ENQUETE De nouvelles expertises du réseau téléphonique conforteraient la thèse de l’accusation, mais leur fiabilité est mise en doute par les avocats de Cédric Jubillar, en détention provisoire depuis quinze mois
Il n’a jamais été retrouvé. Pourtant le téléphone de Delphine Jubillar apporte depuis le début de l’enquête des informations importantes qui pourraient éclairer les circonstances de la disparition de cette mère de famille, dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020, à Cagnac-les-Mines dans le Tarn. Son mari, Cédric, en détention provisoire depuis plus d’un an pour « meurtre sur conjoint », a toujours affirmé qu’elle était partie en pleine nuit en emportant son appareil, un Huawei P30 Pro.
Les premières expertises des gendarmes avaient montré qu’il avait borné dans un rayon de deux kilomètres autour du domicile conjugal, situé rue Yves-Montand. Mais les deux juges d’instruction ont décidé de pousser plus avant en sollicitant de nouvelles études confiées à des experts informatiques et portant sur les activités réseaux, en l’occurrence la connexion entre la cellule de l’antenne-relais la plus proche et l’appareil.
Et selon les résultats de ce « net monitoring », dévoilés par RTL, ceux-ci montreraient que le téléphone n’a jamais quitté le lotissement, voire le cercle plus restreint de la maison jusqu’à son extinction à 7h48. Le rapport reste toutefois prudent sur ces analyses en indiquant que l’architecture des réseaux est différente aujourd’hui de celle de fin 2020.
Une information qui vient toutefois conforter la thèse de l’accusation qui soupçonne le plaquiste de 35 ans d’avoir tué sa femme lors d’une violente dispute, le couple étant en instance de séparation. La jeune femme, qui entretenait une liaison avec un homme de Montauban, a utilisé pour la dernière fois son téléphone à 22h58, en envoyant un message à son amant.
Pour la défense de Cédric Jubillar, pourtant, ces analyses « n’apportent rien », réagit Jean-Baptiste Alary, l’un des trois avocats du plaquiste. « Le Net monitoring, on n’a jamais vu ça dans un dossier d’instruction. Si on avait les moyens techniques de localiser un téléphone à quelques mètres près, pourquoi cela ne serait pas utilisé dans tous les dossiers criminels. Si on sait où est le téléphone, pourquoi n’est-on pas allé le chercher ? Il y a eu un nombre incalculable de perquisitions, des investigations très poussées de l’IRCGN*, ils l’auraient trouvé depuis le temps. Là, ce sont des gendarmes qui ont réalisé ce rapport technique, il est fait par la gendarmerie, pour la gendarmerie, avec la gendarmerie », s’énerve l’avocat, qui rappelle que dès le premier jour, les déplacements de son client ont été suivis à la trace. « Et pourquoi alors, ont-ils levé les scellés sur la maison ? », poursuit-il.
Il préfère s’appuyer sur d’autres expertises qui ont montré que le mobile de l’infirmière avait été réactivé à plusieurs reprises durant la nuit, volontairement par une action humaine. Notamment à 6h52, soit près de trois heures après l’appel de Cédric Jubillar aux gendarmes pour signaler la disparition de sa femme. A cette heure-là, les militaires se trouvaient présents au domicile des Jubillar. Ce qui pour les avocats du mari a toujours démontré « qu’il ne pouvait pas se servir du téléphone », rappelant par ailleurs que son client ne disposait pas du code de verrouillage changé récemment par Delphine Jubillar.
Si les PV de la gendarmerie attestent bien qu’ils étaient présents à 6h52 rue Yves-Montand, il est aussi établi qu’ils n’ont pas été aux côtés de Cédric Jubillar en permanence, ayant des vérifications à faire sur la voiture et autour de la maison. Le principal suspect avait-il le smartphone sur lui lorsque les forces de l’ordre sont arrivées sur place ? C’est l’une des questions centrales dans ce dossier. Et certainement celle que les deux juges d’instruction ne manqueront pas de poser ce vendredi, lors d’un interrogatoire du plaquiste prévu de longue date. Mais que ces nouvelles expertises, rendues le 8 juillet et dévoilées en début de semaine éclairent d’un jour nouveau.
Elles pourraient aussi abonder dans le sens du juge de la liberté et de la détention qui a reçu au cours de la semaine dernière une nouvelle demande de remise en liberté déposée par les trois avocats de Cédric Jubillar. « Avec cette nouvelle expertise, si on voulait faire pression sur le juge, on ne s’y prendrait pas mieux. Je ne sais pas si je suis paranoïaque ou si c’est une malencontreuse coïncidence, mais cela intervient une nouvelle fois alors que nous venons de déposer une demande de remise en liberté », plaide Jean-Baptiste Alary.
Dans le cadre de cette demande, pour la première fois une enquête du service pénitentiaire d’insertion et de probation a été diligentée afin de déterminer si Cédric Jubillar pouvait bénéficier d’une assignation à résidence sous surveillance électronique dans le cadre d’une alternative à la détention provisoire. Depuis le 16 juin 2021, Cédric Jubillar est incarcéré à la maison d’arrêt de Seysses, à l’isolement. Les nombreuses demandes de remise en liberté déposées par ses avocats ont toutes été retoquées par le juge de la détention et des libertés et la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Toulouse.
* Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale
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