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Près de la Méditerranée, la navigation sur le canal du Rhône à Sète et le Petit-Rhône offre un aperçu original de ce grand Sud de soleil, de vent et de sel.
L’horizon s’étend jusqu’aux Cévennes. La Méditerranée est tout près. Il y a des marais et des étangs partout. Des flamants roses et des taureaux regardent passer le bateau. Celui-ci est une péniche de croisière spécialement conçue par son armateur, CroisiEurope, pour naviguer sur les canaux. Prénommée Anne- Marie, elle officie du printemps à l’automne entre Languedoc et Provence. De Sète à Arles (et inversement), l’odyssée s’effectue pour l’essentiel sur le petit canal du Rhône à Sète, 68 km de Beaucaire, dans le Gard, jusqu’à la Méditerranée. Toutefois, la péniche ne l’emprunte pas in extenso. Pour rejoindre Arles, elle bifurque aux trois quarts du parcours sur le Petit-Rhône, l’un des deux bras ouverts par le fleuve pour former son delta camarguais.
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Cette croisière à 8 km/heure de moyenne se classe dans la catégorie «slow tourisme». Sauf que l’environnement diffère sacrément de l’image bucolique de la douce France verte des voies d’eau créées par l’homme. On vogue ici en pleine nature sauvage, saturée de soleil, de grand vent et de sel. Ni défilé d’arbres sages sur les berges, ni chemin de halage pour se dégourdir les jambes à pied ou à bicyclette, ni passages d’écluses à répétition – le canal n’en compte d’ailleurs qu’une seule et le Petit-Rhône, aucune. Au départ de Sète, depuis le quai d’Alger, le voyage commence en outre par une surréaliste sortie en mer (il faut bien quitter le port), au milieu des thoniers, des voiliers au long cours, des paquebots maritimes et des ferries en partance pour le Maroc.
Vient ensuite la traversée de l’immensité extraplate des étangs de l’Hérault. Construit sur leurs eaux saumâtres, le canal tient entre deux lignes droites et frôle les stations balnéaires de Palavas-les-Flots, Carnon et Le Grau-du-Roi. Le regard s’attarde sur les flamants roses, tout près. Au loin, le pic Saint-Loup cévenol veille au grain. À partir d’Aigues-Mortes, les plaines humides de la Petite Camargue gardoise prennent le relais. Les taureaux noirs camarguais font leur apparition. Les flamants roses sont de plus en plus présents. Et la graphique pyramide cévenole, toujours fidèle au poste. On l’apercevra longtemps. Passé Saint-Gilles et l’unique écluse – on l’avait du coup presque oubliée -, changement de décor sur le Petit-Rhône. Résolument vert mais pas bucolique pour un sou, ce troisième tableau a de faux airs d’Amazonie miniature. Sur l’onde couleur bronze, la péniche avance au milieu de nulle part. À tribord et à bâbord, le paysage alentour a disparu, masqué par un fouillis de végétation. L’élargissement de l’horizon n’en sera que plus spectaculaire en débouchant sur le grand Rhône, Arles et ses fameuses arènes en vue.
Anne-Marie est une coquette petite péniche en livrée bleu roi, 38,50 m de longueur, 5,07 m de largeur et 2,70 m de tirant d’air de mensurations. Coachée par six membres d’équipage, elle n’accueille pas plus de vingt-deux passagers. Si bien qu’à bord on se sent comme en famille. Elle abrite dans ses entrailles dix cabines doubles, bien conçues mais forcément un brin exiguës: 8 m2 d’espace vital pour la chambre à deux (petits) lits et la salle de douche. Quant aux hublots, percés au raz de l’eau, ils ne s’ouvrent pas. Au pont principal se trouvent le restaurant, une cabine de 11 m2, spécial mobilité réduite, et, à l’avant, le salon, entièrement vitré. Il donne sur un mini-pont extérieur, équipé de tables, de chaises, de parasols et même d’un jacuzzi.
Au-dessus, le pont soleil aligne comme il se doit une armée de transats. Aucun auvent pour se protéger des ardeurs de l’astre, et pour cause, explique le commissaire de bord, la tramontane et le mistral, balayeurs en chef de ce grand Sud, n’en feraient qu’une bouchée. À l’arrière de ce sun deck trône également le poste de pilotage. À l’avant, des bicyclettes solidement arrimées attendent vainement les amateurs. Faute de chemin de halage, il n’y a guère qu’au mouillage excentré de Palavas-les-Flots que les petites reines trouveront preneurs pour un after dans la station. On appareillera sinon sans l’avoir vue car elle ne figure pas au programme des visites et excursions, de même que la ville de Sète. Impardonnable zapping que celui de la jolie cité portuaire striée de canaux, berceau de Paul Valéry, Georges Brassens et Jean Vilar. Prévoyez donc, à l’aller ou au retour, d’y prolonger le voyage d’une demi-journée.
Les découvertes guidées, incluses dans le prix du voyage et organisées à chaque escale (Sète, Palavas, Aigues-Mortes, Gallican), sur place ou dans les environs, offrent un classique mais plaisant aperçu des beautés naturelles, du patrimoine, des spécialités et traditions des territoires traversés. Ainsi, dans l’Hérault, le délicieux village de Bouzigues, berceau des huîtres éponymes, sur la lagune de Thau, juste en face de Sète. Et Saint-Guilhem-le- Désert, la cité médiévale sur le chemin de Saint-Jacques, hélas investie par les échoppes de souvenirs à touche-touche. Comment Guillaume d’Orange, qui avait choisi cet endroit pour retraite en fondant l’abbaye romane de Gellone, aurait-il pu imaginer qu’il serait, des siècles plus tard, pris d’assaut par le tourisme de masse?…
Dans les Bouches-du-Rhône, on fera bien sûr un tour aux Saintes-Maries-de-la-Mer, la ville de Mistral et des Gitans, dominée par cet autre joyau roman en pierre blonde de Beaucaire: la magistrale église Notre-Dame de la Mer, dédiée à Marie Salomé et Marie Jacobé. Après la visite historique d’Arles, la flânerie se prolongera autour des monumentales arènes romaines, dans les ruelles en pente et sur les places. À commencer par celle du Forum, où Van Gogh immortalisa une certaine maison jaune, le café et la terrasse à ses pieds. Le café porte aujourd’hui le nom du peintre hollandais. Enfin, une petite incursion dans la vallée des Baux-de-Provence est également prévue, afin d’admirer l’étrange relief calcaire des Alpilles et de s’instruire sur la fabrication de l’huile d’olive dans un moulin spécialisé.
Quant à la Petite Camargue gardoise, notre coup de cœur, on avait volontairement conservé ses trois spots pour la fin. Tradition pour commencer, avec la visite d’une manade, où sont élevés en semi-liberté ces taureaux noirs déjà aperçus du bateau – cette fois, on va les approcher – et les fiers chevaux blancs montés par les gardians. Puis Aigues-Mortes la magnifique, en pierre blonde de Beaucaire également. Cette cité fortifiée, rigoureusement rectangulaire, protégée par 1 600 m de remparts et la tour de Constance, fut édifiée, riche idée, par Saint Louis, au temps des croisades, afin d’ouvrir le royaume de France sur la Méditerranée. La mer est à 8 km. Liaison directe assurée via un «grau», ou canal. Voilà pourquoi, tout au bout, le village de pêcheurs devenu une station de vacances s’appelle Le Grau-du-Roi.
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Enfin, de l’autre côté de la ville, brille le grand blanc éblouissant des salins du Midi. C’est le plus vaste territoire méditerranéen voué à la récolte du sel, 9000 ha de superficie, l’équivalent de Paris intra muros, à cheval sur les départements du Gard et des Bouches-du-Rhône. Une balade en petit train, commentée par la conductrice, en propose des morceaux choisis. Des étendues d’eau de mer qui s’évapore naturellement en changeant de couleur, bleu, vert, ocre puis rouge foncé, teintée par une algue riche en bêtacarotène qui se développe à l’approche de la récolte, en plein été. Des «camelles», énormes monticules de sel, un par année, constitués par des «récolteurs». Ces puissantes machines ont remplacé le travail manuel des 1 500 paludiers d’autrefois. Dix fois moins nombreux, les travailleurs de l’or blanc sont désormais des «sauniers».
Le train s’arrête deux fois: au musée dédié et au pied d’une camelle que l’on va pouvoir escalader. Site protégé, les salins du Midi sont aussi le repaire des oiseaux, 300 espèces parmi lesquelles l’emblématique flamant qui, on l’apprendra, naît gris et blanc puis vire au rose en se gavant de microscopiques crevettes Artemia salina, elles-mêmes nourries à la fameuse algue si riche en bêtacarotène. Miracle de la nature. Au retour, le dernier soleil qui incendie les remparts d’Aigues-Mortes lui donne des faux airs de Marrakech. Pour qui ne connaît pas la région, cette échappée sera à coup sûr la plus exotique de la croisière.
Y ALLER En TGV depuis Paris, Valence-TGV, Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, jusqu’à Sète ou Nîmes pour un embarquement à Arles. www.oui.sncf. En avion, jusqu’à Montpellier, à 40 km de Sète et 70 km d’Arles. www.montpellier.aeroport.fr
EMBARQUER Du vendredi 18 heures au jeudi suivant 9 heures (appareillage le dimanche), forfait 7 jours/ 6 nuits: 1885 € par personne en cabine double pour les croisières du 12 juillet au départ d’Arles et du 19 juillet au départ de Sète, dernières disponibilités 2019 (attendre sinon avril 2020). Le prix inclut la pension complète et les consommations à bord, pendant et en dehors des repas ainsi que les visites et excursions. Navigation le matin dans le sens Sète-Arles et l’après-midi dans l’autre sens.
RÉSERVER CroisiEurope. Tél.: 01 44 32 06 60 et www.croisieurope.com
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Le Languedoc et la Camargue à bord d’une péniche
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