l’essentiel Né dans les années 2000, le gazoduc MidCat qui devait relier l’Espagne à la France via l’Aude, les Pyrénées-Orientales et la Catalogne, est aujourd’hui au point mort. La France bloque sa réalisation, provoquant la colère de l’Espagne et du Portugal, mais aussi de l’Allemagne.
C’est l’histoire d’un projet énergétique devenu un dossier politique. L’idée du gazoduc MidCat (Midi-Catalogne) commence dans les années 2000. Il s’agit alors d’augmenter les interconnexions gazières en Europe et particulièrement entre l’Europe et l’Algérie d’où partent deux gazoducs, Medgaz entre Hassi R’Mel et Almeria et Maghreb-Europe entre Hassi R’Mel et Cordoue via le Maroc. L’Espagne, qui ne compte que deux gazoducs en Navarre et au Pays basque, ne permettant le passage que de 8 milliards de mètres cubes de gaz par an vers la France, plaide alors pour la construction d’un nouveau gazoduc afin d’augmenter ses capacités de transfert pour servir l’Europe mais aussi faire jouer pour elle la concurrence entre le gaz algérien et le gaz naturel liquéfié (GNL) d’un côté, le gaz norvégien et russe de l’autre. Elle compte sur l’Union européenne, qui souhaite multiplier les interconnexions, pour financer ce très coûteux projet (3 milliards d’euros).
La construction du nouveau gazoduc MidCat est ainsi lancée. « Le projet MidCat, supposait le développement de capacités fermes supplémentaires à hauteur de 230 GWh/j dans le sens Espagne-France et de 160 GWh/j dans le sens France-Espagne, nécessitant, outre la nouvelle interconnexion, le renforcement du réseau interne français via notamment la mise en œuvre des projets Eridan et Est Lyonnais. Le coût total des investissements nécessaires côté français avait été estimé à plus de 2 milliards d’euros », rappelle la commission de la régulation de l’énergie (CRE). « Le projet STEP (South Transit East Pyrenees) n’était quant à lui composé que d’une partie de ces investissements, soit ceux situés sur les réseaux de Teréga et d’Enagás.
Du côté français, il comprendrait une canalisation de 120 km entre Le Perthus et Barbaira, pour un coût d’investissement estimé à 290 M€. L’étude commune des GRT concluait que, dans ce cas, seules des capacités interruptibles seraient créées. […] Le projet d’interconnexion STEP avait été identifié comme Projet d’Intérêt Commun dans la 3e liste établie en 2017 » rappelle la CRE.
Ce projet ambitieux suscite toutefois des oppositions d’associations de défense de l’environnement en Espagne comme en France. Ainsi en 2011, la construction d’un tronçon du gazoduc, qui avait commencé un an auparavant entre Martorell et Hostalric, autour de Barcelone, a été stoppée sous la pression des écologistes.
En France aussi, la contestation est forte à l’occasion de la concertation sur le tronçon STEP, la portion centrale du gazoduc MidCat (230 km de long au total pour un coût de 442 millions d’euros). Une trentaine d’organisations manifeste régulièrement et dénonce « ce projet préjudiciable aux paysages et à l’économie locale, à contresens de la lutte contre le dérèglement du climat. »
En 2015, le projet MidCat est remis sur la table et la concertation se poursuit. Mais les doutes s'installent. Fin 2016, GRT Gaz, gestionnaire du réseau de transport de gaz naturel français, remet en cause le bien-fondé d’un nouveau gazoduc dont le coût lui semble bien supérieur aux avantages. Fin 2017 l’opérateur français Teréga organise une consultation publique locale. Le projet semble toujours sur les rails jusqu’à un coup de théâtre le 22 janvier 2019. Les deux régulateurs français (CRE) – qui était déjà très réservée – et espagnol (CNMC) rejettent le projet STEP. Une décision politique mais qui se base aussi sur une étude confidentielle coûts-avantages, réalisée par le bureau d’études Pöyry. Commanditée par la Commission européenne, elle émettait de sérieuses réserves.

Le gazoduc STEP, une portion du gazodu MidCat
Le gazoduc STEP, une portion du gazodu MidCat

« La CRE et la CNMC considèrent que le projet STEP ne répond pas aux besoins du marché et ne présente pas une maturité suffisante pour pouvoir faire l’objet d’une décision favorable des régulateurs et, a fortiori, pour faire l’objet d’une décision de répartition transfrontalière des coûts. » Dès lors l’abandon de STEP devait logiquement impliquer celui de l’ensemble du projet MidCat mais aussi le projet d’interconnexion entre l’Espagne et le Portugal.
La survenue de la guerre en Ukraine et ses conséquences sur l’approvisionnement de l’Europe en gaz laisse alors aux porteurs du projet MidCat l’espoir de le réactiver. Fin août, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez et le chancelier allemand Olaf Scholz plaident ainsi pour la relance de MidCat. Le Premier ministre portugais, Antonio Costa les appuie.
Un espoir vite douché par Emmanuel Macron le 5 septembre. Après un entretien avec Olaf Scholz, qui essaie de trouver des alternatives au gaz russe dont l’Allemagne est très dépendante, le président français confirme qu’il ne relancera pas le projet MidCat, estimant qu’ « on a besoin de plus d’interconnexion électrique. Je ne suis pas convaincu qu’on ait besoin de plus d’interconnexion gazière. » « Je ne comprends pas pourquoi on sauterait comme des cabris des Pyrénées sur ce sujet pour expliquer que ça résoudrait le problème gazier : c’est faux », assène, agacé, Emmanuel Macron, jetant un froid chez nos voisins, stupéfiés par « l’égoïsme » français.
Pour l’heure, les ministres de l’Énergie espagnole, Teresa Ribera, et française, Agnès Pannier-Runacher, ont évoqué la création d’un groupe d’experts qui serait chargé de déterminer l’utilité de MidCat pour l’hiver 2023-2024. Mais c’est davantage vers un plan B que les promoteurs de MidCat pourraient s’orienter en recherchant des routes alternatives via la Méditerranée et l’Italie ou via l’Océan Atlantique pour contourner la France.
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