Santé Les accusations de viols relancent le débat sur la relation patiente-gynéco
FEMMES La Secrétaire d’Etat Chrysoula Zacharopoulou, gynécologue, est accusée de viols et de violences. Une affaire qui relance le débat sur ces termes, mais aussi sur la relation entre une patiente et sa (son) gynéco
Le sujet suscite beaucoup de crispations depuis une semaine. Deux plaintes pour viols et une plainte pour violences visent la secrétaire d’État Chrysoula Zacharopoulou. Cette gynécologue spécialiste de l’ endométriose travaillait à l’hôpital Tenon, à Paris, dans le service d’ Emile Daraï, mis en cause par 25 patientes.
Certains gynécologues se sont alarmés de l’emploi du terme « viol » pour parler d’un examen gynécologique traumatisant. Et au-delà de la question du vocabulaire ou du droit, c’est la question de la relation entre gynécologue et patiente qui revient sous le feu des projecteurs.
Si la question des violences gynécologiques et obstétricales a explosé au cours des dix dernières années, et que plusieurs gynécologues hommes ont été accusés de viols, il est rare qu’une femme fasse l’objet d’une telle plainte. « On commence à être très inquiet de cette assimilation entre gynécologue et violeur, entre examen médical et viol, insiste Joëlle Belaisch-Allart, présidente du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). Cela va trop loin et représente une menace pour les gynécos, qui ne veulent plus choisir cette spécialité, ou ne vont plus réaliser ces examens. Et des patientes vont avoir peur. Pour faire de la prévention du cancer du col de l’utérus, il faut faire un frottis, qui nécessite un speculum. On craint de se retrouver face à des pathologies prises trop tard par manque de suivi. »
Une réaction pas la hauteur des enjeux, selon les associations de patientes. « Cela inverse un peu la culpabilité, relève Sonia Bisch, présidente de l’association Stop aux violences obstétricales et gynécologiques. La défiance n’est pas entraînée par les témoignages, mais parce qu’il y a des violences. On n’est pas en train de dire que tous les médecins sont comme ça ! Le collège aurait pu axer sur les bonnes pratiques plutôt que de trouver comment se préserver de plaintes et rester dans la protection des pairs. »
Le fait de prendre quelques secondes pour s’assurer que la patiente est d’accord, prête avant un toucher vaginal qui n’a aucune espèce d’urgence, est-il trop chronophage ? « L’immense majorité des médecins le font, se défend la présidente du CNGOF. Sans doute y a-t-il une minorité de gynécos qui ne le font pas, mais faut-il les qualifier de violeurs ? C’est de la malveillance, pas un crime. Il n’y a pas de notion volontaire de perversité. Il faut que les médecins en question changent, on a entendu ce que nous disent les femmes. »
Ce dont certaines associations doutent. « Le débat sur un soi-disant faux ou vrai viol, extrêmement douloureux pour les victimes, n’est pas du tout le sujet, reprend Sonia Bisch. On est d’ailleurs défendues sur les réseaux sociaux par des victimes de viols et Muriel Salmona, spécialiste de la mémoire traumatique. Dans la loi, la définition du viol, c’est une pénétration avec surprise, violence ou menace, l’intention sexuelle perverse n’est pas écrite *. Dans les témoignages qu’on reçoit, c’est vraiment l’acte violent qui entraîne un trauma, indépendamment de la volonté de nuire ou pas. Si une personne hurle et dit “stop” pendant un toucher vaginal, continuer, ce n’est pas pour la soigner ! »
Quand Isabelle Derrendinger, sage-femme, parle de sa pratique, elle prouve que respecter le droit des patientes n’a rien d’insurmontable. « La plupart des plaintes des patientes sont liées à une absence d’information, précise la présidente de l’Ordre des Sages-femmes. Adopter une décision médicale partagée, c’est simplement expliquer les motifs d’un examen, le proposer, attendre le consentement, prévenir qu’elle peut le retirer à tout moment. Tout au long de l’examen, j’explique ce que je suis en train de réaliser. On a des contraintes de temps abominables, mais elles ne nous permettent pas de nous affranchir de l’information et du consentement ! » Ce que la loi Kouchner de 2002 impose par ailleurs.
« Le débat sur ce mot de “viol” existe et ce serait dommage de ne pas le mener, souligne Anne Evrard, vice-présidente du Ciane. Mais la qualification risque d’être limitante puisqu’elle assimile à un prédateur sexuel. » Si pour elle, faire reconnaître le préjudice reste important, l’objectif n’est pas seulement de punir une poignée de gynécos maltraitants, mais de réformer la relation soignant-soigné. « C’est plus simple de se dire il y a quelques brutes épaisses que de dire : la médecine a construit un système où la violence s’explique, pas parce que le praticien est déviant, mais parce qu’il est représentatif du système dans lequel il évolue. »
Faut-il en passer par une loi qui définirait précisément ce qu’est une violence gynécologique ? « Cela ne réglerait pas le problème, prévient Anne Evrard. Il faut aborder la formation, la manière dont les internes sont eux-mêmes respectés pendant leurs stages, le savoir-être du soignant… »
Alors, faut-il faire signer un papier pour s’assurer du consentement de la patiente avant un examen ? Inutile, puisque les patientes peuvent le retirer à l’oral à tout instant. « Le problème est que certains médecins ne voient pas le vagin comme sexuel, assure Sonia Bisch. Peut-être parce qu’ils en voient toute la journée. » Afin que le point de vue des patientes soit mieux pris en compte, elle prône une meilleure formation des soignants sur la notion de consentement, le respect du droit et la parole des femmes qui viennent consulter.
Pour toutes les parties prenantes, il est grand temps de faire avancer le dialogue. « On demande un partage du pouvoir pour que les patientes soient vues comme des partenaires de leur santé, reprend Sonia Bisch. Si on visibilise ces violences gynéco, c’est pour que notre médecine soit au service des patientes et non l’inverse, avec des épisiotomies et des déclenchements pour gagner du temps, des examens toute nue ou des frottis pas nécessaires… » Or, quand le CNGOF a écrit sa charte de bonne conduite, qu’il met en avant aujourd’hui, il n’a pas pris en compte les desiderata du collectif de patientes… qui a du coup démissionné.
Preuve que les choses évoluent : le CNGOF appelle dans sa tribune à un grand débat réunissant non seulement des médecins, gynécologues, sages-femmes, urologues, gastro, mais aussi des avocats, magistrats, associations de patientes, pour « trouver une solution ». Une bonne idée pour le Ciane et Stop VOG. « Quelle que soit la suite de l’instruction concernant la secrétaire d’Etat, c’est l’occasion de rappeler aux patients leurs droits et aux professionnels de santé, notamment dans le champ de la gynéco, que les droits de patients, c’est le devoir des soignants », insiste Isabelle Derrendinger. D’ailleurs, dans l’école de sages-femmes qu’elle dirige, à Nantes, les patientes participent aux cours sur le droit des patientes depuis quelques années. « Mais il faudrait que cela se fasse dans toutes les écoles », plaide-t-elle. Et dans les facultés de médecine…  
* La définition exacte étant : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, (…) commis sur la personne d’autrui (…) par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol ».
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