La collaboration entre Julie Birmant et Clément Oubrerie a commencé en 2012 sur la bande dessinée « Pablo ». En quatre tomes, ils racontent la jeunesse de Picasso à travers le récit de Fernande, sa compagne. En 2018, l’aventure recommence avec la trilogie « Renée Stones », le récit fictionnel d’une écrivaine et d’un aventurier en Éthiopie puis en Syrie dans les années 1930. Pour « Sud Ouest », ils reviennent sur leur travail de création.
Quel est votre lien…
Quel est votre lien à l’île d’Oléron ?
C.-O. : Cela fait maintenant plus de dix ans que j’ai une maison sur l’île. Je suis venu ici par hasard, j’aimais déjà la Charente-Maritime : Rochefort, c’est mythique pour moi qui suis un grand fan des « Demoiselles de Rochefort ». Je passe donc plusieurs mois par an à Oléron. J’ai besoin du calme et de la nature pour dessiner. Travailler constamment à Paris est donc impossible.
J.-B. : C’est Clément qui m’a fait découvrir. J’aime venir travailler ici avec lui. J’étais plus habituée à la Corse et à des paysages très tourmentés. À Oléron, tout est plat et calme. Je ne saurais pas l’expliquer mais c’est un endroit très propice à la création.
Dans vos BD, ce sont la plupart du temps les femmes qui sont les personnages principaux. Pourquoi ce choix ?
J.-B. : J’ai commencé la bande dessinée en faisant des portraits de femmes. Dans « Drôles de femmes », réalisée avec Catherine Meurisse, je me suis posé cette question : Comment peut-on réussir à mener sa vie en tant que femme en sortant des convenances sociales ? Ce questionnement revient dans la BD « Pablo ». Fernande, la compagne de Picasso, est une femme qui s’est affranchie des différentes prisons qu’on lui a imposées pour vivre une vie de bohème libre. Ensuite, j’ai choisi de raconter Picasso à travers le récit d’une des femmes qu’il a connues car peu l’on fait. C’est un sentiment de justice à rendre. Les femmes pour Picasso ont été essentielles à sa construction. Je remets la relation amoureuse au centre de l’art. Je montre comment le désir est moteur dans la création.
C.-O. : Ce n’est pas vraiment un choix conscient pour moi. C’est surtout une histoire de hasard. Souvent les scénaristes avec lesquelles je travaille : Marguerite Abouet, Julie Birmant et plus récemment Leïla Slimani racontent des histoires avec des personnages féminins. Cela me convient car lorsque l’on dessine, on devient le personnage : c’est plus exotique pour moi de me mettre dans la peau d’une femme, ça me permet de voyager davantage.
Clément Oubrerie, vous dessinez des univers et des époques très différents. Est-ce que votre dessin évolue et s’adapte en fonction des sujets ?
C.-O. : Oui, bien sûr, je ne vais pas refaire éternellement la même chose. J’essaye de me former à de nouvelles techniques. Pour « Pablo », j’ai dessiné au crayon et au fusain. Pour « René Stones », c’était au pinceau et à l’encre de Chine. Pour « Pablo », j’ai aussi fait coïncider la technique à l’époque. Dans les années 1900, c’était la période des académies de peinture. Tous les étudiants commencent leur formation en faisant des croquis de modèle au fusain.
Juliette Birmant, comment le personnage de « Renée Stones » est né ?
J.-B. : Renée Stones a été influencée par deux personnages historiques. D’abord, je me suis inspirée d’Agatha Christie : Renée Stones est une écrivaine décalée et toujours prête à l’aventure. Mais il lui manquait le côté héroïne de bande dessinée. Ma deuxième inspiration est donc la muse du photographe Jacques Henri Lartigue, Renée Perle. C’était une femme absolument sublime et Renée Stones a gardé son nom.
Qu’est ce qui vous plaît dans votre collaboration ?
J.-B. : C’est l’osmose qui existe entre nous. J’étais en phase avec son univers et c’est très important dans la BD où les projets sont très longs. Il y a une vraie jouissance à voir son scénario se transformer en images. Lorsque Clément dessine, une passion naît avec le personnage, ce qui suscite un emportement dans le dessin. Certains dessinateurs n’en sont pas capables et leur dessin reste froid. C’est cet élan que j’essaye de susciter chez lui quand je crée mes personnages.
C.-O. : Julie Birmant, c’est un mélange entre une fantaisie extrême, un humour très particulier et une grande curiosité scientifique. C’est quelqu’un qui peut travailler pendant deux ans sur un sujet pour lire tout ce qui existe dessus avant d’écrire le scénario. Elle absorbe énormément de données et de matières et arrive à restituer quelque chose de très personnel. Dans « Pablo », on ne perçoit pas tout ce travail, il ne s’agit pas de faire une démonstration de culture générale mais de faire vivre une histoire.

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