Lire le
journal
Lire le
journal
Se connecter
Jusqu’au 15 août inclus, l’exposition "Les Arcs 1940-1945: occupation, Résistance et Libération" est ouverte au public. Au-delà du devoir de mémoire, de vraies perles s’y cachent. Des objets, comme des personnes aux anecdotes bouleversantes.
Ils sont jeunes, ou plus tout jeunes. Ils ont vécu le Débarquement, ou non. Quoi qu’il en soit, ils sont tous réunis à la salle des fêtes des Arcs, espace Hugony. Là-bas, ils se croiraient dans un vrai musée dédié au débarquement des Arcs.
Chaque photographie est décryptée. Chaque objet est analysé sous tous ses angles. Ils sont sujets d’histoires d’une autre époque. Plus précisément, du 15 août 1944, quand le village est libéré par les Anglais et les Américains.
C’est le choc des générations. Les mémoires des plus anciens assouvissent la curiosité de jeunes passionnés. Et le vrai spectacle, il est là ! L’échange autour d’un fait historique qu’on espère ne jamais revivre.
Des voix basses font d’ailleurs référence à la guerre en Ukraine, murmurent des “l’homme n’a donc rien appris”, avant de basculer sur le poids d’un gilet pare-balles.
À gauche, on cite une lettre d’un père qui accuse “les boches” de le “priver de sa fille”. À droite, on salue l’art du recyclage de débris de guerre en objet du quotidien.
Près de l’entrée, deux hommes jouent à un “Qui est-ce” d’importance. Une photographie d’une classe de 1946, de jeunes hommes de retour à une scolarité « normale ». Des inconnus pour la nouvelle génération, des survivants d’une période sombre, des camarades pour Albert Mireur.
Mais la star de cette exposition, c’est le planeur WAKO CG-4A. Maquettes, pièces récupérées, souvenirs de son atterrissage dans les vignes de Sainte-Roseline. Il fascine, obsède, rappelle des souvenirs. Cette exposition, c’est un voyage dans le temps totalement gratuit et fascinant, à retrouver de 9h30 à 12h et de 16h30 à 18h.
Savoir+
Espace Hugony, place du 11-Novembre, Les Arcs.
Contacts: www.operationdragoon@gmail.com
Albert Mireur a une mémoire incroyable. Dates, noms, objets. Il raconte ses histoires en un temps record, avec une précision remarquable. Il se souvient de boutons spéciaux sur la porte d’un planeur abandonné dans une forêt arcoise.
De l’emplacement d’une barre métallique détachée d’un autre planeur et encore aujourd’hui coincée dans un platane. Si, selon lui, cela n’intéresse personne, c’est en réalité une richesse, recherchée par les historiens.
C’est d’autant plus impressionnant lorsqu’on sait qu’Albert Mireur n’avait que 11 ans à cette époque. “En fin d’après-midi le 15 août 1944, je jouais avec un copain quand, au-dessus de notre tête, le ciel s’est rempli d’avions. Ils larguaient des planeurs par groupes de quinze”, raconte-t-il.
“On entendait les bâtiments exploser”
Ces soldats tombant du ciel appartenaient à la 2e brigade britannique et à la 1re Airborne américaine. “Tous essayaient tant bien que mal d’atterrir derrière notre ferme, vers le château Sainte-Roseline. Mais c’était une mission presque impossible. Beaucoup se sont crashés. J’ai essayé de me rapprocher du lieu d’atterrissage et j’ai vu les deux derniers faire une tentative. L’un a réussi, contrairement à l’autre..”
Il explique que la population avait senti l’air changer, le Débarquement arriver. “Les parachutes virevoltaient de partout”, les soldats prenaient alors position aux abords de la source de la Baume.
“Très vite, les Allemands l’ont su et ont voulu les bombarder depuis la gare et la plaine en direction de Vidauban.”
Le problème, c’est que leurs tirs étaient trop courts. “Nous avons dû fuir la ferme pour se réfugier sous un pont. On entendait les bâtiments exploser.”
La bataille des Arcs fait de nombreux blessés civils. “Les Américains ont réussi à en sauver. Moi je ne réalisais pas vraiment car jusqu’ici je n’avais pas réellement été confronté à la mort. Je suis chanceux, pour une personne qui a grandi pendant la guerre.”
Le 16 août, le village s’est transformé. Il y avait des débris de partout, on récupérait ce qui pouvait être utile. On partait à l’aventure. “Petit à petit, on jouait dans les épaves de planeurs. On s’amusait à les repérer.”
Un jour, un reflet lumineux lui indique la position d’un aérodyne. “À l’intérieur, nous avons trouvé un gilet pare-balles troué et taché de sang. Un souvenir impérissable. Au fond, on sait ce que c’est même à cet âge-là.”
“C’est épouvantable”
Hier, il était à la salle des fêtes à raconter ces jours, pas si lointain. Le ton est léger, comme si toute cette violence ne l’avait pas tant affecté. “Pourtant, quand j’y repense, c’est épouvantable. Mais on voyait cela tous les jours pendant quatre ans. On vivait avec. Et puis, mon histoire, je l’ai beaucoup racontée, ça y fait.”
D’un coup, Albert Mireur se lève. Attrape sa béquille et laisse un brin de panique transparaître. “Il faut que je file, ma femme a sûrement déjà fait le tour du marché.”
Ni une ni deux, il est parti. Derrière lui, il laisse des sourires. Jean-Michel Soldi brise le silence: “Je pourrai l’écouter parler pendant des heures, même s’il pense que ce qu’il a vu, n’a pas d’importance. Beaucoup de mes recherches se sont basées sur ses souvenirs. Sa mémoire est un outil indispensable.”
Six cent cinquante heures de travail. “Sans compter le temps de recherche…”, précise Franck Dugas. Le retraité observe la vue de sa maison arcoise. Tord la bouche. Hésite. Et finit par partager ce qui le chagrine. “Vous savez, ce projet, il m’a peut-être sauvé la vie. Ou au moins, il m’a donné la force de me battre contre ma maladie. Cela m’a permis de garder la tête froide et de ne pas penser à la douleur. Avec Jean-Michel, on a appelé ça la “planeur thérapie”” Les larmes embuent ses yeux, un court instant.
Un WAKO CG-4A
Jean-Michel Soldi, c’est son ami et partenaire de projets totalement fous, comme celui-ci. D’ailleurs, il prend enfin la parole: “Je n’ai jamais vu de travail aussi précis, même aux USA. Au nom des anciens pilotes de planeur américain, j’ai remis un diplôme à Franck pour le travail de mémoire qu’il a fait. En tant que camarade, j’en suis d’autant plus ému. Son combat est remarquable.”
Petit rire timide, reconnaissant. “J’ai toujours été fasciné par l’Histoire, raconte Franck Dugas. Je faisais partie de l’équipe du centre archéologique du Var, 99 % des recherches sur les Arcs, j’en suis à l’origine. Je fais beaucoup de travail sur l’histoire du village, dans les archives etc.”
En parallèle, le Cognaçais d’origine aime aussi beaucoup le travail du bois. “Le projet m’a alors permis de lier ces deux passions, encadré par Jean-Michel.” Ce dernier est une vraie encyclopédie. C’est lui qui organise l’exposition sur le Débarquement aux Arcs.
Il explique: “Ma grand-mère était résistante et arrêtée par la Gestapo brignolaise. Elle ne me racontait pas tout, donc, je me suis plongé dans les livres. Puis, avec le temps, cela a dérapé sur le recyclage des objets utilisés lors de la guerre.”
Comme des morceaux de planeurs, par exemple. “Grâce à des recherches très poussées, j’ai pu avoir une idée quasiment exacte de ce à quoi les planeurs WACO CG-4A ressemblaient. J’ai donné toutes ces informations à Franck et il en a construit un époustouflant.”
À voir à la salle des fêtes
Volants de pilotage, sièges des pilotes, casque radio, charnières de portes, ceintures… Tout y est à échelle 1/10e. Au total, la maquette fait 1,53 mètre de longueur et 2,60 mètres d’envergure.
Après tant de travail, Franck Dugas pourrait se reposer et jouir de quelques vacances. “Eh bien non”, le maquettiste laisse planer le mystère.
Et annonce: “On se lance dans un autre délire! Nous voulons restaurer un vrai planeur cette fois, enfin une partie en tout cas.”
Les pièces permettant de redonner vie à cette belle bête ont été récupérées de part et d’autre de la France par Jean-Michel Soldi. “C’est vrai, c’est fou ! Mais ce serait sensationnel!”
Il n’y a pas de doute, la passion donne des ailes.
“Rhôooooooooo!”
Vous utilisez un AdBlock?! 🙂
Vous pouvez le désactiver juste pour ce site parce que la pub permet à la presse de vivre.
Et nous, on s’engage à réduire les formats publicitaires ressentis comme intrusifs.

source

Catégorisé: