Les petites et moyennes localités n’échappent plus au marasme ambiant. Ceci n’empêche pas les prix de flamber dans certaines villes comme Al Hoceima ou encore Tiznit. La clientèle MRE et étrangère est en retrait depuis quelques années.
Le secteur immobilier est en berne depuis plusieurs années. Tous les professionnels s’accordent à affirmer que le marché peine à redécoller après l’euphorie des années 2000. Et bien que quelques transactions égayent de temps à autre le moral des promoteurs, elles demeurent insuffisantes pour confirmer une réelle reprise. Cette tendance est particulièrement visible dans les principales villes du pays (Casablanca, Rabat, Marrakech, Tanger…). Qu’en est-il des villes de taille plus modeste ? Afin d’y apporter une réponse, La Vie éco a sondé des experts immobiliers opérant dans le nord, le centre et le sud du pays.
Jusqu’à 30 000 DH/m2 à Al Hoceima
Si les petites et moyennes localités se démarquaient par un certain dynamisme il y a quelques années, ce n’est plus le cas actuellement. En effet, cela fait pratiquement deux ans que le marché immobilier est léthargique. Et aucune ville n’est épargnée par le marasme ambiant. Et pourtant, de manière ponctuelle, les prix flambent par endroits.
A Al Hoceima par exemple, l’activité immobilière est en stagnation. Les transactions se font rares, mais les prix ne cessent d’augmenter.
«Il faut dire que l’offre est limitée en raison de la situation géographique de la ville. Elle est en effet entourée de zones montagneuses, ce qui la rend inextensible en matière immobilière. Même les terrains fonciers n’y existent presque plus», explique un professionnel du marché. Conséquence : des prix en hausse à cause de la rareté des biens et une demande assez forte. Le prix du mètre carré se situe entre 9 000 et 10 000 DH pour les appartements et peut atteindre jusqu’à 20 000 ou même 30 000 DH au centre-ville, dans les quartiers huppés. Un niveau de prix jamais vu auparavant, semblable à celui de Casablanca dans les quartiers de Casa Anfa et Triangle d’or.
Par ailleurs, conscients que le marché est en train d’atteindre ses limites, certains promoteurs qui opèrent à Al Hoceima sont partis à la conquête d’autres marchés dans le nord du pays essentiellement.
Les régions voisines d’Al Hoceima commencent à se développer progressivement. Il s’agit essentiellement d’Imzouren et Beni Bouayach. «Alors que ces agglomérations étaient convoitées par ceux qui cherchaient un logement à moindre prix il y a 20 ou 30 ans, elles attirent actuellement de plus en plus d’acquéreurs et de promoteurs d’horizons divers», assure un professionnel. Plusieurs projets immobiliers y voient le jour, surtout qu’une nouvelle route a été créée dans le cadre du plan d’aménagement de la ville pour relier ces villes satellites à Al Hoceima. D’autres agglomérations entament également leur ascension immobilière, en l’occurrence Aït Qamra. Celle-ci dispose déjà d’une zone industrielle et sera dotée d’une université ainsi que d’un stade. De nouvelles routes de liaison ainsi que de nouveaux équipements y sont prévus, ce qui devrait entraîner un développement de la région. «Actuellement, les terrains se vendent au mètre carré alors qu’ils étaient commercialisés à l’hectare. Les intéressés affluent sur cette région à vue d’œil et les prix ne cessent d’augmenter», souligne notre source. Ce qui n’est pas surprenant quand on sait que la zone où était situé le Club Med (racheté par la CDG pour y réaliser un projet touristique) commence également à attirer et à prendre de la valeur. Cependant, ce développement se caractérise par des prix sans aucune logique. «En fonction des besoins, un propriétaire peut céder le bien à 2000 DH/m2, comme il peut le vendre à 5000 DH», caricature notre agent immobilier.
Dans cette ville, le marché est également en stagnation. L’offre est abondante mais la demande ne suit pas forcément.
Nador plombée par l’effet Hirak

Dans cette ville, le marché stagne. Et pour cause, «les MRE, connus pour leur dynamisme immobilier ne sont plus aussi intéressés par des investissements dans la pierre. Compte tenu du Hirak, ils ont levé le pied», se désole un opérateur du secteur immobilier dans la ville.
Même l’activité de promotion immobilière piétine. A cause du sentiment d’instabilité dans la région à un certain moment mais aussi du fait du manque de foncier et d’une particularité frappante dans toute la région de l’Oriental: celle de l’autoconstruction. Si opportunité d’offre d’un terrain il y a, elle est souvent saisie par des particuliers qui préfèrent faire construire une maison traditionnelle. «Depuis 2016, l’activité a baissé de moitié», relève un agent immobilier. Et d’ajouter : «Un certain renversement de tendance est remarqué au niveau de l’agence : les résidents s’intéressent davantage à l’achat immobilier dans la ville, ce qui n’était pas le cas trois années auparavant».
En dépit de ces conditions, les prix se maintiennent à leur niveau, sachant qu’ils avaient augmenté de plus de 20%. Ils se situent entre 7 500 et 8 000 DH/m2 dans des quartiers moyens comme Nador Jdid ou Hay Al Matar et entre 4 000 et 6 000 DH/m2 dans d’autres quartiers, comme Derb Zghenghen.
Quid du centre du pays ?

Cap vers le centre, autour de la région de Beni-Mellal. La situation reste inchangée, sauf que la tendance précitée est plus confirmée. «Au moment où la communauté des Marocains installée à l’étranger a mis sa décision d’acquisition en stand by, les locaux ont pris le relais», remarque un commercial dans une agence immobilière. Même si la situation s’est nettement améliorée en Europe depuis la sortie de la crise économique de 2008, les MRE restent prudents quant à leur investissement.
Dans ces conditions, les promoteurs immobiliers modèrent leur activité ainsi que leur politique tarifaire. Des appartements de standing sont commercialisés à partir de 5 000 DH/m2 et peuvent atteindre jusqu’à 8 000 DH/m2. Et si les prix sont en stagnation, c’est également en raison de la nature de la ville qui, de par sa vocation, se trouve entourée de terrains agricoles. Son extension s’en voit limitée et, partant, l’assiette foncière urbaine se fait de plus en plus rare.
Pour y remédier et dans le cadre de la politique d’urbanisme de la ville, les autorités ont opté pour une extension verticale. Des R+8 sont autorisés actuellement alors que la limite était de R+3 dans les principales artères de la ville.
Mis à part l’extension verticale de la ville, les investisseurs dans le secteur immobilier, qu’ils soient opérateurs ou futurs acquéreurs, s’orientent vers d’autres zones, dont notamment Fqih Ben Saleh, notamment du fait de son activité économique de plus en plus galopante. En plus de l’OCP et de Jibal, d’autres entreprises s’y sont installées, augmentant ainsi l’attractivité de la région. Les prix des biens immobiliers n’y ont pas vraiment grimpé, mais il n’est pas exclu qu’ils augmentent au fur et à mesure de la croissance de l’activité économique. Ainsi, les appartements de standing coûtent en moyenne 5 000 DH/m2. Par ailleurs, cette petite ville se caractérise par une abondance de terrains fonciers. De quoi satisfaire les adeptes de l’autoconstruction, toujours dominante dans la région même si une évolution des habitudes commence à s’y opérer, en intégrant progressivement les biens déjà construits.
Souss, ça ne redémarre pas
Campagne de communication, baisse des prix… Rien n’y fait, les promoteurs publics et privés ont du mal à séduire les ménages à la recherche d’un habitat dans les petites et moyennes villes du Souss. «Depuis 15 ans le marché, d’une manière globale, est morose et les petites et moyennes localités du Souss n’échappent pas à cette conjoncture difficile», indique Moulay Ahmed Drissi, agent d’affaires en immobilier.
On est bien loin en effet du temps où l’engouement des étrangers et des MRE dopait le secteur immobilier. Les premiers à la recherche d’exotisme et de soleil, les seconds préparant la retraite et un retour au pays. Mais tout cela semble révolu. Aujourd’hui, la nouvelle génération de MRE n’a visiblement plus pour priorité d’investir au bled comme les parents ou grands-parents. On retiendra toujours que nombre de petites et moyennes villes à Souss-Massa, telles que Tiznit, ont longtemps bénéficié de cet engouement et se sont particulièrement développées à travers cet élan. Dans d’autres, telles que Taroudant ou encore Mirleft, ce sont les investisseurs étrangers, particulièrement des Français, qui ont tiré vers le haut pendant quelques années les ventes du secteur immobilier résidentiel. Mais nos petites et moyennes villes n’attirent plus cette catégorie d’acheteurs. «Elles ne sont surtout pas assez attractives économiquement pour susciter la demande et attirer une nouvelle catégorie d’acheteurs, ou encore retenir les nouvelles générations», souligne Abdallah Boulghmair, agent d’affaires et consultant en affaires immobilières.
Un petit tour d’horizon à travers le Souss permet de constater que pour l’heure la croissance du secteur immobilier dans les petites et moyennes villes du Souss est en berne.
Inezgane-Aït Melloul saturé
A 10 km d’Agadir, la préfecture d’Inezgane-Aït Melloul, connue pour être le poumon économique de Souss-Massa à travers ses activités commerciales et industrielles, est un marché immobilier saturé, juge My Ahmed Drissi. Il n’y a en effet plus un terrain de vide pour y lancer une nouvelle opération de lotissement ou un nouveau projet résidentiel ou commercial. «C’est aussi un marché de particuliers qui préfèrent le lot de terrains», lance Abdallah Boulghmair. Mais aujourd’hui les lots de terrains dans le lotissement Rmel trouvent difficilement acheteurs à 3 000 DH/m². Le marché stagne et le référentiel mis en place avec des prix plus élevés que ceux pratiqués aujourd’hui a pour effet de rebuter vendeurs et acheteurs. C’est du moins ce qu’indiquent les agents immobiliers. Après Agadir, Inezgane-Aït Melloul est en effet la deuxième préfecture de Souss-Massa où est appliqué désormais un référentiel des prix du m² pour le calcul de l’impôt lors des transactions immobilières.
Dans la préfecture d’Inezgane-Aït Melloul, les constructions informelles sont aussi un phénomène qui porte atteinte au marché de l’habitat réglementaire. A Khmiss Aït Amira (sur la route de Tiznit), il a atteint, selon nombre d’observateurs et acteurs économiques, des proportions incroyables. Des bidonvilles en dur nouvelle génération côtoient les serres de primeurs. A tel point que les rares promoteurs qui se sont hasardés à y réaliser des projets immobiliers ne savent pas quoi en faire. C’est ce qui a poussé la société Al Omrane Souss-Massa à tenter de trouver une issue avec les coopératives agricoles, pour un projet immobilier de 300 appartements réalisés depuis 4 ans dans le cadre du programme des logements à 140000 DH. Mais pour lesquels il n’y a pas preneur. L’offre résidentielle devrait être cédée aux coopératives agricoles qui la proposeront à la location à leurs saisonniers.
Taghazout ou Mirleft ?
En matière de projets immobiliers, Taghazout, la future destination touristique phare du pays, à 20 km d’Agadir, abrite aujourd’hui un des projets des plus cotés dans la région. Composée de villas et d’appartements de luxe, avec vue sur l’océan, l’arganeraie ou encore le golf de la localité, l’offre résidentielle de Taghazout Bay a de quoi séduire. Ce sont surtout les Gadiris à la recherche d’une maison secondaire en front de mer qui constituent le plus gros de la demande, selon un agent immobilier.
Cette petite localité au Sud d’Agadir, à 139 km de la capitale du Souss, est un véritable lieu de dépaysement pour se ressourcer avec une magnifique façade Atlantique très prisée. De 2002 à 2008, la niche de maisons secondaires s’est quelque peu développée dans la ville. Mais l’enthousiasme des acheteurs a baissé depuis. Aujourd’hui ceux qui ont investi dans la localité ont du mal à écouler leur offre. Selon un promoteur, les affaires juridiques de spoliation foncière au Maroc, dont s’est fait écho même la presse étrangère, découragent aujourd’hui les acheteurs étrangers.
«L’exception» Tiznit
A 44 km d’Agadir, la ville d’Oulad Teïma est au cœur de la première zone agrumicole du Souss. Elle abrite donc en majorité des propriétaires terriens disposant de fermes et des travailleurs saisonniers. Les uns comme les autres ne sont pas véritablement à la recherche d’un habitat à acheter. Il y a donc très peu de projets immobiliers dans la zone.
A Tiznit, plus de 30% de ce qui est bâti dans cette petite ville du Sud est du fait des MRE, avance Abdallah Boulghmair. C’est ainsi que l’immobilier dans la localité s’est développé à travers l’aménagement de petits lots, les particuliers de la zone et notamment les MRE étant plus à la recherche de maisons individuelles. Dans la localité, on compte également des promoteurs privés connus, mais ici également le marché est en récession même si comparativement aux autres petites et moyennes villes du Souss, un acteur de l’immobilier considère que Tiznit fait exception à travers un équilibre précaire entre l’offre et la demande. Sur le plan de l’offre, on enregistre notamment une offre à des prix entre 4 000 DH et 7000 DH voire 10 000 DH le m². Mais les ventes sont sporadiques.
Même son de cloche à Taroudant. «J’ai depuis 4 ans à Taroudant une belle villa à vendre avec un grand terrain au prix de 2,5 millions de DH, mais la demande est quasi absente», indique un agent immobilier. C’est dire la situation du marché à Taroudant. A 100 km d’Agadir, cette petite ville a pendant longtemps, notamment de 1997 à 2010, été prisée par les étrangers, particulièrement des retraités français. Bien que connue pour abriter mondialement des demeures princières ou de personnes renommées, la localité enregistre également une forte chute de la demande. Aujourd’hui, dans la ville, l’opérateur public Al Omrane a programmé une opération de 400 logements sur 40 ha dans la localité de Lastah.
Cette situation morose du secteur immobilier à Souss-Massa a bien sûr un impact important sur l’activité des agents immobiliers qui sont aussi confrontés au phénomène des intermédiaires informels. En outre, les agents immobiliers déplorent le retard du projet de loi visant à réglementer la profession. Depuis février 2014, un texte a été élaboré par l’Association marocaine des agents immobiliers (AMAI), en collaboration avec le ministère de l’habitat et de la politique de la ville. Mais, depuis, le dossier semble au point mort. Aujourd’hui, ils disent souhaiter aussi une collaboration rapprochée avec les promoteurs pour prendre en charge la commercialisation des programmes immobiliers.
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