Les annonces d’arrêt de production qui se multiplient ces dernières semaines augurent une année 2023 particulièrement difficile pour certaines petites entreprises. Elles avaient pourtant montré une forte capacité de résistance en 2022 grâce à une situation financière plutôt solide. Mais sauront-elles résister aux secousses annoncées ? Panorama des écueils à éviter.
En dépit du bouclier tarifaire sur le gaz et l’électricité pour les TPE de moins de 10 salariés, de l’« amortisseur électricité » pour les PME de moins de 250 salariés et 50 millions d’euros de chiffre d’affaires et du guichet des aides, « le compte n’y est pas. On va vers un mur énergétique », met en garde François Asselin, le président de la CPME.
Julia Cattin, qui dirige depuis Joigny (Yonne) le groupe de matériels de manutention FIMM – 15 millions d’euros de chiffre d’affaires et une petite centaine de salariés – est, par exemple, encore dans le flou sur l’octroi d’une aide. Elle voit surtout que sa facture d’électricité va passer de 110.000 à 380.000 euros en 2023. « Il va falloir durer alors que l’industrie est déjà en manque de compétitivité », s’inquiète-t-elle.
Chez Chamatex Group, une entreprise ardéchoise spécialisée dans le textile technique de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires et 325 salariés, les prix de revient accusent des hausses de 10 à 20 % selon les produits. Inenvisageable de les répercuter aux clients, selon le dirigeant Gilles Réguillon, qui a fait « un petit hara-kiri sur la marge. »
Face à la flambée des matières premières , Norcan _ 26 millions d’euros de chiffre d’affaires, 120 salariés _ a, lui, revu sa méthode de fixation des prix. Ce fabricant d’équipements industriels et technologiques d’Haguenau (Bas-Rhin) applique « une surcharge matières variable » depuis le printemps dernier. « Nous l’annonçons au client avec un mois d’avance. Et nous revoyons nos tarifs tous les trois mois alors que nous les changions tous les trois ans », indique son patron, Stéphane Fauth.
Comme de nombreux chefs d’entreprise, pour éviter la pénurie de matières première et se protéger de la flambée des prix, il a surstocké. « Nous avons augmenté nos stocks pour plus de 3 millions d’euros. C’était de l’argent prévu pour rembourser les dettes », témoigne-t-il.
Le poids du Prêt garanti par l’Etat (PGE), octroyé face au choc du Covid, inquiète. « Les délais de remboursement, sur quatre ans, sont trop courts », martèle la CPME.
La majorité des échéances a démarré au printemps 2022. 40 milliards ont été remboursés sur les 143 milliards d’euros contractés. En 2022, ​la médiation du crédit a été saisie de 550 dossiers de restructuration, « un nombre très faible, mais qui est en cohérence avec le niveau de bilan plutôt positif des entreprises », déclare Frédéric Visnovsky, médiateur du crédit à la Banque de France. Selon l’institution, le taux de défaut, minime, tourne autour de 4,6 %. « Ce chiffre pourrait augmenter dans les mois qui viennent mais on restera autour de 5 % », estime le haut fonctionnaire. De son côté, Banque Populaire estime les impayés à moins de 1 % des dossiers sur les 19 milliards qu’elle a octroyés.
Même si c’est dans la douleur, les entreprises s’acquittent pour l’instant de leur dette. Mais jusqu’à quand ? Selon le baromètre Bpifrance publié mi-novembre, 9 % d’entre elles redoutent de ne pas être en mesure de rembourser leur PGE, un chiffre en hausse de 2 points par rapport à la précédente enquête trimestrielle. « Celles qui le peuvent le font souvent au détriment d’investissements, qu’elles repoussent » constate Agnès Bricard, à la tête du cabinet d’expertise comptable Bricard, Lacroix & Associés.
Pour l’heure, l ‘augmentation des taux d’intérêt ne semble pas impacter l’accès au crédit. « Cette hausse est à relativiser. Elle est nettement inférieure à l’inflation et si le crédit bancaire risque de coûter un peu plus cher aux entreprises, ce n’est pas dans des proportions démesurées », décrypte Frédéric Visnovsky. Selon la Banque de France, les encours de crédits aux entreprises ont augmenté de 8,6 % en octobre sur un an.
« Et on ne constate pas pour l’instant de ralentissement sur les projets d’investissement », relève Virginie Normand, directrice adjointe du développement de Banque Populaire. « On ne voit pas de signal d’alerte, hormis sur l’investissement immobilier, confirme François Asselin. Mais si l’accès au crédit bancaire se durcit, les entreprises commenceront à se désendetter et ralentiront leurs investissements ».
Certains dirigeants sont plus circonspects. « Les besoins de financement sont plus importants alors que les résultats se dégradent, et je ne suis pas certain que les banques suivront tous leurs clients », craint Jérôme Foucault, le président d’Adepale, une organisation patronale de l’agroalimentaire.
Autre inquiétude : les Urssaf, qui n’assignaient plus depuis le Covid, ont repris leurs relances pour le paiement des dettes sociales.
Impossible de pousser les augmentations à hauteur de l’inflation, font par ailleurs valoir les chefs d’entreprise. « Nos prix ont déjà augmenté sous l’effet matières ; on n’y arrivera pas avec les prix de main-d’oeuvre. Les clients vont arrêter d’acheter », craint Stéphane Fauth. « Pour améliorer le pouvoir d’achat des salariés en 2023, il va falloir preuve d’imagination », dit-il. Ses négociations annuelles obligatoires vont débuter sous peu et la hausse proposée se situera « entre 3 % et 3,5 % ». Les deux tiers des entreprises interrogées à l’automne par le cabinet Alixio prévoyaient une augmentation moyenne de 4,3 % en 2023 et un dirigeant de TPE-PME sur deux envisageait un geste au 1er janvier, au moins égal à +3 % dans plus de la moitié des cas, selon une enquête de la CPME.
Avec ses 1.350 salariés, Eficium, PME de la propreté, de l’assainissement et des services d’accueil, prend d’autant moins à la légère la question que l’incidence du prix horaire est majeure dans son activité. « Le SMIC fixe l’échelle des rémunérations et il augmente tous les trois mois depuis octobre 2021… », rappelle le dirigeant, Jean-François Renault. Après 13 % de hausses cumulées sur les dix-huit derniers mois, la marge nette an baissé de 2 %. L’augmentation générale de 5,5 % sera donc appliquée en deux fois en 2023.
Julia Cattin, elle, n’en est pas là. « Si demain je dois fermer parce que je ne peux plus produire à un prix acceptable, lance-t-elle, la question qui se posera en 2023 ne sera pas celle des salaires mais celle du maintien de l’emploi ».
Dans ces circonstances, « le recrutement est en train de reculer dans les priorités mais le sujet reste présent », reconnaît François Asselin. Plus de 372.000 emplois étaient ainsi vacants au troisième trimestre, un chiffre en progression, selon la Dares. C’est « le problème numéro un des petites entreprises », estime Agnès Bricard.
Plus de 90 % des dirigeants de PME interrogés cet automne par la CPME cherchaient à recruter, pointant le nombre insuffisant de candidats et l’inadéquation des profils. « Nous connaissons des tensions dans nos entreprises souvent situées dans des territoires ruraux », approuve Jérôme Foucault.
Chez Eficium, les difficultés de recrutement s’illustrent dans les métiers de la sécurité et de l’accueil, désertés depuis le Covid. Pour attirer des candidats, la PME a revalorisé les taux horaires de 15 à 20 %, comme dans l’hôtellerie et la restauration .
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