POPULATION Le cap des 8 milliards d’êtres humains sera franchi ce mardi, selon les Nations Unies. Nous étions 2,5 milliards en 1950, nous devrions être 9,7 en 2050. Et en 2100 ? L’ONU table sur 10,4 milliards, mais d’autres projections disent beaucoup moins
Nous serons, ce mardi, 8 milliards d’êtres humains sur Terre. A vrai dire, le cap a peut-être déjà été franchi ou le sera plus tard. Ce 15 novembre est en tout cas le jour coché par l’ONU dans ses projections de population mondiale, que l’organisme réactualise tous les deux ans. Si ce repère est symbolique, « il ne faudrait pas en conclure que nous connaissons mal l’état de la population mondiale, recadre le démographe Gilles Pison, conseiller de la direction à l’Institut national d’études démographiques (Ined)*. Au contraire. Ces 50 dernières années, aucun pays n’a échappé à un voire plusieurs recensements. Et les tendances démographiques sont aussi relativement bien connues. »
La tendance globale, justement, est à la hausse, encore et encore. On comptait 2,5 milliards d’humains en 1950, 4 en 1974, 6 en 1999, 7 en 2011 et 8 donc désormais… Soit un triplement en soixante-dix ans, souvent érigé en principale menace pour l’équilibre planétaire.
Pourtant, dans le même temps, le taux de fécondité – le nombre moyen d’enfants par femme – ne cesse de baisser. Il est de 2,3. « C’était plus du double il y a plus de cinquante ans », reprend Gilles Pison. Cette chute n’a pas tout de suite été perçue dans les projections des Nations unies. Du moins pas dans cette ampleur. « Longtemps, l’hypothèse a été que le taux de fécondité convergerait dans le monde autour de 2,1, le seuil de remplacement des générations », rappelle le démographe. Cela ne s’est pas passé ainsi. « Dans les pays industrialisés déjà, la fécondité a nettement baissé en dessous de 2,1, reprend Gilles Pison. Dans l’UE, la moyenne s’établit autour de 1,59. Et le taux de fécondité le plus faible est en Corée-du-Sud, avec 0,9 enfant. »
Surtout, deuxième surprise, de nombreux pays du Sud ont rejoint ceux du Nord beaucoup plus vite que prévu. « C’est le cas de plusieurs Etats d’Asie et de quasiment toute l’Amérique latine », détaille Gilles Pison. Ce basculement est toujours en cours. « En 2019, plus de 40 % de la population mondiale vivait dans des pays dont le seuil de remplacement était égal ou inférieur à 2,1 enfants par femme. En 2021, cela représente 60 % », écrivait le 11 juillet Michael Hermann, conseiller en matière d’économie et de démographie au Fonds des Nations unies pour la population (Unfpa). Et même désormais les deux tiers, ajoute l’ONU dans son rapport « Perspective de la population mondiale 2022 ».
Alors pourquoi la population mondiale continue-t-elle d’augmenter ? Il reste déjà sur le globe des régions où la fécondité est encore élevée. « A 2,5, voire plus », précise Gilles Pison. « C’est le cas de pratiquement toute l’Afrique, mais aussi d’un partie du Moyen-Orient et d’une bande en Asie qui va du Kazakhstan au Pakistan en passant par l’Afghanistan », précise-t-il. Mais ce n’est pas la seule explication. « Beaucoup de pays densément peuplés comptent une forte proportion de jeunes, en âge de procréer ou qui vont l’être », rappelle-t-il. C’est le cas de l’Inde, qui devrait devenir le pays le plus peuplé au monde en 2023, passant devant la Chine, et où plus de la moitié de la population a moins de 25 ans. Même avec un taux de fécondité désormais en dessous du seuil de fécondité, « il n’en reste pas moins que deux enfants par femme, dans ce pays, ça fait beaucoup de naissances », résume Gilles Pison.
Cette inertie démographique rend certaine l’augmentation de la population mondiale dans les prochaines décennies, « à un rythme qui diminue d’année en année depuis soixante ans ** », précise Gilles Pinson Selon les Nations unies, nous devrions ainsi être 8,5 milliards d’humains en 2030 et 9,7 en 2050. « Plus de la moitié de cette augmentation sera concentrée dans huit pays seulement *** », indique l’ONU.
Et d’ici à 2100 ? A cet horizon, en revanche, les trajectoires sont plus incertaines. Le scénario médium de l’ONU, qui suppose une baisse de la fécondité dans les pays où les familles nombreuses prévalent encore, prévoit que nous atteignons un pic de 10,4 milliards d’humains en 2086, avant un maintien jusqu’à 2100. Dans ce scénario moyen, une soixantaine de pays verront leur population baisser d’au moins 1 % à cet horizon. Quant au taux de fécondité mondial, il passerait de 2,3 à 2,1 en 2050 et 1,8 en 2100.
Voilà pour une première projection. Les chercheurs américains de l’Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME) en dressent une tout autre dans une étude publiée à l’été 2020 dans la revue médicale The Lancet et qui a fait grand bruit. Comme l’ONU, les auteurs tablent sur un pic de population dans la seconde moitié du siècle mais atteint bien plus tôt, dès 2064, à 9,73 milliards d’humains. Ensuite, la courbe évolue en pente douce pour atteindre 8,7 milliards d’humains à la fin du siècle.
Les écarts entre ces projections s’expliquent principalement par des scénarios de fécondités retenus différents. Dans leurs calculs, les chercheurs de l’IHME ont anticipé, dans les pays à forte croissance démographique aujourd’hui, l’effet de décisions politiques visant à améliorer l’éducation des filles et à donner un meilleur accès aux moyens de contraception. Ainsi, l’étude parue dans The Lancet prévoit une chute spectaculaire des taux de fécondité en Afrique subsaharienne. Au Niger, par exemple, on passerait de 7 naissances par femmes en 2017 à 1,8 à la fin du siècle. Cette région ne compterait plus alors que 3,07 milliards d’habitants en 2100 quand l’ONU table sur 3,44.
Reste que 8,7 milliards de Terriens en 2100 peut paraître presque mesurée en comparaison avec l’étude du HSBC parue fin août. En se basant sur d’autres hypothèses d’évolution des taux de fécondité et de mortalité, elle allait jusqu’à projeter 4 milliards d’humains à la fin du siècle. « Une hypothèse farfelue », balaie Gilles Pison. Tout de même, l’ONU garde ouvert des scénarios d’évolution très divers à cet horizon 2100. A celui « médium », s’ajoutent celui « de basse fecondité », qui nous amènerait à 7 milliards, et un scénario inverse qui nous conduirait à 15 milliards. « Mais de l’avis même de l’agence, ces deux trajectoires sont peu probables, reprend Gilles Pison. Pour résumer, elle estime qu’il y a 95 % de chance pour qu’on soit entre 8,9 et 12,4 milliards d’habitants en 2100. »
*Gilles Pison est aussi professeur émérite au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) et est l’auteur de L’Atlas de la population mondiale, (ed. Autrement).
« Il y a 60 ans, le taux d’accroissement de la population mondiale était de 2 % par an, contre 1 % aujourd’hui », précise Gilles Pison.
** Ces pays sont l’Egypte, la République démocratique du Congo, le Nigéria, l’Ethiopie, la Tanzanie, l’Inde, le Pakistan, les Philippines.
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