Au détour d’une petite rue excentrée de la place de Mézin, vers 12 h 30, des éclats de rire émanant d’un bar contrastent avec le calme ambiant du village. Dans cette petite commune rurale, Le Bon coin n’est pas un site de petites annonces, mais occupe néanmoins une fonction de réseau social important.
Accoudée au comptoir de ce petit établissement, Nicole, 75 ans, gérante du lieu, s’esclaffe avec un petit groupe d’habitués, retraités ou simplement en pause repas. « Ici, c’est comme en Espagne, c’est dans les petits…
Accoudée au comptoir de ce petit établissement, Nicole, 75 ans, gérante du lieu, s’esclaffe avec un petit groupe d’habitués, retraités ou simplement en pause repas. « Ici, c’est comme en Espagne, c’est dans les petits bars qu’il y a la meilleure ambiance ! C’est un bar d’habitués, c’est comme une famille ! », commente la patronne avec le sourire.
Louis, « retraité depuis au moins cinquante ans » selon les autres habitués, complète : « On vient ici, on se retrouve, on discute, on refait le monde, on rigole. On joue beaucoup à la belote aussi ». Un autre précise : « Et puis ce n’est pas cher ici ! » Les autres clients acquiescent avec un regard complice. D’un coup, le téléphone fixe sonne. Nicole râle. « Encore de la publicité ! » Un homme attablé au comptoir suggère, avec un fort accent local : « Demande-leur quel temps il fait à Paris ! » Les autres rient.
Ce troquet a toujours été « un bar de bons vivants », selon Nicole. Ouvert dans les années 50 en tant que « café limonadier », il était tenu par sa mère, qui y a travaillé jusqu’à ses 84 ans. Auparavant nommé « chez Louise », les riverains l’appellent désormais « Chez Nicole ». Elle se remémore le temps qui file en regardant des photos accrochées au mur. « J’ai repris le bar en 1984. Avant, ma mère avait une cuisine. À la suite d’un incendie, je l’ai enlevée et j’ai construit ce comptoir. On a la licence 4 qui permet de vendre de l’alcool fort depuis 2006, parce qu’avant, les gens ne buvaient que du vin rouge dans des chopines ! »
Pourtant, on y trouve toujours à manger, comme décrit Gilou, l’un des habitués présents. « Il y a toujours un peu de charcuterie ou des tapas ici ». Nicole rajoute : « Parce que quand on prend l’apéro, il faut manger un peu, ça éponge ! » Nouvel éclat de rire. La patronne, affable, raconte : « Il y a même un jour ou un couple de touristes sont venus prendre en photo le bar car ils trouvaient atypique qu’il y ait autant de gens dans un si petit lieu ! » À ces mots, Louis hoche la tête et s’exclame : « Il faut voir le dimanche, c’est plein ! », en pointant du doigt les tables du fond de la salle. Ici ont eu lieu concerts, tournois de pétanque ou soirée à thèmes, notamment autour du Beaujolais… Bref, un lieu de sociabilité à part entière.
« J’hésite à vendre le bar, mais les clients ne veulent pas… », plaisante la septuagénaire au franc-parler tranchant en désignant les gens attablés au comptoir, qui pouffent à l’évocation de cette phrase. « Je suis à la retraite, mais j’aime trop ça. Me lever le matin et avoir rien à faire, je me mettrais un coup de fusil ». Gilou commente à son tour. « Vous auriez du la voir pendant le Covid, elle était malheureuse de ne plus voir ses clients. Elle n’arrêtera jamais, c’est une bosseuse. »
Le bar était en effet ouvert sept jours sur sept avant qu’un client ne se décide à faire une affiche pour annoncer la fermeture le mercredi. « Il n’y a pas vraiment d’horaires ici », ajoute une cliente. Nicole enchaîne : « Il n’y a pas d’horaires tant qu’il y a des bons vivants », puis elle se reprend. « Ah si, des fois je vous fous dehors quand je vais au restaurant ! » Les clients rient de nouveau à gorge déployée, et l’un surenchérit : « Des fois elle va manger au Ritz à Paris avec sa retraite à 8 000 euros ! », avant d’embrayer : « C’est notre Mado la Niçoise locale, on rigole bien ici. »
Sous ses allures de « running gag » [blague qui revient régulièrement, NDLR], la potentielle fermeture et revente du bar sont un sujet sérieux qui inquiète les locaux « Un de mes clients a estimé le bar, il vaut 50 000 euros », détaille la principale intéressée. L’un des habitués explique : « Si Nicole ferme, où est-ce qu’on jouera à la belote ? On va rester chez nous, ça serait dur. Ici, c’est notre deuxième maison. » Gilou complète : « Le dimanche, c’est le seul lieu d’animation ici. Quand elle sera plus là, ça sera mort, comme le reste du village, c’est le désert. »
Heureusement pour eux, Nicole semble encore déterminée à rester quelques années, « à moins que je me marie à un riche ! », conclut-elle, provoquant encore une fois l’hilarité générale.

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