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Circonstance : Questions à l'Assemblée nationale sur le thème : " Comment massifier la rénovation thermique ? "
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Mme la présidente.
L’ordre du jour appelle les questions sur le thème : ” Comment massifier la rénovation thermique ? ” La conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse.
La parole est à Mme Eva Sas pour deux questions.
Mme Eva Sas (Écolo-NUPES).
Ces derniers jours, de jeunes militants du mouvement Dernière rénovation ont multiplié les actions pour vous demander d’engager dès maintenant un grand plan de rénovation thermique.
Leur geste, désespéré, n’a qu’un seul but : sauver l’humanité de l’effondrement vers lequel elle s’avance aveuglément. Ils vous interpellent, monsieur le ministre délégué chargé de la ville et du logement, car vous n’avez visiblement pas pris la mesure de l’enjeu. La question du Président de la République lors de ses vœux – ” Qui aurait pu prédire la crise climatique ? ” – démontre sa déconnexion totale des enjeux environnementaux. Faut-il rappeler que les écologistes, depuis René Dumont en 1974, et les scientifiques depuis le premier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) en 1990, ne cessent d’alerter sur le dérèglement climatique ? Vous devez réagir maintenant et prendre le virage écologique. La mère des batailles, c’est la rénovation thermique. Disons-le clairement : il serait illusoire de croire que le défi de la rénovation thermique puisse être relevé sans moyens financiers significatifs ; c’est l’objet de ma première question.
Le rapport Sichel indique que 9,3 milliards d’euros sur dix ans seraient nécessaires pour traiter la seule question des passoires thermiques. L’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) estime quant à lui qu’il faudrait 8,8 milliards d’euros par an pour la rénovation thermique des seuls logements privés et 10 milliards si l’on englobe les logements sociaux et les bâtiments tertiaires. Tous les rapports convergent pour estimer le besoin de financement à 9 ou 10 milliards d’euros par an. Pourquoi dès lors avez-vous fixé le budget de MaPrimeRénov’ pour 2023 à 2,5 milliards seulement ? Pourquoi ne pas l’avoir augmenté, même un peu, alors que la majorité des députés avaient adopté un amendement le portant à 9 milliards ? Pourquoi ne pas mobiliser la moitié de la baisse des impôts de production des entreprises, qui s’élève à 14 milliards, pour la rénovation thermique ? Il s’agit en effet d’un enjeu écologique majeur : protéger les Français contre le dérèglement climatique et la flambée des prix de l’énergie.
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.
M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi de commencer en vous souhaitant à tous une très belle année 2023, pleine de réussite et riche de travaux. Je vous remercie de consacrer cette séance de rentrée au sujet si important de la massification de la rénovation thermique.
Vous avez raison, rénover les bâtiments est également une priorité du Gouvernement. Il est bien sûr possible de critiquer MaPrimeRénov’ et d’estimer que son budget est insuffisant, mais la situation de la filière est telle que la possibilité de dépenser plus de 2 milliards d’euros en 2023 est déjà considérable. Précédemment, 1,5 million de chantiers ont été menés à bien ; ils représentent, en gros, les économies d’énergie d’une ville équivalente à Lyon. Néanmoins, il s’agit souvent de monogestes ; or nous devrons à l’avenir favoriser une rénovation plus performante et plus globale.
Ces premiers chantiers sont importants : grâce à eux nos concitoyens ont cet écogeste à l’esprit ; de plus, la massification de la rénovation thermique a permis d’éliminer plusieurs freins. Nous allons poursuivre la rénovation de l’habitat individuel, mais puisque s’en contenter n’aurait pas de sens, nous entendons aller plus loin dans la massification et dans l’accompagnement, notamment pour l’habitat collectif. Il s’agit bien évidemment d’être attentifs et de se donner les moyens nécessaires ; aussi les présents échanges nous permettront-ils de compléter ces actions.
Mme la présidente.
La parole est à Mme Eva Sas pour sa seconde question.
Mme Eva Sas (Écolo-NUPES).
Elle concerne la structuration de la filière de la rénovation thermique. Vous avez fixé l’objectif suivant : porter l’ensemble du parc de logements au niveau BBC – bâtiment basse consommation – en 2050. Pour cela, il faudrait atteindre dès à présent le rythme de 370 000 rénovations globales par an, puis celui de 700 000 à partir de 2030. Or la France est en train de complètement manquer ces objectifs : le rythme n’est que de 32 000 rénovations globales par an, soit à peine 5% des dossiers MaPrimeRénov’.
Pourquoi ? Parce que les ménages ne sont pas assez soutenus dans ces projets complexes et coûteux. Il faut les accompagner, les aider à les financer, mais aussi leur permettre de trouver des artisans. Vous nous opposez parfois – vous l’avez fait à l’instant – que la filière n’est pas prête à absorber le rythme des travaux nécessaires ; nous partageons en partie ce constat. Le rapport Meynier-Millefert évoque des besoins en main-d’œuvre qui pourraient être multipliés par deux. Le scénario Rénovons ! estime qu’il faudrait créer 93 000 emplois dans cette filière, qui n’en compte aujourd’hui que 192 000. Or le nombre d’élèves et d’apprentis dans ces métiers a diminué de 25% en dix ans.
Ma question est donc la suivante : qu’attendez-vous pour élaborer, avec les professionnels du secteur, une feuille de route visant à renforcer la rémunération et l’attractivité de ces métiers, à accélérer la formation aux métiers du bâtiment – notamment grâce au programme FEEBAT (formation des professionnels aux économies d’énergie dans le bâtiment) – et à développer la labellisation des entreprises, très insuffisante puisque seules quatre-vingt d’entre elles sont qualifiées pour leur offre globale de rénovation ?
La rénovation énergétique est un grand et beau projet pour la France. C’est le défi de notre génération, un défi enthousiasmant, créateur d’emplois et de pouvoir de vivre. C’est aussi une responsabilité historique car c’est aujourd’hui que la France doit prendre le virage écologique. Demain, il sera trop tard.
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué.
Votre question appelle plusieurs réponses. Oui, pour engager un plan de rénovation de l’habitat, nous avons besoin d’augmenter le nombre d’accompagnateurs France Rénov’. Cette stratégie est en œuvre avec le développement du service public France Rénov’, afin que chacun puisse être accompagné dans son projet, à la fois dans le choix de la nature des travaux – pour aller plus loin qu’un monogeste – et dans celui des artisans.
Pour répondre aux obligations et percevoir les aides MaPrimeRénov’, les entreprises doivent être labellisées RGE – reconnues garantes de l’environnement. Cet aspect a été examiné lors des assises du bâtiment lancées par Bruno Le Maire et auxquelles le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires a participé. Plusieurs sujets y ont été évoqués, à la fois avec la Fédération française du bâtiment (FFB) et la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), pour contribuer à la formation des entreprises et réfléchir à l’accession au label RGE. Il est désormais possible de l’obtenir après avoir mené deux chantiers consécutifs et représentatifs de ses exigences ; dans le cadre des assises, cette expérimentation a été prolongée afin que davantage d’artisans soient capables de mener des chantiers de rénovation thermique.
Il nous faudra être attentifs à l’habitat collectif et aux copropriétés – nous en parlions tout à l’heure : ce sont des chantiers plus compliqués que ceux menés jusqu’à présent, qui nécessiteront des assistances à maîtrise d’ouvrage. Quoi qu’il en soit, nous travaillons d’arrache-pied à la qualification de la filière de la rénovation thermique. Il y a quelques semaines, au salon Batimat, j’ai rencontré différentes écoles et entreprises qui préprofessionnalisent des jeunes aux métiers du bâtiment, en particulier à ceux de la rénovation thermique.
Mme la présidente.
La parole est à Mme Julie Laernoes.
Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES).
Monsieur le ministre délégué, plus le temps passe, plus l’espoir d’un sursaut du marché pour rénover le parc de logements s’amenuise. Pourtant, nous savons que le premier levier de la transition énergétique est la baisse des consommations, en particulier dans le secteur du bâtiment. Les dernières mesures, que vous venez d’évoquer, compenseront l’inflation – au mieux – et limiteront une baisse des chiffres. Mais rien ne répond à nos objectifs : nous attendons toujours l’annonce de mesures de massification de rénovations performantes, nécessaires pour enfin agir dans les temps qu’impose l’urgence sociale et climatique.
Il s’agit d’un des échecs les plus criants de votre politique. En 2021, faute d’incitations financières suffisantes, 70% des aides ont été affectées au seul changement du système de chauffage. En plus d’un rythme de rénovation bien trop faible, les travaux réalisés ne présentent pas assez de bénéfices par rapport à l’effort d’investissement des ménages, en particulier les plus modestes. Pire, ils ont un fort impact sur leur budget et bloquent tout nouvel investissement qui améliorerait pour de bon leur quotidien, tout en nous permettant d’atteindre la neutralité carbone.
Depuis le début de la législature, le groupe Écologiste-NUPES a formulé de nombreuses propositions : 6,8 milliards d’euros supplémentaires pour la rénovation, un reste à charge zéro pour les ménages les plus modestes et minime pour ceux aux revenus intermédiaires. Certains de nos amendements, démocratiquement adoptés dans cet hémicycle, ont été aussitôt balayés par le Gouvernement. Avez-vous prévu de changer de braquet dans l’application de votre stratégie et d’inciter davantage, financièrement, à la réalisation de rénovations performantes plutôt que de monogestes, en particulier pour les personnes aux revenus les plus modestes ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué.
Vous avez raison, le reste à charge ne doit pas être un frein – sinon un frein aussi anodin que possible – au lancement des travaux. C’est pourquoi nous avons créé un éco-prêt à taux zéro pour le reste à charge, avec une méthodologie simplifiée puisque les documents fournis dans le cadre de la demande MaPrimeRénov’ pourront être immédiatement transmis aux banques partenaires.
Il est très important pour nous que ce partenariat entre France Rénov’ et l’Agence nationale de l’habitat (Anah) accompagne les copropriétés, qu’elles aillent bien ou non, qu’elles s’inscrivent ou non dans des dispositifs de suivi tels que les opérations programmées d’amélioration de l’habitat (Opah) ou les plans de sauvegarde, afin que le niveau d’aide soit le plus important possible.
Il y a quelques semaines, j’ai annoncé que Bruno Le Maire et moi-même rencontrerions les banquiers afin qu’ils continuent d’accompagner les copropriétaires ou les syndics de copropriété dans le cadre des projets de chantier des copropriétés. Le but est d’éviter que ces projets soient rejetés lors de l’assemblée générale, en raison de l’incapacité de les mener à bien.
Ensuite, le niveau d’aide a été relevé de 15 000 à 25 000 euros afin de soutenir le plus efficacement possible les copropriétés à réaliser leurs projets.
Enfin, 80% des aides existantes ont été versées à des ménages modestes et très modestes. MaPrimeRénov’ est une aide versée aux ménages modestes ; c’est heureux. Du reste, 90% d’entre elles ont notamment été utilisées pour rénover les systèmes de chauffage et ainsi diminuer les émissions de gaz à effet de serre – vous l’avez dit. Nous poursuivons cette démarche qui fonctionne, mais nous partageons avec vous la conviction qu’il est nécessaire d’aller plus loin.
Mme la présidente.
La parole est à M. Aurélien Taché.
M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES).
Monsieur le ministre délégué, ” gouverner c’est d’abord loger son peuple “. Ces mots de l’abbé Pierre, souvent répétés, sont plus que jamais d’actualité.
Le mal logement est souvent dû à un logement mal isolé. Parmi nos concitoyens, les locataires de HLM sont une population particulièrement exposée à ce problème, même s’il faut reconnaître que la qualité thermique du parc HLM est légèrement supérieure à celle du reste du parc immobilier. Il est néanmoins urgent de se concentrer sur la rénovation de nos logements sociaux. Rien que dans ma circonscription, à Cergy-Pontoise, 8 100 logements sont des passoires énergétiques.
Une urgence, d’abord, car les prix de l’énergie flambent. Si les bailleurs sociaux bénéficient du bouclier tarifaire pour le chauffage collectif au gaz, celui-ci ne s’applique pas aux parties communes ni aux immeubles chauffés à l’électricité. Ces charges sont ensuite répercutées sur les locataires dans des immeubles qui sont souvent de véritables passoires.
Une urgence aussi car, depuis le 1er janvier, les bailleurs ne peuvent plus louer les logements classés G qui consomment plus de 450 kilowattheures d’énergie finale, ce qui est évidemment très bien. Toutefois, cette disposition implique que de 51 000 logements sociaux risquent d’être exclus du parc si des rénovations ne sont pas effectuées. Ainsi, d’ici à 2034, les bailleurs sociaux devront rénover près de 1,2 million de logements pour un coût qui dépassera 40 milliards d’euros. Je rappelle que, dans le projet de loi de finances pour 2023, le Gouvernement n’a pas retenu un amendement que nous avions fait adopter grâce à ma collègue Eva Sas, qui visait à allouer 6,8 milliards d’euros de plus pour la rénovation thermique. Si rien n’est fait, nous courrons à la catastrophe. Pouvons-nous pousser des personnes à la rue alors que plus de 300 000 personnes – ainsi que vous le savez – n’ont toujours pas de toit ?
Une urgence, enfin, car la production annuelle de logements sociaux s’est effondrée. Alors qu’en 2016, 123 000 logements ont été construits, autour de 95 000 logements l’ont été chaque année depuis l’instauration de la réduction de loyer de solidarité – RLS. La production s’effondre et le nombre insuffisant de rénovations pourrait conduire à réduire le nombre de logements disponibles. Ma question est très simple : quand le Gouvernement investira-t-il de manière massive dans le logement social et la rénovation afin d’éviter la catastrophe à laquelle nous courrons ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué.
Je tiens d’abord à vous faire part d’une information qui vous a malheureusement échappé : aujourd’hui, des boucliers tarifaires s’appliquent pour l’ensemble des cas – chauffage individuel au gaz et électrique ; chauffage collectif au gaz ou électrique ; parties communes. Un décret du 31 décembre 2022 a en effet complété le dispositif en instaurant un bouclier tarifaire pour le chauffage collectif électrique et pour les parties communes – je m’en réjouis. Le bouclier tarifaire est étendu afin que les bailleurs sociaux qui auraient souscrit des abonnements trop chers n’en répercutent pas le montant sur les loyers.
Ensuite, bien entendu, nous partageons la conviction qu’il est nécessaire que la qualité de la rénovation thermique de l’habitat social soit égale à celle de l’habitat privé. J’ai confiance dans les bailleurs sociaux et dans leur volonté d’agir. Ils l’ont déjà fait, mais pas suffisamment, vous l’avez dit : alors qu’environ 400 000 logements sociaux sont classés G, leur rénovation, ces dernières années, n’a pas été assez rapide. Il convient de distinguer selon les bailleurs sociaux ; ainsi, certains groupes plus puissants ont réalisé certains projets.
Cet élément est au cœur de la réflexion que nous menons avec l’ensemble des bailleurs sociaux, dans le cadre du pacte de confiance que nous sommes en train de rédiger avec eux. En 2023, en plus des 300 millions d’euros qui ont fait l’objet de discussions avec Action Logement, nous allouerons 200 millions d’euros du Fonds national des aides à la pierre – Fnap – à la seule rénovation thermique, afin de compléter les efforts entrepris dans le cadre du plan de relance. Nous avons donc bien la volonté de rénover le parc. Vous le savez, j’ai été président de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) : la question de la rénovation thermique du parc est au cœur des programmes de rénovation urbaine.
Enfin, nous travaillons sur un dispositif qu’on appelle, à ce stade, ” seconde vie “, visant à rénover massivement le parc social qui pourrait connaître une nouvelle vie, financé par les aides en vigueur destinées à la création de logements sociaux.
Mme la présidente.
La parole est à M. Hubert Wulfranc.
M. Hubert Wulfranc (GDR-NUPES).
La rénovation du parc immobilier, notamment pour les logements les plus énergivores, est évidemment une priorité. La loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, loi ” climat et résilience “, conduira en quelque sorte à faire sortir du marché locatif privé les logements les plus mal classés. Dès ce début d’année, selon les estimations, la mise en location de quelque 400 000 logements sera interdite ; à terme, 1 600 000 logements ne pourront plus être loués. C’est un premier pas pour bannir les passoires thermiques et pour s’attaquer à la location de logements indécents.
La démarche ne saurait cependant être suffisante si elle se solde par un retrait à court et à moyen terme d’un patrimoine locatif, dans une période où l’accès au logement pour nos concitoyens est de plus en plus problématique. Ainsi, le coût de la rénovation de ces logements – de l’isolation et des travaux induits – est un indicateur clé. Pour un logement passoire thermique, il est estimé entre 600 et 800 euros par mètre carré. En moyenne, le coût de la rénovation d’une unité d’habitat s’élève à 38 000 euros.
Monsieur le ministre délégué, estimez-vous, contrairement à beaucoup d’observateurs, que le coût global de la remise sur le marché de ces logements mis aux normes, évalué à 16 milliards d’euros, est réaliste ? À défaut, quelles dispositions de soutien supplémentaires le Gouvernement prendra-t-il pour éviter la contraction de l’offre locative et pour épauler notamment les petits propriétaires bailleurs ?
Nous considérons que l’Anah doit accroître son rôle de soutien et de pilote de cette politique, en favorisant parallèlement plus fortement le conventionnement des logements privés rénovés, afin de prévenir toute inflation du coût des logements.
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué.
Nous partageons l’idée qu’il est absolument nécessaire d’exclure les passoires thermiques, les taudis thermiques de l’offre de location. Les personnes qui les habitent – nous en connaissons, vous et moi, dans nos villes – ne sont pas toujours les victimes de marchands de sommeil, mais, à tout le moins, sont victimes de propriétaires indélicats qui encaissent des loyers et qui, à ce titre, ont des obligations.
Vous le savez, les propriétaires bailleurs sont éligibles à toutes les aides, y compris au déficit foncier qui leur permet de déduire de leurs impôts les travaux qu’ils ont réalisés ; c’est une évolution.
Il existe évidemment un risque, vous le connaissez également. La reprise de bail est interdite, personne ne peut se retrouver dehors ; cela n’aurait aucun sens. Les propriétaires, qui encaissent les loyers, ont des obligations ; je ne souhaite pas qu’ils en soient libérés. Nous veillerons à ce que certains logements, qui s’apparentent à des taudis thermiques et qui sont frappés d’une interdiction d’être remis en location, ne se retrouvent pas sur un site internet, avec de jolis nœuds aux fenêtres, afin d’être loués comme meublés touristiques. Nous serons très attentifs afin d’éviter une fuite des logements ; nous sommes tous d’accord pour dire que nous avons besoin de plus de logements pour loger nos concitoyens. Nous devons continuer à mettre la pression sur les propriétaires : ils encaissent des loyers depuis de nombreuses années et, je le répète, ils ont des obligations.
Mme la présidente.
La parole est à Mme Maud Gatel.
Mme Maud Gatel (Dem).
Depuis le 1er janvier 2023 et jusqu’en 2028, la location des passoires énergétiques classées F et G sera progressivement interdite. Nous n’avons que trop tardé à agir sur la rénovation du parc de logement et je salue l’ambition du Gouvernement sur cette question essentielle, le secteur résidentiel représentant la deuxième source de pollution de l’air.
À Paris, compte tenu de la spécificité et de l’ancienneté du bâti, les logements F et G représentent 31% des résidences principales et même les deux tiers du parc locatif privé. Ces chiffres sont bien supérieurs à ceux relevés dans le reste de la France, ce qui rend d’autant plus urgente l’action en faveur de la rénovation thermique.
Toutefois, certains bailleurs envisagent de proposer leur bien en tant que location saisonnière, les dispositions de la loi ” climat et résilience ” ne s’appliquant pas, à ce stade, aux meublés. D’où le risque d’une baisse du nombre de biens disponibles à la location, alors même que 1,3 million de personnes sont mal logées en Île-de-France, et la crainte d’amoindrir l’effet de ladite loi sur la qualité thermique du bâti et donc sur le niveau d’émission de gaz à effet de serre.
Monsieur le ministre délégué, au mois d’octobre dernier, vous avez fait part de votre détermination à agir, indiquant que les mêmes règles devaient s’appliquer aux meublés et aux non-meublés – vous venez de le rappeler. Quel dispositif comptez-vous instaurer pour que les investisseurs locatifs ne contournent pas la loi en louant leurs biens comme meublés touristiques et pour prévenir ainsi le risque de sortie du parc locatif privé d’un certain nombre de passoires énergétiques ?
Par ailleurs, MaPrimeRénov’ est dotée d’un budget très important de 2,5 milliards d’euros. Néanmoins, des freins subsistent au lancement de travaux de rénovation, notamment en lien avec le droit des copropriétés. Quels assouplissements à la réglementation envisagez-vous pour accompagner les copropriétés soucieuses de se lancer dans la rénovation thermique ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué.
Je vais tâcher de ne pas être redondant. Vous avez évoqué plusieurs sujets. L’exigence d’un niveau de performance énergétique minimal ne s’applique pour l’instant qu’au logement principal. Il existe un risque de détournement de la loi par les propriétaires qui souhaiteraient éviter de réaliser des travaux, en mettant en location des passoires thermiques en tant que meublés ou meublés touristiques, ce qui n’aurait aucun sens.
À ce stade, il est difficile d’évaluer le nombre de logements concernés et de propriétaires qui souhaiteraient détourner la loi. Néanmoins, nous devons trouver une disposition législative nous permettant d’intervenir afin d’empêcher ce phénomène. Ce n’est pas simple car la propriété privée fait l’objet d’un encadrement strict. Vous avez également évoqué l’évolution des règles de la copropriété, notamment des règles de vote d’une décision en assemblée générale, qui peut être adoptée à la majorité simple ou à la majorité qualifiée.
Je n’apporterai pas de réponse précise sur ces sujets qui relèvent non pas du seul champ de compétence de mon ministère, mais plutôt de celui du garde des sceaux. Ce sont des chantiers que nous avons déjà lancés et sur lesquels nous travaillons. Si nous voulons réussir la rénovation thermique de l’habitat collectif, en particulier des copropriétés, nous devons nous doter de tous les outils – vous avez eu connaissance du drame survenu, il y a quelques semaines, à Vaulx-en-Velin. Or certains outils nécessaires pour rénover plus rapidement une copropriété, notamment du point de vue énergétique, font toujours défaut.
Enfin, je ne doute pas que nous pourrons compter sur l’ensemble ou tout au moins sur une grande partie des députés des différents bancs pour nous aider dans notre recherche d’une disposition législative à même de prévenir le détournement de la loi en vigueur en ce qui concerne les passoires thermiques.
Mme la présidente.
La parole est à Mme Louise Morel.
Mme Louise Morel (Dem).
Le secteur du bâtiment représente 20% des émissions de gaz à effet de serre françaises, l’essentiel étant lié au chauffage. Depuis cinq ans, le développement d’une véritable politique publique de rénovation énergétique des logements répond ainsi à de multiples enjeux : lutte contre le changement climatique, soutien au pouvoir d’achat, amélioration de la qualité de vie des Français, diminution de notre dépendance énergétique liée à nos approvisionnements, notamment en cas de hausse des prix de l’énergie.
Il faut souligner que de nombreux dispositifs de soutien aux ménages ont été mis en place par le Gouvernement et la majorité, tels que MaPrimeRénov’, l’éco-prêt à taux zéro, la prime coup de pouce économie d’énergie.
Toutefois, je suis régulièrement interpellée par des habitants de demeures traditionnelles alsaciennes qui, si elles sont anciennes et magnifiques, et abritant quelques nids de cigogne, sont également connues pour être de véritables passoires thermiques.
Les habitants qui souhaitent réaliser des travaux d’isolation sont confrontés à deux problèmes majeurs. Premièrement, l’accès aux aides allouées par le biais de MaPrimeRénov’ peut être un véritable casse-tête administratif. Deuxièmement, les projets de transition énergétique, notamment ceux de rénovation thermique, sont soumis, lorsqu’ils concernent des bâtiments situés en zone classée, à des formalités et à des avis préalables obligatoires, notamment celui de l’architecte des bâtiments de France, l’ABF, qui émet presque systématiquement un avis de principe défavorable.
Quelles solutions le Gouvernement peut-il apporter à ces problèmes qui, à l’évidence, freinent la massification de la rénovation thermique des bâtiments en empêchant les particuliers de bonne volonté d’effectuer les travaux nécessaires ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué.
Nous ne nions pas les difficultés administratives que rencontrent les particuliers pour bénéficier des aides MaPrimeRénov’. Nous avons pour objectif, avec l’Anah, d’y remédier – et nous y travaillons d’arrache-pied – en fluidifiant davantage le processus. C’est le rôle des conseillers et des accompagnateurs France Rénov’. Ainsi, le guichet unique France Rénov’ est une première amélioration. Quant au dispositif Mon accompagnateur Rénov’, lancé il y a quelques jours, il permettra de simplifier les démarches des ménages, qui trouveront plus facilement conseils et aides.
Par ailleurs, le Gouvernement étudie, par exemple, la manière dont on peut rapprocher les critères d’éligibilité entre les différentes aides à la rénovation énergétique : MaPrimeRénov’, certificats d’économie d’énergie (C2E)… L’accompagnateur France Rénov’ a également pour rôle d’informer efficacement les bénéficiaires en faisant en sorte que l’ensemble des aides soient mobilisées le plus rapidement possible, qu’elles soient versées soit directement à l’entreprise, soit aux particuliers.
Pour ce qui est de la qualité patrimoniale des bâtiments, en France, environ 30 % des logements sont soumis à des mesures patrimoniales relevant des ABF – et je sais, pour avoir été maire de Clichy-sous-Bois, dont une partie du territoire est concernée, les problèmes que cela peut poser.
Le Gouvernement a soutenu la proposition du député Bastien Marchive, qui suggère que les ABF prennent en compte les objectifs de transition énergétique. En 2022, un groupe de travail a été créé pour réfléchir à cette question en lien avec le ministère de la culture et des représentants des ABF. Ce groupe de travail a pour objet de recenser les difficultés que peuvent rencontrer les propriétaires de logements, qu’il s’agisse d’habitat individuel ou collectif. Il est vrai qu’une isolation par l’extérieur peut être considérée avec étonnement par les ABF. Et je ne suis pas certain que cette solution soit appropriée pour ce qui est de l’habitat alsacien. Nous devons réfléchir à toutes ces questions ensemble.
Mme la présidente.
La parole est à M. Damien Adam.
M. Damien Adam (RE).
Lancé le 1er janvier 2020, le dispositif MaPrimeRénov’ rencontre un succès incontestable : près de 800 000 demandes ont été enregistrées l’année dernière. C’est un outil essentiel pour atteindre nos objectifs en matière de rénovation énergétique des logements et de lutte contre les passoires thermiques. Toutefois, comme, je l’imagine, nombre de parlementaires et comme vous-même, monsieur le ministre délégué, je suis régulièrement interpellé à propos de la nécessaire amélioration du dispositif. En effet, force est de constater que le nombre des rénovations globales est en deçà des attentes et des besoins.
C’est pourquoi il me paraît nécessaire de faire évoluer ce dispositif autour de quatre axes.
Premièrement, les aides pour la rénovation énergétique des logements sont encore trop complexes entre, d’un côté, MaPrimeRénov’ et, de l’autre, les C2E, auxquels peuvent s’ajouter des aides locales. Je propose donc que, pour une rénovation globale, le montant des C2E soit intégré directement dans celui de MaPrimeRénov’ et que l’Anah gère la relation avec les émetteurs de C2E.
Deuxième axe d’amélioration du dispositif : il est urgent d’améliorer la fiabilité du diagnostic de performance énergétique, le DPE, s’agissant du montant estimé des travaux. Il arrive en effet que celui-ci soit de 30 000 euros alors qu’il faudra, en définitive, plus du double, voire du triple, pour réaliser la rénovation souhaitée. Cette situation peut mettre en difficulté les particuliers qui fondent leur décision d’acheter un bien sur le DPE.
Troisième axe : le montant des aides allouées pour une rénovation globale n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Après déduction de MaPrimeRénov’, des C2E et des aides de l’Anah, le reste à charge pour une rénovation globale demeure prohibitif. C’est encore plus vrai pour les ménages les plus modestes qui, bien souvent, ne peuvent pas se lancer dans une rénovation globale alors que ce public doit être prioritaire. Je salue la décision prise par le Gouvernement fin décembre d’augmenter le montant de la prime pour 2023. Mais nous devons aller encore plus loin. Il faut suivre les préconisations du rapport Sichel, à savoir : un reste à charge limité à 5 % du montant des travaux pour les ménages modestes et n’excédant pas 40% du montant des travaux pour les plus aisés.
Enfin, quatrième axe : l’État doit verser beaucoup plus rapidement les aides aux ménages. Il faut construire une logique d’avance pour que ces derniers n’aient à payer que le reste à charge sans devoir avancer le montant des aides de l’État.
Quelles solutions envisagez-vous pour améliorer le dispositif MaPrimeRénov’ afin que la France accélère encore la rénovation de son parc de logements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué.
Je partage votre constat : les aides à la rénovation présentent une certaine complexité, en particulier lorsqu’il s’agit de les cumuler. Les efforts de simplification consentis ces dernières années doivent être approfondis ; nous y travaillons activement, notamment avec l’Anah.
Toutefois, à ce stade, il n’est pas possible de fusionner les aides MaPrimeRénov’, qui sont des aides publiques, et celles liées aux C2E, issues de contributions obligatoires des fournisseurs d’énergie. En revanche, nous avons des marges de progrès importantes pour améliorer leur articulation, rapprocher les critères d’éligibilité, faciliter leur compréhension et leur mobilisation par les ménages. Comme vous, je crois important que l’accompagnement soit généralisé : c’est l’objectif de l’extension de l’action du service public France Rénov’ dès le 1er janvier grâce aux accompagnateurs.
S’agissant du versement des aides, les demandeurs peuvent et doivent connaître, avant la réalisation des travaux, le montant de la prime qui leur sera versée – ils ont besoin d’être éclairés. En outre, les aides doivent être versées – c’est en tout cas notre objectif – en quelques semaines. Même si quelques difficultés peuvent persister, le délai est actuellement de quinze à vingt jours, contre quelques mois, voire des dizaines de mois, encore récemment, pour le crédit d’impôt pour la transition énergétique.
Enfin, l’Anah accorde, sur demande, à des ménages très modestes bénéficiaires de MaPrimeRénov’ des avances de trésorerie pouvant atteindre 70% du montant des travaux. Enfin, comme je l’ai indiqué, nous proposons des produits bancaires ciblés sur le reste à charge. Je pense à l’éco-prêt à taux zéro, l’éco-PTZ, dont nous avons simplifié l’instruction : une demande unique sera adressée à l’agence France Rénov’, qui pourra la transmettre ensuite à l’agence bancaire. Nous encourageons les différentes banques à accepter ce dispositif de transmission des documents.
Mme la présidente.
La parole est à M. David Amiel.
M. David Amiel (RE).
Si MaPrimeRénov’ est un grand succès de ces dernières années, ce dispositif n’épuise pas la question du soutien à la demande, particulièrement en matière de rénovation globale. Certes, l’État ne peut pas tout subventionner, mais les ménages ne pourront pas tout avancer. Il nous faut donc des solutions innovantes.
Deux enjeux me paraissent cruciaux.
Premièrement, il faudrait rendre plus transparent le coût des travaux au moment de l’acquisition d’un logement pour qu’il puisse être pris en compte dans la négociation entre l’acheteur et le vendeur, ainsi que dans le modèle de financement. Faudrait-il, le cas échéant, dans les copropriétés, bloquer une certaine somme au moment de l’achat pour permettre le financement ultérieur des travaux dans l’immeuble ?
Le second enjeu central, c’est l’avance des frais. Les difficultés de trésorerie des ménages sont en effet un frein important. Alors que, pour la réalisation des travaux, les sommes doivent être déboursées immédiatement, les gains liés à l’efficacité énergétique sont très étalés dans le temps. Sur quelles pistes travaillez-vous pour généraliser les avances de fonds, remboursables uniquement quand les économies d’énergie se matérialisent ?
Les opérateurs ensembliers proposés par France Stratégie pourraient être maîtres d’œuvre et financeurs des travaux et se rémunérer directement sur les factures d’énergie. On peut imaginer également des prêts accordés aux propriétaires et remboursables uniquement, principal et intérêts, lors de la vente ou de la succession du bien. C’est une très bonne idée, dont s’inspire le prêt avance rénovation ; celui-ci commence à se déployer cette année. Reste que les plafonds de ressources retenus sont très bas. Aussi, ne pourrait-on pas les relever pour rendre ce dispositif accessible au plus grand nombre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
M. Alexandre Holroyd.
Excellent !
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué.
Comme vous, je crois important d’informer de façon précise l’acquéreur d’un logement des coûts associés à la rénovation thermique de celui-ci. Grâce à la loi ” climat et résilience “, la réalisation d’un audit énergétique sera obligatoire à compter du 1er avril 2023 pour la vente de logements en monopropriété classés F et G. Cet audit devra être remis à l’acquéreur dès la première visite du logement.
Pour les copropriétés, la loi ” climat et résilience ” a rendu obligatoire dans toutes les copropriétés l’élaboration d’un plan pluriannuel des travaux (PPT) d’ici à 2025. Après l’adoption de ce plan par l’assemblée générale de la copropriété, le syndicat des copropriétaires devra provisionner les sommes nécessaires au financement des actions de ce PPT dans le cadre d’un fonds travaux spécifique alimenté par chaque copropriétaire.
Pour ce qui concerne le second point, l’Anah accorde, sur demande, à des ménages très modestes bénéficiaires de MaPrimeRénov’ une avance pouvant atteindre jusqu’à 70% du montant des travaux. Par ailleurs, des produits bancaires sont proposés pour financer le reste à charge des ménages les plus modestes, tels que l’éco-PTZ, dont une partie a été couplée à MaPrimeRénov’. Enfin, vous avez évoqué le prêt avance rénovation, le PAR, dont le remboursement n’est exigible que lors de la mutation du bien et qui mérite d’être davantage connu de tous, en particulier des ménages âgés et modestes, qui ont des difficultés d’accès aux prêts classiques.
La question du financement du reste à charge et du préfinancement des aides est une de nos priorités ; nous continuons à y travailler avec l’ensemble des acteurs, en particulier l’Anah.
Mme la présidente.
La parole est à M. Antoine Armand.
M. Antoine Armand (RE).
Dans le contexte actuel, face à l’urgence de la transition énergétique et écologique, la rénovation énergétique est à la fois une nécessité et une priorité.
Dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, j’ai rendu un avis sur le programme comprenant les crédits consacrés à la rénovation énergétique des logements. L’audition de dizaines d’acteurs et d’experts du secteur mène à un constat clair : si, au cours des dernières années, nous avons fait des progrès inédits, nous sommes encore loin du compte.
MaPrimeRénov’, qui est l’aide la plus sollicitée et la plus connue de nos compatriotes, présente un bilan incontestablement positif : près de 1,5 million de ménages en ont bénéficié depuis sa création et, en 2022, 83% du montant des primes engagées sont revenus aux ménages modestes et très modestes. En 2023, nous pouvons nous en féliciter, le Gouvernement accentue son effort en allouant 500 millions d’euros supplémentaires à l’enveloppe consacrée à MaPrimeRénov’ et en mettant en œuvre, à partir du 1er janvier, un accompagnement renforcé et individualisé dès 5 000 euros de travaux.
L’accompagnement est indispensable car la rénovation geste par geste demeure la norme : selon la Cour des comptes, elle représente 86% des chantiers financés par MaPrimeRénov’ en 2021. Il est donc primordial que ces rénovations soient effectuées selon une approche globale, avec des travaux pensés par étapes et réalisés de manière cohérente.
À cette fin, nous devons mieux articuler l’ensemble des mesures et des aides existantes pour les rénovations globales : elles doivent apparaître nettement plus incitatives que la rénovation geste par geste. Par exemple, le cumul de MaPrimeRénov’ et des primes C2E pour des travaux effectués séparément est actuellement plus avantageux que les aides délivrées pour un projet global et performant. On connaît aussi le coût et le temps nécessaire pour effectuer une rénovation globale de son logement.
Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour aller plus loin encore dans ses programmes d’incitation et pour aider les particuliers mais aussi les entreprises et les collectivités à baisser leur reste à charge afin de procéder à des rénovations globales, bien plus efficaces sur le plan économique et énergétique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué.
Je ne reviens pas sur le constat, que nous partageons : des progrès importants ont été permis par la politique publique de rénovation thermique des bâtiments sous le précédent quinquennat, mais nous avons encore du chemin à parcourir pour augmenter le nombre des rénovations performantes, voire globales.
Une rénovation performante restera toujours une entreprise complexe. Pour massifier ces rénovations profondes, je suis convaincu qu’il nous faut proposer aux usagers un parcours aussi clair et lisible que possible, ce qui implique d’en améliorer et d’en simplifier encore chacune des étapes.
Il faut réussir l’entrée dans le parcours ; c’est le rôle du service public France Rénov’, dont la montée en charge se poursuit. Compte tenu de la complexité des travaux, les ménages doivent pouvoir s’appuyer sur un tiers tout au long de leur projet ; c’est la raison d’être des accompagnateurs Rénov’. Il est essentiel que les aides accessibles soient lisibles et plus incitatives que pour des rénovations partielles – mais ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain : ces dernières ont tout de même produit des effets très importants.
C’est le cap que nous nous fixons pour 2023 en relevant les plafonds de MaPrimeRénov’ Sérénité, de MaPrimeRénov’ Copropriété et du forfait rénovation globale. En plus des aides incitatives, les solutions de financement du reste à charge doivent être facilement accessibles pour que celui-ci ne constitue pas un frein à l’engagement. Enfin, il est important que les ménages aient accès à des entreprises compétentes en matière de rénovation performante, en lesquelles ils ont toute confiance.
La question du parcours est au moins aussi centrale dans l’habitat collectif que dans l’habitat individuel et constitue l’une de mes priorités.
Mme la présidente.
La parole est à M. Alexandre Holroyd.
M. Alexandre Holroyd (RE).
Permettez-moi, pour commencer, madame la présidente, de vous souhaiter une très bonne année 2023 ainsi qu’à l’ensemble de nos collègues ici réunis, et à vous également, monsieur le ministre délégué.
Ce que je trouve remarquable dans le présent débat, c’est qu’il est relativement consensuel pour un débat portant sur une politique publique. En effet, la politique de rénovation thermique s’impose avec évidence dès lors qu’il s’agit du changement climatique, de notre souveraineté énergétique mais aussi de la création d’emplois.
Si beaucoup a déjà été fait, il faut accélérer encore pour nous montrer à la hauteur de nos ambitions climatiques. Il y a d’abord eu la loi ” climat et résilience “, puis le grand succès de MaPrimeRénov’ ; il y a ensuite eu l’augmentation des moyens de l’Anah et les efforts faits pour structurer la filière dans le cadre de France relance.
Autant de progrès, certes, mais je vais vous faire une confidence, monsieur le ministre délégué : il y a plus de quinze ans, dans une autre vie, j’ai eu l’occasion de m’intéresser à la première directive européenne sur l’efficacité énergétique. Or, à l’époque, la question était déjà de savoir comment parvenir à enclencher un mouvement de rénovation massif des bâtiments, si bien que, si j’avais encore des cheveux, je me les arracherais ! (Sourires sur quelques bancs du groupe RE.)
J’ai donc deux questions.
La France a cette particularité qu’il n’y existe pas de filière de la rénovation thermique parfaitement structurée, comme en Allemagne, où, sur tout le territoire, on trouve des entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui assurent l’ensemble des travaux de rénovation, de façon très efficace. Comment le Gouvernement compte-t-il dès lors faire pour aider la filière à se structurer et véritablement industrialiser la rénovation thermique des bâtiments ?
Ma seconde question, sans doute un peu simpliste, se pose du point de vue des ménages : comment faire en sorte que chaque propriétaire se voie proposer une offre de rénovation thermique ? Qui les démarche ? Selon quel montage financier ? Comment s’assurer, en d’autres termes, que chaque propriétaire ait accès à une offre concrète, financièrement définie et immédiatement réalisable. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué.
Le logement, c’est 30% de notre consommation d’énergie, mais je suis convaincu que le secteur peut aussi incarner l’avant-garde éclairée de la transition écologique, dans notre lutte contre le réchauffement climatique, pour la préservation de notre indépendance énergétique et contre la précarité énergétique des plus modestes.
Depuis 2017, grâce à l’engagement des députés, notamment de la majorité, nous avons augmenté le rythme des rénovations thermiques, avec 700 000 rénovations de logement par an, voire un peu plus puisque nous avons atteint le chiffre inédit de 1,5 million de rénovations.
Le bilan est bon mais il faut désormais aller plus vite, plus loin, plus fort, et c’est ce que nous faisons avec la montée en puissance de France Rénov’, avec le déploiement progressif des accompagnateurs, la mobilisation des financeurs privés et la simplification des dispositifs de financement du reste à charge.
S’agissant de la structuration de la filière industrielle, elle fait partie des objectifs de la planification écologique, grâce notamment à plan d’actions, qui concerneront la formation et l’attractivité des métiers, mais porteront également sur la qualité et la dynamique de l’offre. Des appels à projets spécifiques sont déjà prévus dans le cadre de France 2030. Permettez-moi de dire aussi un mot de la rénovation des bâtiments publics, qui est un enjeu en matière d’exemplarité. Le Président de la République a fixé des ambitions très claires concernant notamment la rénovation des écoles et des gymnases – et l’ancien président de l’Anru que je suis est très attaché à la question du bâti scolaire.
Je connais votre mobilisation, monsieur Holroyd, ainsi que l’engagement de la Caisse des dépôts et consignations, dont vous présidez la commission de surveillance, en faveur de la rénovation des équipements publics, si importante pour la limitation des gaz à effet de serre.
Mme la présidente.
La parole est à M. Bastien Marchive.
M. Bastien Marchive (RE).
L’année 2022 est désormais derrière nous et elle nous a durement rappelé l’impératif de rénovation énergétique. Impératif environnemental d’abord, puisque le logement représente 20% de nos émissions de gaz à effet de serre, mais aussi impératif économique puisque le prix de l’électricité a énormément pesé sur le budget des Français.
MaPrimeRénov’, longuement évoquée au cours du présent débat, est un des piliers de notre action en la matière. Elle a permis de multiplier par dix le nombre d’actes de rénovation, à défaut de rénovation globale, puisque c’est bien là l’objectif que nous devons nous fixer, le potentiel d’économies d’énergie étant assez important.
Si la rénovation globale doit devenir la norme, cela inclut les centres-villes et les centres-bourgs, et c’est là où des difficultés perdurent, en particulier dans les périmètres protégés.
Vous l’avez évoqué, monsieur le ministre délégué, nous avons adopté, il y a un mois et par un large consensus que je salue, un amendement qui obligeait les ABF à prendre en compte ces objectifs de rénovation énergétique et de développement des énergies renouvelables. C’est une réelle avancée puisque cela permet, grâce à l’expertise de deux ABF, de concilier la transition environnementale et le développement des énergies renouvelables avec le maintien d’un haut niveau de protection du patrimoine.
Les attentes sont nombreuses en la matière, qu’il s’agisse de particuliers, d’entreprises ou de collectivités. Si 2022 a été l’année de l’adoption de cette mesure, 2023 doit être l’année de sa mise en œuvre. Dans cette perspective, certaines questions demeurent, comme celle de la formation des ABF ou encore celle de l’élaboration d’une nomenclature d’aide à la décision, sans laquelle les décisions des ABF resteront discrétionnaires.
Je me permets donc, monsieur le ministre délégué, de vous demander comment le Gouvernement compte décliner ces différents problèmes, selon quelles orientations et quel calendrier.
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué.
La conciliation entre protection du patrimoine bâti et transition environnementale est un sujet important, sachant que 30 % environ des logements des Français sont concernés, directement ou indirectement, par des mesures de protection patrimoniale. C’est donc un enjeu clé pour qui veut massifier les rénovations énergétiques performantes, à la fois dans l’habitat collectif et dans l’habitat individuel.
Dans le cadre des débats sur les énergies renouvelables, le Gouvernement a soutenu votre proposition que soient prises en compte par les ABF des objectifs de transition énergétique ; notre soutien est le même dès lors qu’il s’agit d’accélérer la rénovation énergétique, tout en préservant ou en améliorant la qualité de nos bâtiments. En 2022, nous avons donc mis en place, en lien avec le ministère de la culture, un groupe de travail ad hoc, impliquant des représentants des ABF. L’objectif est de recenser les points de friction entre protection patrimoniale et rénovations performantes, de proposer des pistes d’amélioration à travers la mise en place d’outils pertinents, de renforcer enfin la sensibilisation et l’information des acteurs.
Soyez assuré de la volonté du Gouvernement de faciliter l’accès des ABF aux connaissances techniques nécessaires en matière de rénovation performante, grâce à une banque de ressources documentaires plus riche et plus facile d’accès et grâce à la mise en place de formations adaptées. Ces actions sont en cours de développement et je continuerai, monsieur le député, de vous tenir informé de leur déploiement.
Mme la présidente.
La parole est à M. Lionel Tivoli.
M. Lionel Tivoli (RN).
La rénovation énergétique des logements répond à un triple enjeu : lutter contre le changement climatique, soutenir le pouvoir d’achat et améliorer la qualité de vie des Français.
Cela étant, les résultats de MaPrimeRénov’ sont édifiants : 2,8 milliards d’euros par an ont servi à la rénovation de 700 000 logements et, sur ces 700 000 logements 60 000 seulement ont fait l’objet d’une rénovation globale, ce qui signifie que pour les 640 000 autres, il ne s’agit que de saupoudrage, et donc d’une très mauvaise utilisation de l’argent public.
Les rénovations aidées ont donc consisté, dans la plupart des cas, en des gestes techniques isolés et non en une rénovation globale, pourtant plus efficace pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre et faire baisser la facture d’électricité et de gaz des Français.
Qu’en est-il, par ailleurs du contrôle des entreprises qui seront rémunérées grâce à ces subventions ? Aujourd’hui, les entreprises fleurissent dans le secteur de la rénovation et, si certaines ont démontré leur sérieux, d’autres captent les aides de l’État, pour délivrer des prestations au mieux partielles, au pire inexistantes.
Votre objectif est de massifier la rénovation d’ici à 2050. Avec quelle main d’œuvre ? Qu’avez-vous prévu en matière d’apprentissage pour pallier le manque de compétences et de main-d’œuvre ?
Vous parliez d’un éco-prêt à 0% pour les ménages aux revenus les plus faibles. Actuellement, les petits propriétaires ont déjà des difficultés pour se nourrir ; or, d’ici à 2025, les logements de classe G seront interdits à la location, tout comme les logements de classe F à compter de 2028. Ne pensez-vous pas que l’emprunt que devront contracter ces ménages pour financer la rénovation que vous leur imposez sera le coût supplémentaire qui les achèvera ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. José Gonzalez.
Très bien !
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué.
Je tiens à le redire, MaPrimeRénov’, telle qu’elle existe, est un succès. En effet, 1,5 million de chantiers – plus de 750 000 par an – ont été financés pour des économies d’énergie équivalant à la consommation de la ville de Lyon.
Certes, il ne s’agissait, dans un certain nombre de cas, que de monogestes mais de monogestes qui ont produit leurs effets. D’abord, parce que 80% de ces aides ont été attribuées à des ménages modestes et que, pour 90 %, elles ont servi à remplacer des chauffages au fioul ou au gaz – elles ont donc largement contribué à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Mais oui, vous avez raison, il faut aller plus loin dans la rénovation performante, puis dans la rénovation globale. C’est l’objet des améliorations qui sont proposées, notamment la mise en place des accompagnateurs Renov’ chargés d’éclairer les projets et de permettre que l’on connaisse, le plus en amont possible, les aides éligibles mais aussi les artisans labellisés RGE pouvant intervenir sur ces chantiers.
MaPrimeRénov’ va ainsi nous permettre d’accompagner dans les années qui viennent l’effort de rénovation, en particulier dans l’habitat collectif et les copropriétés, quel que soit leur état, qu’elles soient en bonne santé financière, fragiles ou très fragiles. C’est le sens des chantiers que nous menons actuellement avec l’Anah.
Mme la présidente.
La parole est à Mme Christine Engrand.
Mme Christine Engrand (RN).
Mettons-nous d’accord : massifier, c’est rationaliser. Autrement dit, pour massifier la rénovation thermique, il ne suffit pas simplement de financer un grand nombre de dossiers, mais il faut financer un grand nombre de dossiers de qualité. Et, sur ce point, MaPrimeRénov’ rate, selon nous, complètement l’objectif. D’après l’Agence nationale de l’habitat, au premier trimestre 2022, sur plus de 300 000 dossiers MaPrimeRénov’, seuls 19% étaient multigestes, pour une moyenne d’1,2 geste seulement. En d’autres termes, on finance de nombreux dossiers pour in fine ne pas rénover grand-chose. Par ailleurs, la nature des gestes réalisés laisse à désirer puisqu’en réalité 86% des dossiers financés en 2021 concernent le remplacement du système de chauffage, alors qu’il existe en France 2,8 millions de passoires thermiques.
L’enjeu est réel. L’Agence de la transition écologique (Ademe) relève notamment que rénover un logement en une seule fois permet d’éviter la création de ponts thermiques. La probabilité d’améliorer la performance énergétique se réduit d’autant plus que les étapes de rénovation s’échelonnent dans le temps. Plus préoccupant encore, rénover son système de chauffage avant son isolation peut conduire à un surdimensionnement du système occasionnant, paradoxalement, une surconsommation et une usure précoce du matériel. À l’inverse, faire primer les travaux d’isolation favorise les économies d’énergie et le confort thermique du logement. Si la priorité n’est pas donnée à l’isolation, le seul atout de MaPrimeRénov’ sera de permettre à nos concitoyens de chauffer les rues aux pellets plutôt qu’au fioul, au lieu de chauffer leur logement.
Une solution crédible serait d’imposer, comme pour MaPrimeRénov’ Sérénité, un gain énergétique minimum, voire d’exiger la réalisation de certains gestes pour bénéficier de la prime, comme l’impose déjà la réduction d’impôt Denormandie dans son domaine.
Ma question est donc simple : comment entendez-vous rééquilibrer MaPrimeRénov’ afin d’encourager les travaux d’isolation, ainsi que la multiplication des gestes pour chaque dossier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué.
Je tiens à le répéter, MaPrimeRénov’ permet de réduire efficacement les émissions de gaz à effet de serre des logements individuels. Ce dispositif contribue à une économie d’énergie annuelle de 5,5 mégawattheures par logement aidé.
Dans un contexte de hausse des prix de l’énergie, MaPrimeRénov’ contribue activement à sortir des énergies fossiles en logement individuel.
Cela étant, vous avez raison, il faut aller plus loin et accompagner l’habitat collectif grâce à de nouveaux dispositifs : c’est l’enjeu des années qui viennent. En effet, s’il convient d’aider la rénovation des logements individuels, car les monogestes ne sont pas suffisants – il faut favoriser les rénovations performantes, puis globales –, il convient aussi de faire évoluer les règles relatives aux copropriétés, afin de faciliter le lancement de chantiers et de limiter, comme cela a été évoqué à plusieurs reprises, le reste à charge. Ainsi, les copropriétaires pourront décider des travaux à mener en toute connaissance de cause.
Je le répète, l’enjeu des années à venir est à la fois de poursuivre la massification, en favorisant les rénovations performantes, puis globales, et de donner tous les outils utiles aux copropriétés et à l’habitat collectif – nous avons parlé du logement social tout à l’heure, mais il existe une diversité de situations. Je l’ai également dit, c’est de cette manière que les copropriétaires pourront lancer des chantiers en toute connaissance de cause.
Précisons enfin que, bien souvent, l’amélioration du diagnostic d’appartements classés F ou G sera impossible si les rénovations ne concernent que l’intérieur des logements et dépendra de travaux votés à l’échelle de la copropriété, qui se sera mise en ordre de marche, et relatifs aux parties communes.
Mme la présidente.
La parole est à M. Michel Guiniot.
M. Michel Guiniot (RN).
J’appelle l’attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires (M. le ministre délégué sourit) sur les conséquences financières et sociales de la loi « climat et résilience » pour les petits propriétaires bailleurs.
Depuis le 1er janvier 2023, les propriétaires dont le bien est classé G et dont la consommation énergétique dépasse 450 kilowattheures par an ne peuvent plus le louer. De plus, depuis l’été dernier, les loyers des logements classés F ou G ne peuvent plus être augmentés, mesure qui concerne 6,9 millions d’habitations. Aurions-nous près de 7 millions de logements indécents en France ?
Les propriétaires, parfois âgés, dont les bâtiments doivent être mis en conformité avec la loi du 22 août 2021 devront assumer le coût des travaux avec des fonds propres, qui ne seront pas toujours issus de leurs revenus fonciers. Ils devront, le plus souvent, emprunter sur de longues années pour réaliser ces travaux. Ils laisseront donc en héritage des mensualités de remboursement à leurs enfants, au lieu d’un petit patrimoine immobilier.
En effet, vous avez cédé aux exigences délirantes des verts (Mmes Eva Sas et Marie Pochon sourient) , en instaurant un système qui empêche les petits propriétaires de bénéficier de revenus souvent complémentaires à leur faible retraite. Ne pouvant plus être loués, les biens des petits propriétaires seront mis en vente à des prix dérisoires et récupérés par des marchands de sommeil. En effet, notamment en milieu rural, les loyers sont plus faibles qu’en ville, alors que les coûts de rénovation sont identiques. Voilà donc une partie des conséquences de votre soumission au dogme des écologistes extrémistes.
En refusant de quitter le carcan énergétique européen, vous êtes devenus les affameurs du peuple ! Pire encore, demain, avec les verts, vous serez ceux qui spolieront l’héritage de nos enfants. (Sourires sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)
Mme Marie Pochon.
Arrêtez !
M. Michel Guiniot.
Que comptez-vous faire pour supprimer les effets pervers et injustes de cette loi qui, au prétexte de la rénovation énergétique, réduira les revenus et dépossédera des milliers de Français ? N’ajoutez pas de la colère à la colère ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué.
Quand on est propriétaire et qu’on encaisse des loyers, on a des obligations, la première d’entre elles étant de loger dignement ses locataires. Or loger des personnes dans une passoire, voire dans un taudis thermique, c’est contrevenir à ses obligations.
J’étais maire de Clichy-sous-Bois il y a encore quelques semaines et je puis vous assurer qu’un certain nombre de propriétaires, que vous ne qualifiez pas de marchands de sommeil, et que l’on se contente parfois de décrire comme « indélicats », en sont bel et bien (Mme Marie Pochon approuve) – mais peut-être ne le savent-ils pas. Lorsque des enfants sont soumis à l’humidité ou à la moisissure dans un appartement, il est de la responsabilité du propriétaire de faire des travaux pour que ses locataires soient logés décemment.
Oui, les propriétaires bailleurs ont accès aux aides : la loi a été améliorée en ce sens. Ces personnes ont encaissé des loyers pendant un certain temps et, je le répète, il est normal qu’elles répondent à leurs obligations de propriétaires et ne laissent pas leurs locataires souffrir de l’humidité, du froid en hiver et de la grande chaleur en été.
Mme la présidente.
La parole est à Mme Annick Cousin.
Mme Annick Cousin (RN).
Bien avant la crise énergétique que nous traversons, les collectivités, tenues de montrer l’exemple en matière de rénovation thermique des bâtiments, avaient lancé de grands travaux dans ce domaine. Cependant, compte tenu de leurs capacités à agir, mener à bien les chantiers est loin d’être simple, les collectivités souffrant de l’instabilité des dotations, d’un manque d’autonomie budgétaire et de la complexité du montage des dossiers.
Aujourd’hui, en raison de la crise énergétique, la situation est très préoccupante et bon nombre de projets de rénovation thermique des bâtiments sont au point mort. Les conséquences de la crise sur le fonctionnement des collectivités entravent leur capacité à investir. Que comptez-vous donc faire pour leur permettre de financer la rénovation énergétique de leur patrimoine ? Quels leviers prévoyez-vous d’actionner pour les accompagner dans leur soutien aux bailleurs, afin d’accélérer la rénovation thermique des logements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué.
Les bâtiments de l’État et des collectivités locales sont responsables des trois quarts de la consommation énergétique des communes. Le traitement des bâtiments scolaires, qui représentent 50 % de leur parc, constitue un enjeu important et le Président de la République en a fait une priorité claire.
Comme pour le secteur tertiaire, la rénovation des bâtiments publics est, de manière générale, orientée par le dispositif réglementaire ” Éco énergie tertiaire “, lequel fixe des obligations de réduction de la consommation énergétique pour les horizons 2030, 2040 et 2050, prévoyant jusqu’à 60% de diminution.
Les programmes C2E visent également à massifier la rénovation et à renforcer l’ingénierie des collectivités territoriales : 100 millions d’euros sont notamment consacrés à ce dernier élément dans le cadre du programme ” Action des collectivités territoriales pour l’efficacité énergétique ” (Actee).
La rénovation énergétique des bâtiments publics était une priorité du plan de relance, l’État et les collectivités ayant bénéficié d’une enveloppe de 4 milliards d’euros. Le fonds vert, doté de 2 milliards d’euros pour 2023 et consacré aux collectivités, doit permettre de prolonger cette dynamique.
D’autres sources de financement, notamment privées, devront aussi être mobilisées plus facilement afin d’atteindre nos objectifs : c’est l’enjeu de la proposition de loi – que vous examinerez dans quelques jours – de Thomas Cazenave, visant à ouvrir le tiers financement à l’État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique.
Enfin, nous avons évoqué le logement en début de séance, mais peut-être n’étiez-vous pas présente :…
Mme Annick Cousin.
Si !
M. Olivier Klein, ministre délégué.
…dans le cadre du pacte de confiance que nous établissons avec elle, l’Union sociale pour l’habitat (USH) doit financer la rénovation thermique des bâtiments des organismes qui en sont membres. Nous avons inscrit 200 millions d’euros dans le cadre du programme d’aide à la pierre dans la loi de finances pour 2023 afin d’accompagner le logement social et, vous le savez, grâce aux programmes de renouvellement urbain, l’Anru est très présente aux côtés des bailleurs sociaux pour la rénovation de leur parc.
Mme la présidente.
La parole est à Mme Aurélie Trouvé.
Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES).
Tout le monde le sait, il y a 7 millions de passoires thermiques dans notre pays. Il s’agit d’un fléau social et écologique. Très fiers, vous affirmez avoir la solution avec, notamment, MaPrimeRénov’, et avoir versé 700 000 primes l’année dernière.
Or ces 700 000 primes ne sont ni efficaces ni rentables. Elles financent ce qu’on appelle des monogestes, comme des changements de porte ou de chaudière, mais elles ne résolvent absolument pas le problème des passoires thermiques, pas plus qu’elles ne permettent la rénovation globale des logements.
Pour preuve, sur les 7 millions de passoires thermiques, seules 2 500 sont sorties de ce statut en 2022 grâce à MaPrimeRénov’. Si nous devions compter sur ce seul dispositif, il faudrait donc 2 000 ans pour rénover toutes les passoires thermiques.
Quel est le problème ? Le reste à charge, entre autres, demeure trop important, celui-ci s’élevant la plupart du temps à des dizaines de milliers d’euros pour une rénovation globale – c’est ce qui nous a été dit lors des auditions conduites dans le cadre de notre proposition de loi visant à accélérer la rénovation thermique des logements en garantissant un reste à charge zéro pour les ménages les plus modestes réalisant des travaux et en interdisant réellement les logements les plus énergivores. Dans ces conditions, les ménages modestes ne se lancent pas dans de tels chantiers.
Si nous voulons multiplier les rénovations globales, il faut réduire le reste à charge pour les propriétaires modestes, et même le réduire à zéro. C’est ce que notre groupe et la NUPES ont proposé en commission, en novembre, lors de l’examen de notre proposition de loi, mais vous avez repoussé cette mesure.
Contrairement à ce que vous dites souvent, les acteurs du bâtiment affirment être prêts à assumer une telle demande supplémentaire. Ils créeront d’ailleurs un grand nombre d’emplois, mais cela nécessitera un soutien public bien plus important et programmé sur plusieurs années.
C’est d’ailleurs pour cette raison qu’une majorité de députés avaient voté l’allocation de 12 milliards d’euros en 2023 pour la rénovation énergétique des logements, somme que vous avez retoquée grâce à un 49.3 sur le projet de loi de finances. Résultat : seuls 2,5 milliards d’euros seront affectés à MaPrimeRénov’ cette année, soit à peine plus qu’en 2022. C’est une misère eu égard aux objectifs que vous avez vous-mêmes fixés. Comment comptez-vous donc les atteindre ? Par quel miracle ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué.
Comme vous le savez, le Gouvernement s’inscrit dans une démarche de planification énergétique, inspirée par la Première ministre, que nous appelons ” France nation verte ” – démarche qui guidera notre action.
Pour en revenir aux passoires énergétiques, vous avez raison, elles sont un fléau et le Gouvernement est mobilisé pour les éradiquer. Je viens de le dire, il n’est pas acceptable que nos concitoyens vivent dans ce qui s’apparente parfois à des taudis énergétiques.
Au 1er janvier 2022, sur les 30 millions de résidences principales, environ 5,2 millions, soit 17% d’entre elles, pouvaient être considérées comme des passoires énergétiques, avec un DPE de classe F ou G. Le dispositif MaPrimeRénov’ vise à éradiquer les passoires énergétiques et alloue un bonus financier lorsque les travaux permettent de sortir de ces classes F et G.
À cet égard, permettez-moi de rappeler que le chiffre de 2 500 logements que vous avez évoqué est erroné : il correspond au nombre de logements ayant bénéficié du bonus. Il est évident qu’un nombre bien plus important de logements sont sortis du statut de passoire thermique l’an dernier, mais seules 2 500 demandes de bonus ont été déposées.
En effet, en 2022, le dispositif MaPrimeRénov’ Sérénité a permis la rénovation globale de plus de 19 000 logements classés F ou G sur les 35 000 dossiers financés, soit plus de 50%. Rappelons aussi que MaPrimeRénov’ a été étendu à l’ensemble des propriétaires de logements en 2021, ce qui inclut, nous en parlions il y a quelques instants, les propriétaires bailleurs.
J’ajoute que le montant de l’aide allouée par MaPrimeRénov’ a été accru de 1 000 euros dans le cadre du plan de résilience si les travaux visent à installer un système de chauffage fonctionnant à l’énergie renouvelable, dispositif qui a été prolongé jusqu’au 31 mars 2023.
D’autres dispositifs complètent les subventions de travaux, tels que les C2E et les éco-prêts à taux zéro, destinés à l’ensemble des ménages – éco-prêts à taux zéro qui, je le rappelle, sont désormais couplés aux demandes de subvention MaPrimeRénov’ afin de simplifier les démarches.
Les premières estimations des services indiquent que MaPrimeRénov’ aurait bénéficié à environ 25 % des passoires thermiques en 2022, soit plus de 150 000 logements.
Mme la présidente.
La parole est à M. Hendrik Davi.
M. Hendrik Davi (LFI-NUPES).
La consommation d’énergie du secteur résidentiel représente 20% des émissions de CO2 et 31% de la consommation nationale d’énergie. Après avoir augmenté très fortement jusqu’au début des années 2000, la consommation d’énergie des logements tend à se stabiliser, affichant même une légère baisse de 5% entre 2012 et 2019. Cette diminution est néanmoins insuffisante eu égard aux enjeux climatiques et géostratégiques de souveraineté énergétique. Il faut donc changer de braquet et de méthode, le dispositif MaPrimeRénov’ étant à ce stade incapable de permettre les nécessaires 700 000 rénovations énergétiques par an.
Procédons étape par étape et commençons par les diagnostics énergétiques. Que propose le Gouvernement pour qu’ils soient plus fiables et systématiques ? Compte tenu du nombre de problèmes, voire de fiascos que les associations de consommateurs ont pointés, n’est-il pas temps de relancer un véritable service public du bâtiment qui les prendrait en charge ?
Ensuite, les rénovations ciblées sont insuffisantes, voire contre-productives. Que propose le Gouvernement pour faciliter non plus des rénovations qui ne concernent par exemple que les fenêtres ou un autre élément couvert par MaPrimeRénov’, mais des rénovations globales qui intègrent la rénovation thermique dans des projets plus larges, tels que la lutte contre l’insalubrité – à Marseille, d’où je suis élu, c’est fondamental –, le confort ou la modification de l’habitat ? J’insiste, il convient de réellement intégrer la rénovation thermique dans une politique beaucoup plus globale.
Troisièmement, le reste à charge est trop important pour de nombreux petits propriétaires. Le Gouvernement prévoit-il d’augmenter la part prise en charge par l’État ? Le Gouvernement n’a pas retenu notre proposition d’allouer 12 milliards d’euros en la matière : comment allez-vous faire pour réduire réellement le reste à charge ? De plus, il convient de faciliter l’accès au crédit. Il est actuellement plus facile de bénéficier d’un crédit pour acheter un logement que pour en rénover un : trouvez-vous cela normal, monsieur le ministre ?
Enfin, la loi prévoit uniquement de qualifier les habitations classées G, F ou E de logements indécents, avec le risque que les propriétaires se tournent vers la location saisonnière, exclue du champ d’application de la loi. À cet égard, les sanctions contre les 3,5% de multipropriétaires possédant à eux seuls 50% des logements loués sont insuffisantes. Que comptez-vous faire pour que les multipropriétaires louant des passoires thermiques rénovent leurs biens ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué.
La rénovation de l’habitat collectif est une priorité. Il faut améliorer les dispositifs en vigueur afin de faire baisser le reste à charge et de le financer par des prêts et des éco-prêts. Cet accompagnement des copropriétaires doit leur permettre d’obtenir un vote positif de la copropriété et de réaliser les travaux. Nous avons prévu des rencontres avec les banquiers afin de les inciter à s’intéresser à nouveau aux copropriétés, notamment en offrant des dispositifs d’avance, que certaines banques ont abandonnés. Je souhaite qu’elles reviennent sur cette décision. La Caisse d’épargne d’Île-de-France en offre mais pas encore suffisamment. Il faut que d’autres banques accompagnent les copropriétés et les copropriétaires pour réaliser les travaux de rénovation. Nous avons décidé d’augmenter le montant des aides pour les copropriétés de 15 000 à 25 000 euros afin qu’elles aillent plus loin dans la rénovation thermique.
Vous avez raison, nous devons continuer à travailler sur le DPE car il est un outil essentiel de compréhension de la qualité du logement et de son évolution. Dans le contexte actuel de crise, il est le meilleur thermomètre dont nous disposons pour connaître la situation d’un logement. Ce dispositif a fait l’objet d’une refonte en 2021 à l’occasion de laquelle il a été entièrement repensé. Aujourd’hui, le DPE est un outil robuste, fiable et performant que nous pourrons utiliser dans le cadre de toutes nos politiques de rénovation du parc.
Les entreprises, dont nous avons parlé tout au long de l’après-midi, sont un autre outil. Il faut continuer à développer la filière en qualifiant les entreprises afin qu’elles soient plus nombreuses à accéder au label RGE et à pouvoir ainsi réaliser des travaux de rénovation.
Mme la présidente.
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES).
La présente discussion conduit à poser une question incontournable : ” Combien ça coûte ? ” On se demande combien ça coûte de changer des fenêtres, de modifier un équipement de chauffage ou de refaire une toiture ou un plancher. Toutefois, cette question prend le sujet par le petit bout de la lorgnette puisque la vraie question consiste à s’interroger sur le coût de ne pas faire ces travaux. C’est cette question que je souhaite vous poser, monsieur le ministre délégué.
Combien ça coûte à notre pays d’avoir des millions de personnes qui vivent dans le froid ? Combien coûtent les maladies liées à cette situation – asthme, bronchite, pneumonie – qui atteignent les enfants ? Combien ça coûte d’avoir des personnes qui n’arrivent pas à fermer l’œil de la nuit alors qu’elles doivent aller travailler ou étudier le lendemain ? Combien ça coûte d’avoir des enfants qui révisent le soir leurs cours dans une quasi-obscurité, dans une chambre qui parfois sent le moisi ou qui ne peuvent pas ouvrir la fenêtre car la concentration excessive dans leur logement de particules fines ou de produits polluants les empoisonne ? La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) appelle régulièrement notre attention sur cette question : combien ça coûte de laisser des escrocs mener des chantiers de rénovation à la va-vite car les particuliers n’ont pas l’argent pour réaliser la rénovation en un seul coup, de bout en bout ? Combien coûte une situation qui provoque chaque année la mort de plus de 2 000 personnes vivant dans ce que nous appelons ici des passoires thermiques ?
Combien coûtent l’inaction gouvernementale et le retard dans la réalisation de l’ensemble des engagements pris vis-à-vis de la population ? Cette question est d’autant plus urgente que la majorité relative a adopté un texte de loi antilocataire. Par ailleurs, je rappelle que seuls 7% des logements sont des passoires thermiques dans le parc social alors que cette proportion est de près d’un quart dans le parc privé. Encore une fois, le public fait mieux pour moins cher.
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué.
Je suis d’accord avec vous : la rénovation thermique des bâtiments n’est pas qu’une question d’argent. Elle est, bien évidemment, d’abord une question sociale : dans quelles conditions laissons-nous vivre nos concitoyens ? L’objectif du Gouvernement de rénover plus de 700 000 logements par an est atteignable. S’il est possible, dans les années qui viennent, de rénover davantage de logements, nous nous en donnerons les moyens. Ce n’est pas votre propos, mais les incantations ne suffisent pas pour rénover un ou deux millions de logements par an.
Je le rappelle souvent, je suis d’abord un petit maire. Lors de mes mandats de maire de Clichy-sous-Bois j’ai pu connaître de près la situation de l’habitat collectif, celle de l’habitat social et des copropriétés dégradées. La réalisation de l’Orcod-in – opération de requalification des copropriétés dégradées d’intérêt national – à Clichy-sous-Bois ne se heurte pas à des problèmes financiers. Nous disposons de l’argent nécessaire. Reste que la rénovation globale d’un immeuble est une opération des plus complexes posant des questions d’ingénierie et de préparation de chantier, notamment celles des conditions de sa réalisation en site occupé.
Nous partageons la volonté d’aller plus vite et plus loin dans la rénovation thermique des bâtiments. Donnons-nous les moyens de qualifier la filière et les niveaux de travaux nécessaires afin de mener des rénovations plus performantes puis plus globales et régler ainsi la question la plus urgente, celle des taudis énergétiques, tout en poursuivant notre lutte commune contre l’habitat insalubre et les marchands de sommeil. Nous aurons ainsi partiellement avancé. En tout cas, je le répète : pour aller plus vite dans la rénovation thermique des bâtiments, l’argent n’est pas la seule question qui se pose.
Mme la présidente.
La parole est à Mme Christelle Petex-Levet, pour le groupe Les Républicains.
M. Maxime Minot et M. Dino Cinieri.
Le meilleur groupe !
Mme Christelle Petex-Levet (LR).
La rénovation énergétique – ou, plus précisément, thermique – de nos bâtiments est un des enjeux les plus importants de notre époque. Elle se heurte, malheureusement, à plusieurs limites.
Premièrement, le pilotage des politiques publiques en matière de rénovation thermique ne conduit pas à des résultats pertinents et montre des limites criantes. La plupart du temps, c’est le nombre de logements rénovés et les dépenses publiques qui sont pris en considération plutôt que la baisse de la consommation énergétique et des émissions de gaz à effet de serre. Il n’existe en France aucune statistique fondée sur les consommations réelles après rénovation thermique. Ce système est non seulement préjudiciable à la performance énergétique mais également au suivi des politiques. Certes, l’État a proposé un éventail d’aides aux Français, une quinzaine environ, mais combien d’entre eux les ont perçues ? On me signale souvent des procédures administratives compliquées et interminables qui constituent un vrai frein pour de nombreux ménages pour se lancer dans des travaux de rénovation énergétique.
M. Dino Cinieri.
Eh oui !
M. Maxime Minot.
C’est très complexe !
Mme Christelle Petex-Levet.
Il semble aujourd’hui indispensable de clarifier et de simplifier les différents dispositifs d’aides et les démarches à suivre.
Deuxièmement, dans le cadre de la rénovation énergétique des bâtiments d’habitation, ne serait-il pas pertinent d’inciter les propriétaires d’un même immeuble à rénover l’entièreté du bâtiment – voire de le leur imposer –, pour obtenir de vrais résultats énergétiques et éviter les gestes isolés à moindre effet.
M. Dino Cinieri.
Évidemment !
M. Maxime Minot.
Eh oui !
Mme Christelle Petex-Levet.
Enfin, le marché de l’immobilier va être chamboulé par l’interdiction à la location des logements mal classés énergétiquement, interdiction qui va se durcir dans les années à venir. Compréhensible, cette mesure n’en alerte pas moins depuis des mois la filière du BTP (bâtiment et travaux publics). Par la quantité massive de logements à rénover, l’offre devient considérablement faible face à la demande croissante. Les artisans l’annoncent : les travaux de rénovation thermique s’enchaînent et ils ne peuvent malheureusement pas suivre, du fait du manque de main d’œuvre et de matériaux. Dans le contexte d’explosion des prix de l’électricité pour les professionnels, comment le Gouvernement entend-il pallier le manque d’artisans et de matériaux qui va fortement freiner les travaux de rénovation énergétique des particuliers ? Depuis des années, la puissance publique multiplie les chèques pour des dispositifs qui ne donnent pas vraiment satisfaction, ni aux bénéficiaires ni à l’ambition du législateur de massifier la rénovation thermique dans notre pays. Entre incitation et obligation, il est grand temps de trouver un fonctionnement équilibré et véritablement efficace.
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué.
Vous avez raison, et je l’ai répété tout au long de la discussion : la rénovation de l’habitat collectif ne peut pas passer uniquement par la rénovation d’un logement à l’intérieur d’un habitat collectif. Avec l’Anah nous cherchons à qualifier les chantiers nécessaires dans une copropriété avant de mettre en place le plan prévisionnel de travaux afin que l’ensemble des copropriétaires soient éclairés sur les travaux nécessaires à l’obtention d’un gain énergétique fiable. Avec MaPrimeRénov’ Copropriété, nous disposons de plusieurs outils. Ils doivent être améliorés afin de faciliter le vote de travaux par la copropriété, en simplifiant la gouvernance de la copropriété et en se donnant les moyens de faire baisser le reste à charge.
Nous travaillons avec l’Anah à l’évolution des dispositifs d’aides destinés à la copropriété. Certaines copropriétés vont bien mais doivent être aidées car des copropriétaires disposent de revenus modestes. Les aides doivent donc être différenciées en fonction des revenus des copropriétaires. Elles peuvent alors être versées soit à la copropriété, qui procède ensuite à la différenciation, soit directement aux copropriétaires. Des copropriétés plus fragiles peuvent être aidées par des dispositifs tels que les Opah et certaines, encore plus fragiles, peuvent faire l’objet de plans de sauvegarde. Dans chacun de ces cas, il faut veiller à ce que le niveau d’aides soit suffisant pour que les travaux puissent être réalisés dans l’intérêt des habitants et de leur pouvoir d’achat, mais également dans l’intérêt de la planète puisque chacun de ces gestes de rénovation permet de diminuer les émissions de gaz à effet de serre.
C’est l’enjeu qui se trouve devant nous : inciter à des écogestes plus massifs, sortir du geste unique et aller vers des rénovations à la fois globales et performantes, en particulier dans l’habitat collectif.
Mme la présidente.
La parole est à M. Dino Cinieri.
M. Dino Cinieri (LR).
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 fixait à 2025 un objectif de disparition totale des 12 millions de passoires thermiques. Cet objectif a été reporté à 2028 par la loi « climat et résilience » de 2021. Il ne sera pourtant probablement pas tenu, malgré ce report de calendrier. La Cour des comptes constatait en effet en mars dernier que, depuis le lancement de MaPrimeRénov’ le 1er janvier 2020, seules 2 500 passoires thermiques avaient été rénovées chaque année. On est donc très loin du compte.
En octobre dernier, la Défenseure des droits annonçait publiquement avoir été saisie de près de 500 réclamations en deux ans à la suite de difficultés rencontrées par des ménages ayant sollicité une aide au titre de ce programme. Outre des bugs récurrents sur la plateforme en ligne, les propriétaires dénoncent l’absence d’interlocuteur ou d’information pour le suivi de leurs dossiers, des retards compromettant le versement des aides, qui peuvent les conduire à de graves difficultés financières, et des délais anormaux de traitement qui ont laissé de nombreux ménages sans chauffage lors des derniers hivers.
Combien sommes-nous dans cet hémicycle à avoir reçu des témoignages de nos concitoyens victimes d’un dialogue de sourds avec l’administration de l’État, incapable de leur dire où en était leur dossier et quand il pourrait aboutir ? La gestion de l’instruction des dossiers, normalement dévolue à l’Anah, a été sous-traitée à un prestataire privé avec qui le dialogue semble inexistant.
Le choix d’une plateforme entièrement dématérialisée, sans interlocuteur pour pouvoir se renseigner ou corriger des erreurs, laisse bon nombre de nos concitoyens à l’écart du dispositif et oblige les rares candidats qui osent se lancer à aller taper à la porte de leur député pour espérer débloquer la situation.
M. Maxime Minot.
Eh oui !
M. Dino Cinieri.
Enfin, la complexité du dispositif, le caractère illisible des aides proposées aboutit fréquemment à de mauvaises surprises, à la fin, avec des primes inférieures aux estimations réalisées avant travaux et pourtant promises par l’État.
Mme la présidente.
Merci, monsieur Cinieri.
M. Dino Cinieri.
Je conclus, madame la présidente…
Mme la présidente.
Vous avez déjà dépassé votre temps de parole. La règle est la même pour tous.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué.
Le chiffre de 2 500 rénovations globales que vous citez ne concerne que les rénovations ayant bénéficié d’un bonus. Plus de 160 000 logements ont fait l’objet d’une rénovation globale pouvant bénéficier du bonus mais leurs propriétaires n’en ont pas fait la demande. Ne restons donc pas sur ce chiffre, qui est largement minoré.
Le volume des dossiers MaPrimeRénov’ et leur processus de traitement induisent nécessairement des difficultés pour une part d’entre eux. Chaque dossier est instruit de façon rigoureuse, détaillée et individualisée afin de s’assurer que la demande d’aide est conforme et que l’argent public est dépensé à bon escient. Je pense que nous y sommes tous favorables.
Je rappelle que, avec jusqu’à 25 000 décisions prises par semaine, le traitement des dossiers est massif. J’en profite pour saluer les équipes de l’Anah et l’ensemble de ses agents pour le travail important et de qualité qu’ils mènent. Depuis 2021, l’Anah a mis en œuvre un ensemble de parcours et de processus spécifiques pour traiter les dossiers en difficulté. Les agents suivent une démarche très active afin d’anticiper les problèmes, avec une sécurisation de la plateforme et un accompagnement systématique et renforcé des usagers en difficulté. Nous avons par ailleurs renforcé la lutte contre la fraude afin de diminuer les délais de traitement des dossiers.
Ne soyons donc pas pessimistes : MaPrimeRénov’, ça marche ! Je ne nie pas qu’il existe des difficultés, mais elles représentent à peine 2% des 150 000 dossiers déposés chaque année.
Mme la présidente.
La parole est à M. Maxime Minot.
M. Maxime Minot (LR).
Les ménages prennent des risques importants quand ils financent des travaux. Nous avons été nombreux à le souligner : la présence d’un reste à charge, même après l’attribution d’aides publiques, constitue ainsi un frein qui décourage certains d’engager des travaux.
La création, en 2009, d’un éco-prêt à taux zéro était une initiative prometteuse pour faciliter le financement de ces opérations par les Français. Pourtant, seuls 61 000 de ces prêts ont été accordés en 2021, principalement, d’ailleurs à des ménages aisés ; 70 000 avaient été accordés l’année de leur création.
Qu’a fait le Gouvernement pour favoriser l’attribution de ces prêts ? Les banques ont parfois du mal à jouer le jeu et tendent à appliquer les mêmes conditions aux emprunteurs que pour un prêt ordinaire, notamment en survérifiant leur solvabilité. Elles dénoncent aussi fréquemment la complexité du dispositif – problème qui relève, lui, de la responsabilité directe du Gouvernement.
Où en est le prêt avance rénovation (PAR) qui permet aux ménages de ne rembourser l’emprunt qu’au moment de la vente du bien – mais n’est distribué que par un nombre trop peu élevé de banques ? Sera-t-il enfin tenu compte des économies d’énergie, qui sont le principal avantage d’une rénovation thermique, dans le financement de ces opérations ? Ces travaux sont supposés permettre des économies d’énergie et donc une baisse de la facture. Pourquoi ce pouvoir d’achat supplémentaire n’est-il jamais pris en compte dans le calcul de la capacité des ménages à rembourser leur prêt ?
N’est-il pas temps d’étudier enfin la possibilité de faire appel à d’autres financeurs éventuels ? On parle souvent de créer des opérateurs ensembliers, qui financeraient et réaliseraient les travaux en avançant la totalité des frais. Seuls à supporter la dette, ils rembourseraient celle-ci grâce à la baisse de la facture des ménages. Un fonds public de garantie prendrait éventuellement à sa charge les surcoûts en cas d’échec. Ce serait largement plus économique que toutes les aides distribuées par l’État depuis des années, avec un succès relatif, et bien plus incitatif pour les ménages, qui n’auraient plus besoin de s’endetter pour engager des travaux.
Monsieur le ministre délégué, vous prétendez vouloir massifier la rénovation thermique. Qu’avez-vous fait pour étudier sérieusement cette solution nouvelle de financement ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué.
Monsieur Minot, vous avez raison, la rénovation thermique des bâtiments est une responsabilité collective, qui doit donc être partagée. Le service public France Rénov’ montre que la situation sur le territoire national est assez diverse, selon que les collectivités locales ont pris en compte la réhabilitation thermique des bâtiments ou non. Certains départements, certaines métropoles, certains établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ont déployé des outils d’aide importants et ont parfois créé leurs propres agences locales de l’énergie et du climat (Alec), alors que d’autres sont en retard. Au sein du territoire national, le niveau des aides diffère ainsi d’un endroit à l’autre selon que les aides de l’État sont complétées ou non par celles des collectivités locales. Il faut selon moi mieux marquer leur responsabilité et signifier le problème clairement, quand des collectivités locales ne s’engagent pas voire se désengagent en matière l’aide à la rénovation thermique des bâtiments. Nous en tiendrons compte lorsque nous travaillerons sur la décentralisation des politiques du logement.
Vous avez raison, les banques doivent également se montrer responsables, en accompagnant davantage les copropriétés et les copropriétaires. C’est un enjeu majeur, puisque, quand ceux-ci votent sur le plan pluriannuel de travaux, ils doivent disposer d’une bonne visibilité sur leur solvabilité. C’est l’objet d’un travail que nous menons avec plusieurs banques ; certaines s’engagent à nos côtés sur l’éco-PTZ. D’autres les suivront.
Je l’ai annoncé il y a quelques semaines, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et moi-même réunirons l’ensemble des banquiers pour échanger sur leur capacité à intervenir avec nous dans les copropriétés, pour les accompagner davantage lors des travaux de rénovation, notamment des parties communes.
Mme la présidente.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout.
M. Jean-Louis Bricout (LIOT).
Nous débattons d’un sujet essentiel pour les Français, pour la France et pour la planète. Ses enjeux sont sociaux – pensons aux 12 millions de nos concitoyens qui ne peuvent se calfeutrer dans leur logement ; écologiques – le logement représente 25% des émissions de gaz à effet de serre et 45 % de la consommation d’énergie – et économiques – la rénovation nourrit l’activité du secteur du bâtiment et de l’économie de proximité. C’est également un enjeu de souveraineté énergétique puisque consommer moins, c’est produire moins et faciliter notre autonomie. Parce que l’urgence climatique rejoint l’urgence sociale, la rénovation des logements est la priorité des priorités. Et c’est avant tout une question de volonté politique.
Le Gouvernement exprime sa volonté avec MaPrimeRénov’ et obtient un certain succès malgré une efficacité partielle. Oui, le recours à ce dispositif n’est pas équivalent à une rénovation. Au rythme actuel, la politique fondée sur les gestes ne nous permettra pas de parvenir à la neutralité carbone pour 2050.
En 2019, déjà, notre collègue Boris Vallaud et moi-même vous proposions un dispositif suffisamment puissant pour permettre le lancement massif de travaux, en favorisant la rénovation globale et performante des logements. Nous préconisions un accompagnement renforcé tout au long des travaux, du diagnostic jusqu’à la réception du bâtiment, mais aussi et surtout un financement innovant de l’assiette globale impliquant une part de subvention forfaitaire 30 à 50 %, suivant la situation sociale de l’occupant, et le financement du reste à charge par une avance remboursée au moment de la mutation du bien – c’est-à-dire sa vente ou sa transmission lors d’une succession. Cette méthode de financement était alors encensée par M. Sichel, à l’époque chargé d’une mission sur le sujet et directeur général adjoint de la Caisse des dépôts et consignation.
Trois ans après notre initiative, vous commencez à convenir de la justesse de nos propositions, tant sur la rénovation globale que sur le prêt avance. Tant mieux ! Si nous avons le sentiment d’être copiés, c’est aussi un honneur et un réconfort pour ceux qui attendent dans le froid.
Monsieur le ministre délégué, ma question est simple : entendez-vous remettre sur le métier cette proposition pour l’améliorer encore, selon une approche globale et massive, et l’adapter aux copropriétés ? Je reste à votre disposition.
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué.
La loi ” climat et résilience ” a créé un dispositif complémentaire pour financer le reste à charge de travaux de rénovation énergétique réalisés par des professionnels reconnus garants de l’environnement (RGE). Ce prêt, distribué sous le nom de prêt avance rénovation, permet de différer le remboursement du capital emprunté jusqu’au moment de la mutation. Il est destiné prioritairement aux publics qui ne pourraient pas emprunter dans des conditions classiques, notamment les ménages aux revenus modestes.
La loi ” climat et résilience ” permet également au fonds de garantie pour la rénovation énergétique de couvrir jusqu’à 75% du risque de perte du crédit accordé au ménage, sous conditions de ressources. Le prêt avance rénovation est parfaitement opérationnel depuis février 2022, trois banques ont déjà commencé à le déployer ; d’autres travaillent à la distribution de ce produit pour les prochains mois.
En 2022, les premiers chiffres indiquent que trente-six PAR ont été émis, pour un montant moyen de 20 860 euros par ménage – c’est encore trop faible. Nous n’en sommes qu’au démarrage de ce dispositif qui doit être mieux présenté et connu. Les retours d’expérience nous permettront d’identifier les évolutions grâce auxquelles le développer. Je continuerai à mobiliser les banques pour faciliter sa distribution et le faire mieux connaître.
Je souligne par ailleurs de nouveau que nous facilitons l’accès à l’éco-PTZ, qui constitue une solution de financement gratuite pour les ménages capables de rembourser le capital au fil de l’eau. Les démarches administratives seront simplifiées puisque les documents fournis dans le cadre de la demande MaPrimeRénov’ seront directement transmis à la banque distribuant le prêt.
Mme la présidente.
La parole est à M. Stéphane Lenormand.
M. Stéphane Lenormand (LIOT).
Comment massifier la rénovation thermique ? Au-delà des mots, c’est une question de déploiement des politiques publiques. Il faut sans doute davantage de souplesse, de pragmatisme et de cohérence en la matière.
Le 6 octobre 2022, le Gouvernement a présenté le plan de sobriété énergétique pour les ménages, qui s’articule autour de quinze mesures phare destinées à mieux gérer la consommation ; elles peuvent s’accompagner d’un soutien financier.
Cependant, l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, du fait de sa spécificité statutaire, ne pourra bénéficier de telles mesures. Afin d’inclure cette collectivité d’outre-mer dans cette démarche ô combien importante et d’y impulser la massification de la rénovation thermique, j’avais déposé un amendement à la mission Outre-mer du projet de loi de finances pour 2023.
La situation était déjà urgente, avec l’explosion des prix des énergies fossiles et alors que le chauffage occupe une part particulièrement lourde du budget des ménages à Saint-Pierre-et-Miquelon – entre 30% et 40% de celui-ci.
En outre, la collectivité a fait un effort de diagnostic de l’ensemble du bâti et a doté le territoire d’un point info énergie. Elle dispose des outils de diagnostic, d’évaluation et a entamé des formations dans les différentes entreprises du bâtiment et ses dispositifs d’aide sont prêts. Il était donc logique que les aides de l’État accompagnent cette volonté territoriale. L’amendement a été voté, mais n’a pas été intégré dans le texte finalement adopté, après le recours au 49.3.
Ce matin, hasard du calendrier, j’ai reçu une réponse du ministre délégué chargé des outre-mer sur le prix des énergies – il faudrait du reste plutôt parler d’une non-réponse – m’incitant à favoriser la rénovation thermique. Vous comprendrez que les bras m’en soient tombés. J’invite à la cohérence, alors qu’à ma connaissance, vous faites partie du même Gouvernement, monsieur le ministre délégué chargé de la ville et du logement. Comment faire, à quel saint me vouer pour que de telles aides soient versées à cette collectivité, pour lui permettre d’atteindre l’objectif commun dont nous débattons ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué.
L’instauration de MaPrimeRénov’ et des primes « coup de pouce » accordées dans le cadre du dispositif des certificats d’économie d’énergie en métropole et dans les territoires d’outre-mer a permis d’atteindre de très bons résultats en matière de gestes de rénovation, comme cela a été indiqué depuis le début de l’après-midi, avec près de 700 000 gestes de rénovation énergétique financés en 2021 ; des résultats semblables sont attendus pour 2022.
Je comprends que ce succès incite à solliciter l’extension de ce dispositif à d’autres territoires. Toutefois, vous le savez, la situation législative et réglementaire de Saint-Pierre-et-Miquelon est particulière, car c’est une collectivité d’outre-mer régie par l’article 74 de la Constitution.
Dans ce contexte, en application de l’article L.O. 6414-1 du code général des collectivités territoriales, en vigueur depuis 2008, cette collectivité est compétente pour définir elle-même les dispositions applicables sur son territoire en matière d’impôt, de droit et de taxe ainsi que les politiques publiques applicables en matière de construction, d’habitation et de logement. L’instauration d’une prime de transition énergétique sur le territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon relève par conséquent de la compétence de cette collectivité.
Le programme Sare – service d’accompagnement pour la rénovation énergétique – qui finance les espaces conseil France Rénov’, à travers les C2E et une contribution équivalente des collectivités territoriales, est déployé depuis le 1er janvier 2022 à Saint-Pierre-et-Miquelon. Cette collectivité est donc pleinement investie, avec l’État, dans le déploiement de l’offre de services France Rénov’.
Mme la présidente.
La parole est à M. Gérard Leseul.
M. Gérard Leseul (SOC).
Dans une décision du 14 octobre 2022, la Défenseure des droits pointe plusieurs dysfonctionnements du dispositif MaPrimeRénov’, au détriment des potentiels bénéficiaires. J’ai eu l’occasion de rencontrer dans ma circonscription des personnes prises au piège de la plateforme informatique d’aide. Des usagers, ne parvenant pas, malgré leurs multiples démarches, à enregistrer leurs demandes ou à obtenir une réponse définitive, ont réalisé les travaux avant d’avoir pu faire aboutir leurs démarches. Dans certains cas, les aides leur ont finalement été refusées. Ces problèmes techniques et les délais de traitement qui s’appliquent à certains dossiers portent directement préjudice aux ménages. Certains demandeurs choisissent même de repousser les travaux au détriment de leur qualité de vie.
Cela a été indiqué tout à l’heure, la procédure dématérialisée n’est pas toujours efficiente. La Défenseure des droits indique clairement que le passage progressif au tout numérique se traduit, pour beaucoup, par un recul de l’accès aux droits. Alors que les ménages devraient être encouragés, rassurés et accompagnés, quelles mesures prendrez-vous pour résoudre ces dysfonctionnements ?
Vous le savez, à cause des difficultés de déploiement de MaPrimeRénov’, les ménages qui décident de lancer une rénovation thermique choisissent souvent des petits gestes. Or, pour massifier la rénovation des bâtiments, il conviendrait de mener des rénovations globales : isolation des murs extérieurs et du toit, changement des huisseries et remplacement du dispositif de chauffage. Cela doit passer par un réel accompagnement des ménages et des bailleurs, par la réduction des délais de traitement, par la suppression du tout numérique, et le renforcement de l’accompagnement social, technique et économique.
Pourquoi ne pas avoir conservé les moyens supplémentaires de 12 milliards d’euros prévus par les amendements des groupes de gauche, que nous avions adoptés en séance avant votre application du 49.3 ? Que faites-vous pour développer les possibilités d’avances financières que le groupe Socialistes et apparentés avait proposé, et que le Gouvernement a repris tardivement et partiellement, comme l’a rappelé notre collègue Jean-Louis Bricout ? Quels sont les chiffres actuels de distribution du prêt avance rénovation ? Êtes-vous prêt à promouvoir le développement du PAR qui n’est actuellement proposé que par deux établissements bancaires coopératifs ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué.
Oui, il y a eu des dysfonctionnements. J’ai rencontré la Défenseure des droits mais son rapport ne fait état que de 400 dossiers sur les 750 000 traités chaque année. Ce sont 400 dossiers de trop, j’en conviens. Nous y travaillons et veillons à ce que France services – services publics de proximité –, puisse recevoir les réclamations et faire le lien entre l’Anah et nos concitoyens en difficulté. En outre, vous avez raison, la dématérialisation ne doit pas introduire de nouvelles fractures – notamment numérique – et les citoyens doivent disposer de tous les outils de France Rénov’.
Pour ce faire, ils peuvent bien évidemment contacter l’espace France Rénov’ de leur territoire. Il est simple de trouver son numéro sur internet, ou auprès de sa mairie en cas de fracture numérique, et de demander un accompagnement téléphonique ou physique.
Enfin, c’est vrai, l’implication des banques est très importante pour le développement de la rénovation thermique et, après le déblocage de MaPrimeRénov’, pour le financement du reste à charge. Je le répète, une réunion aura lieu dans les prochaines semaines entre les services du ministère chargés de la ville et du logement et le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, pour faire un point avec les banquiers sur leur capacité à s’impliquer davantage dans les dispositifs – prêt à taux zéro, éco-prêt à taux zéro ou PAR. Leur niveau d’intervention dans le PAR est insuffisant au regard de la qualité de ce dispositif, qui permet à des ménages modestes et très modestes, en particulier à des personnes âgées, d’accéder à un prêt.
Mme la présidente.
La parole est à Mme Marietta Karamanli.
Mme Marietta Karamanli (SOC).
Même si certains en doutent, en mesurant les consommations réelles deux ans après travaux, les évaluations des résultats des politiques engagées par plusieurs pays européens, dont l’Allemagne, montrent que les économies d’énergie prévues avant travaux ont effectivement pu être atteintes.
Interrogés, 47% de nos concitoyens considèrent que les dispositifs d’incitation et les aides permettant de s’équiper sont complexes. Pourtant, une massification rapide, couplée à une rénovation énergétique très performante, est possible, en s’appuyant sur différents leviers complémentaires.
On pourrait ainsi mettre en place un dispositif d’aide unique, combinant prêts et subventions, indexé sur la performance énergétique et associé à un suivi après travaux – cela existe déjà dans d’autres pays européens.
Il conviendrait également de prévoir des aides importantes pour les ménages modestes, dans une logique de transition juste, d’autant que la crise ampute le pouvoir d’achat. Il faudrait instaurer une obligation de rénovation élargie, telle que l’a proposé la Convention citoyenne pour le climat, couplée aux dispositifs d’accompagnement de type guichet unique, et prévoir des financements adaptés.
Enfin, il faudrait réussir à structurer l’offre afin qu’à l’échelle des territoires, des professionnels qualifiés soient capables de répondre à la massification, mais surtout regagnent la confiance des ménages en réalisant des travaux de qualité, avec un suivi de la performance.
Nos concitoyens n’entendent pas opposer maîtrise de la demande énergétique et recours à des énergies renouvelables et décarbonées, mais ils souhaitent des résultats concrets.
Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous exposer la trajectoire de cette massification ? Quels en sont les objectifs chiffrés – type de bâtiment, famille, montant de travaux et diminution de consommation – ainsi que le calendrier ? Pouvez-vous vous engager à revenir devant notre assemblée afin de dresser un bilan exhaustif de cette trajectoire chaque année et à adresser un rapport chiffré à l’ensemble des députés tous les semestres ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué.
Afin de franchir un nouveau cap dans notre politique de rénovation énergétique des bâtiments, il faut l’inscrire résolument dans l’exercice de planification énergétique France Nation verte. La massification des rénovations performantes suppose d’agir sur différents plans : l’accompagnement, la stimulation de la demande, la fluidité des parcours, la structuration de l’offre, de manière coordonnée et sur la durée.
Avec le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires et celui de la transition énergétique, sous l’égide de Mme la Première ministre, nous avons identifié plusieurs chantiers qui relèvent spécifiquement de la planification. Ils alimenteront dans les prochains mois le projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC) et la stratégie française.
Nous travaillons notamment à la définition d’une trajectoire concertée de rénovation du parc de logements, cohérente avec nos objectifs à moyen et long termes, et qui puisse servir de référence pendant tout le quinquennat afin d’assurer des rénovations performantes, le traitement des passoires et la sortie des énergies fossiles.
En outre, il s’agit de disposer d’une offre à la hauteur de cette trajectoire ambitieuse, en lien avec la filière et les collectivités, dans la continuité des assises du bâtiment et des travaux publics. Il faut renforcer la formation et l’attractivité des métiers de l’animation de la filière – nous comptons notamment sur les régions –, les structurer afin de mieux répondre aux besoins de rénovations performantes, mais aussi innover en matière de modèles économiques et de techniques constructives.
Mme la présidente.
La parole est à M. Vincent Thiébaut.
M. Vincent Thiébaut (HOR).
La rénovation énergétique des bâtiments est un enjeu essentiel pour lutter contre le dérèglement climatique, mais aussi pour faire face à la crise énergétique. En outre, elle permet aux Français de disposer de logements plus confortables, tout en réduisant leur facture énergétique. Beaucoup a déjà été réalisé au cours du précédent quinquennat, comme l’illustrent les C2E, outils essentiels à la rénovation, ou le succès de MaPrimeRénov’, même si le dispositif mérite peut-être encore d’être recadré afin d’aller au-delà des rénovations monogestes.
Mais comment rénover les 5,2 millions de logements qui le nécessitent ? Si nous nous réjouissons des 2,5 milliards d’euros adoptés en faveur de la rénovation dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, l’enjeu de la massification reste entier et, malgré les efforts réalisés, certains restent à faire en matière de visibilité, et de lisibilité, des dispositifs.
Le groupe Horizons et apparentés estime qu’il faut associer au plus près les élus locaux et les collectivités, ainsi que tous les acteurs du territoire, tant en matière de moyens, que de ressources, de compétences, mais surtout de communication, en mettant en place des outils territoriaux, sur le modèle des dispositions que nous avons adoptées pour la planification dans le cadre du projet de loi, qui sera voté demain, relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
Certains dispositifs, comme Action cœur de ville ou la revitalisation des centres-bourgs, sont couplés à des dispositifs fiscaux, notamment la réduction d’impôt relative à la rénovation d’un logement ancien, dite Denormandie. Action cœur de ville va entrer dans sa deuxième phase. Est-il prévu d’améliorer la massification de la rénovation thermique des bâtiments par ce biais ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué.
MaPrimeRénov’ est un dispositif d’aide national et l’instruction unifiée a permis la massification. Vous avez raison, il fonctionnera encore mieux si nous sommes capables d’associer toutes les collectivités, certaines ayant déjà pris les devants et étant à la pointe de la rénovation thermique des bâtiments individuels ou collectifs, par le biais d’exonérations d’impôts, d’aides, la création d’Alec et des dispositifs d’accueil des particuliers.
La situation actuelle est un peu baroque puisque perdurent les aides de ces collectivités – quand d’autres n’en avaient pas mis en place – et alors que le dispositif national existe sur l’ensemble du territoire. Certains Français peuvent donc être mieux aidés que d’autres. Il faut mobiliser l’ensemble des collectivités pour que chacun apporte sa pierre à l’édifice et contribue à cet effort urgent de rénovation thermique des bâtiments publics et des logements.
Vous avez raison de prendre l’exemple de dispositifs tels qu’Action cœur de ville, qui mobilisent l’ensemble des acteurs – État, Banque des territoires, Anah, Anru –, entraînant des effets démultiplicateurs très importants. Nous allons nous appuyer sur ces outils pour demander aux collectivités territoriales qui ne le sont pas encore d’être plus présentes. À l’inverse, il ne faut surtout pas que l’action de France Rénov’ et de l’État démotive les plus engagées. Si l’on veut aller plus vite et plus loin dans la rénovation thermique des bâtiments, nous avons besoin de tous.
Mme la présidente.
La parole est à Mme Véronique Besse.
Mme Véronique Besse (NI).
Depuis le 1er janvier, dans le prolongement de la loi ” climat et résilience “, pour leurs travaux énergétiques, les ménages sont progressivement obligés de faire appel à un professionnel de la rénovation, dit accompagnateur France Rénov’. Je me félicite que l’État suive la voie des collectivités locales puisque nombre d’entre elles le proposent déjà.
Toutefois, une telle disposition pourrait avoir l’effet inverse de celui recherché. En premier lieu, le coût de l’accompagnateur sera à la charge des ménages. En tant que présidente de la communauté de communes des Herbiers, j’avais mis en place un tel accompagnement, mais il était gratuit pour les bénéficiaires. Or, contrairement aux collectivités, l’État ne prévoit pas la gratuité, mais seulement une éventuelle, et faible, aide forfaitaire de l’Anah. Alors que les Français subissent de plein fouet la crise énergétique, l’accompagnateur France Rénov’ constituera un coût supplémentaire pour ces derniers.
En second lieu, il sera obligatoire d’y recourir pour les ménages : cet intermédiaire supplémentaire va complexifier le processus et décourager ceux qui voudraient faire des travaux. Et pour ceux qui persisteront à vouloir les engager, leur délai de réalisation sera fortement rallongé.
Encore une fois, les Français se voient imposer une obligation qu’ils n’ont pas demandée et je crains que, sans gratuité, de nombreux citoyens ne perçoivent ce nouveau dispositif que comme une nouvelle contrainte administrative et financière. Comme souvent, le Gouvernement affiche une belle posture de principe, mais il n’atteindra pas l’objectif escompté – les Français n’engageront que peu, ou pas, ces travaux. Ce sera donc pire qu’avant.
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué.
Je ne partage pas votre analyse : on ne peut à la fois s’interroger sur la complexité et la difficulté pour nos concitoyens de se lancer dans un projet de rénovation et les laisser aussi seuls qu’auparavant. L’accompagnateur France Rénov’ sera le tiers de confiance chargé d’accompagner les Français dans leur projet.
Que se passe-t-il actuellement ? Quand nos concitoyens se lancent dans un projet de rénovation, ils vérifient sur internet les aides auxquelles ils ont droit et cherchent seuls les artisans. L’accompagnateur France Rénov’ va les soutenir dans leur recherche d’aides, les informer en amont de celles auxquelles ils ont droit et les aider dans leur recherche d’entreprise pour faire les travaux. Ils pourront donc se lancer dans leur chantier en étant parfaitement éclairés.
Les conseillers France Rénov’ sont les premiers interlocuteurs lorsqu’on appelle France Rénov’. Ils doivent être capables de mobiliser un accompagnateur France Rénov’. Il faut encore simplifier, vous avez raison, car il existe différents types d’accompagnateurs. Le dispositif doit être unique, le moins coûteux possible afin que cela ne constitue pas un frein financier et que chacun, quel que soit son statut – propriétaire d’un bien individuel, copropriétaire d’un appartement ou copropriété – puisse se lancer en disposant de toutes les informations nécessaires.
Mme la présidente.
La séance de questions est terminée. Le débat sur la réforme de la voie professionnelle se tiendra salle Lamartine. Je vais donc suspendre la séance, qui reprendra dans ladite salle d’ici une dizaine de minutes.
Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 11 janvier 2023
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