Challenges Entreprise
Par Vincent Lamigeon le 19.10.2017 à 07h00 Lecture 5 min.
Deux fois plus grande que le Madison Square Garden de New-York, la nouvelle salle géante de la Défense accueillera à la fois des spectacles et les matches du Racing 92. Un pari à 380 millions d’euros pour le patron du club Jacky Lorenzetti, après neuf ans de combat.
Deux fois plus grande que le Madison Square Garden de New-York, la nouvelle salle géante de la Défense accueillera à la fois des spectacles et les matches du Racing 92. Un pari à 380 millions d’euros pour le fondateur de Foncia.
Les riffs de guitare de Keith Richards, les aboiements de Mick Jagger et la rythmique au cordeau de Charlie Watts. Difficile d’imaginer plus belle inauguration pour la U Arena que les trois concerts des Rolling Stones prévus du 19 au 25 octobre dans la nouvelle salle de la Défense. Avec 40.000 places en configuration maximale, cette arène totalement couverte en forme de U (d’où son nom) est un peu la salle de tous les records : deux fois plus grande que l’AccorHotels Arena de Bercy et que le légendaire Madison Square Garden de New York, elle intègre une toiture de 6.100 tonnes (plus de la moitié de la Tour Eiffel) et le plus grand écran géant du monde  (2.400 m2). "Elle bénéficie aussi d’une acoustique signée du spécialiste Jean-Paul Lamoureux, déjà à l’œuvre sur la Philharmonie de Paris et la Seine musicale de l’île Seguin, souligne Christian de Portzamparc, l’architecte du projet. C’est vraiment un lieu sans équivalent."
Si la salle s’annonce comme un écrin de choix pour le Racing 92, le club présidé par Jacky Lorenzetti, n'allez pas résumer la U Arena à un simple stade couvert. "C’est une salle de spectacle, dans laquelle on organise aussi des matches de rugby, corrige l’ancien patron de Foncia, grand artisan de ce projet à 380 millions d'euros. Je pensais à cette solution dès le rachat du Racing en 2006, car il est extrêmement difficile de rentabiliser un stade avec le seul rugby. Il fallait voir plus large." Plus que sur le ballon ovale, le modèle économique du site repose donc avant tout sur les grands shows : Jacky Lorenzetti espère 25 spectacles par an, pour seulement une quinzaine de matches de rugby.
Les débuts sont encourageants. Outre les trois concerts des Stones, l’Arena accueillera le test-match entre le XV de France et le Japon le 25 novembre, un concert du leader de Pink Floyd Roger Waters en 2018, et les épreuves de gymnastique des JO de 2024. "On se donne trois ans pour atteindre le rythme de croisière, explique Philippe Ventadour, DG de Lililo, la société en charge de la commercialisation de l'Arena, ancien patron de l'AccorHotels Arena rappelé de sa retraite par Jacky Lorenzetti. Pour l'instant, la priorité est déjà d'expliquer aux producteurs les possibilités incroyables de ce lieu. En ce moment, je passe mon temps à faire des dessins !"
Le développement du projet fut pourtant loin du fleuve tranquille. Premier défi : trouver le terrain. Après avoir envisagé de rénover son antre historique de Colombes, le vétuste stade Yves-du-Manoir, Lorenzetti écume tous les sites disponibles en Ile-de-France, de Marne-la-Vallée à Thiais, de Ris-Orangis à Saint-Ouen. Jusqu'à un coup de fil du président du conseil départemental des Hauts-de-Seine, Patrick Devedjian, qui signale au PDG du Racing 92 la disponibilité du terrain des Bouvets, situé sur la commune de Nanterre, à quelques pas de la Grande Arche. "Avec 200.000 CSP+ à proximité et une excellente desserte par les transports en commun, c’était le choix idéal, raconte le patron du Racing. D'autant plus que dans quelques années, en plus du RER A et de la ligne 1 du métro, la Défense sera desservie par le RER E, et la ligne 15 du métro."
Le foncier trouvé, il faut financer l’Arena. Lorenzetti décide de se lancer seul, sans partenariat public-privé, ni aucun investissement direct des pouvoirs publics. Pour amortir la facture, estimée à 380 millions d’euros, l’ancien patron de Foncia décide juste d'ajouter à son projet 31.000m2 de bureaux, qu’il met sur le marché. Ca tombe bien, les Hauts-de-Seine cherchent un nouvel immeuble pour rassembler 1 500 agents répartis sur plusieurs sites. Le président du département, Patrick Devedjian, tope finalement en 2013, un chèque de 170 millions d’euros à la clé. "Une superbe affaire, réalisée en bas de cycle, se félicite l’ancien député. Cela a aussi permis que ce magnifique projet pour la Défense aboutisse, ce qui est un vrai plus dans le contexte du Brexit. On a mis de la vie dans ce qui était un vilain bourbier entre deux cimetières (Puteaux et Neuilly)." 
Les 210 millions restants seront pris en charge par Jacky Lorenzetti, moitié sur ses deniers propres, moitié par emprunt bancaire. Après une compétition rassemblant le gratin des architectes et du BTP, le contrat est attribué au cabinet Portzamparc, associé à Vinci. "L'Arena a été lancée et financée par un homme seul, quand tous les projets de ce type sont portés par l'Etat ou les collectivités locales, salue Christian de Portzamparc. C'est vraiment remarquable."
Il faudra deux ans pour écluser les 21 recours contre le permis de construire déposés par les riverains. "J'ai encore chaud rien que d'y penser, mais je dois reconnaître que cela nous a permis d'améliorer le projet", reconnaît Lorenzetti. La première pierre de l'Arena est posée en janvier 2014, avec l'objectif de boucler les travaux en trois ans. Doux rêve : la faillite d’un sous-traitant italien, en charge de la structure du toit, oblige Vinci à reprendre le travail en direct, avec l’appui des groupes Fayat et ArcelorMittal. Mais des défauts constatés en radiographiant les poutres géantes contraignent le groupe à les refaire. "On a songé à baisser les bras, reconnaît Lorenzetti. Ca n'a pas duré longtemps."
Bilan : neuf mois de retard par rapport au calendrier prévu, des pénalités exigées par le Conseil départemental, et des surcoûts massifs pour Vinci qui, de sources concordantes, aurait bouclé le projet sur une perte nette. "Quand je les écoute, j’ai l’impression que leur larmes vont remplir la Méditerranée, rigole Jacky Lorenzetti. Mais il faut saluer leur travail : l’Arena est une vraie prouesse de l’ingénierie française." Mick Jagger et ses ouailles seront les premiers à en juger.

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