre en perpective bienveillante selon la durée de son séjour – comme toute logique de voyage : reprocheriez vous à un Chilien de visite en France de vouloir visiter Paris, le Mont St Michel, la côte d’azur ? Car en effet, Lille-Roubaix, la citadelle de Besançon et les Cévennes constituent tout autant des lieux dignes d’intérêts, chez des Français, des « vrais » comme vous vous aventurez à utiliser cette épithète pour les Chiliens. Car je ne suis malheureusement pas venu au Chili cette année mais peux vous certifier qu’actuellement en France, l’expression « vrai Français » ne manquera pas indubitablement de susciter un débat polémique…
Bee Pee
le
2/4 – Affubler d’entrée l’auteure d’épithètes péjoratives, dont les valeurs oscillent entre ironie et mépris, n’est pas nécessaire et surtout incohérent. Car il s’agit là de pages dédiées dans une revue de grande diffusion, à des touristes potentiels.
Mettre en doute un travail d’une personne, la suspicion de plagiat de guide à grande diffusion pour ensuite reprendre à son compte des généralités sur comment manger et dormir à petit budget, est malvenu . Ces mêmes guides ont au moins la lucidité et l’honnêteté d’annoncer qu’on peut découvrir un territoire et ses habitants selon différentes modalités sans pour autant faire une différence stigmatisante entre le présumé “invasif ignorant” et le « légitime », le touriste et le respectable. Quant à voyager au Chili et à Valparaiso , oui on peut dormir pour 30 euros la nuit dans des « hostales », mais on peut également y dormir pour bien plus cher dans des établissements tenus et fréquentés par des Chiliens et selon des logiques et prestations qui justifient le prix dans un cas comme dans l’autre.
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Valparaiso, voyage coloré dans le Berlin de l’Amérique du Sud
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Madame Figaro
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