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À l’heure de la crise climatique, écologique, économique et énergétique, y a-t-il encore une place pour l’innovation dans l’habitat neuf ?
Robin Rivaton- Nous sommes à un moment charnière. Du fait de la crise sanitaire qui a accéléré un mouvement de décohabitation, le besoin de logements est encore plus important qu’avant. Or la production montre des signes de faiblesse.
Une véritable pénurie du foncier est organisée par les pouvoirs publics. Le zéro artificialisation nette (ZAN) en est le meilleur exemple. C’est un objectif à 2050 fixé par la loi climat et résilience. Cet objectif inscrit dans le plan biodiversité de juillet 2018 avait été accompagné de plusieurs publications tapageuses sur le rythme d’artificialisation, notamment l’idée qu’une surface foncière équivalente à un département serait consommée tous les 8 ans. En réalité, sur la période 2006-2018, selon la base européenne CORINE Land Cover, le rythme de l’artificialisation serait plutôt un département tous les 21 ans. Le ZAN est l’une des décisions les plus engageantes prises pour l’avenir de notre pays, d’autant plus qu’il semble vouloir être appliqué dans de nombreux endroits en avance sur l’objectif de 2050, sans un vrai débat sur ses conséquences.
Dans le même temps, la densification qui devrait être le miroir positif du ZAN n’est pas au rendez-vous. Les plans locaux d’urbanisme (PLU) ne sont utilisés qu’à 65 % de leur capacité en France selon la Fédération des promoteurs immobiliers. Et ces PLU ont tendance à être de moins en moins ambitieux en termes d’occupation des sols.
Parallèlement, la réglementation environnementale applicable aux bâtiments neufs ne cesse de se durcir avec la RE2020 dont le surcoût est évalué entre 10 et 15 % par rapport à la situation antérieure de la réglementation thermique RT2012. Sans même parler de la mission sociale de la construction neuve. La part d’un programme neuf réservé à l’habitat social est vendue à un prix moindre que la part vendue à des particuliers. En outre, les injonctions sur la qualité de la programmation, hauteur sous plafond, espaces extérieurs, luminosité se multiplient à la suite du rapport sur la qualité du logement remis à l’ex-ministre Emmanuelle Wargon, l’aménageur Laurent Girometti et l’architecte-urbaniste François Leclercq. Vous rajoutez à cela la hausse des taux d’intérêt et vous comprenez que l’accession à la propriété dans le neuf va coûter de plus en plus cher et devient donc le privilège d’une élite.
Dans ce contexte, l’innovation pourrait être une réponse mais elle dépend trop des réglementations et des goulots d’étranglement des politiques de l’urbanisme et de la construction, l’empêchant de penser en rupture.
L’innovation devrait au moins être au rendez-vous sur les matériaux de construction…
R.R. Le coût de construction représente aujourd’hui en moyenne la moitié du prix d’un logement. Ce coût a été impacté par la perturbation des chaînes logistiques à cause du Covid, avant d’être balayé par la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine. Un risque de pénurie a pointé pour certains matériaux comme les céramiques, les huisseries en aluminium ou la faïence.
Les matériaux de construction ont toujours été un puissant facteur d’amélioration de la qualité des bâtiments. Dans ce contexte, on pourrait se dire que c’est l’occasion inespérée de tester des méthodes ou produits nouveaux. La réalité est différente. Quand tout tangue, on a plutôt tendance à se rassurer sur ses bases et donc revenir à des procédés constructifs maîtrisés.
Néanmoins, la RE2020, ainsi que la taxonomie européenne, vont pousser les promoteurs à tester de nouvelles solutions. J’espère que la construction industrialisée pourra y trouver une opportunité pour se développer dans notre pays. Nous restons très en retard par rapport à nos voisins sur ce mode constructif alors qu’il est un élément de maîtrise des coûts même s’il requiert des investissements initiaux, investissements initiaux qu’il est difficile de planifier alors que le contexte macroéconomique bascule en récession.
Qu’en est-il de la transformation numérique ?
R.R. Dans la promotion immobilière, il s’agit encore principalement de livrer un actif physique, même si de plus en plus de promoteurs s’interrogent sur le fait de mettre des éléments mobiles à disposition (meubles, équipements…). Je rappelle souvent que dans l’immeuble haussmannien, on trouve ces plaques en marbre au-dessus des radiateurs en fonte. Un accessoire qui peut sembler anodin mais qui transforme en commode ces équipements. Il est ainsi toujours possible d’imaginer des banquettes sous les fenêtres et des secrétaires dans les halls d’entrée pour en faire des bureaux. De la même façon qu’une réflexion est menée sur les meubles escamotables, c’est-à-dire toute cette literie dans le mur ou en hauteur. Si ces idées ne sont pas portées par les promoteurs, elles s’inviteront de plus en plus dans leur façon de construire. L’autre grand sujet c’est la personnalisation. L’achat d’un appartement neuf est un acte engageant, qui demande une forte dose de confiance. Acheter sur plans en attendant jusqu’à 30 mois, à l’heure de nos vies personnelles et professionnelles toujours plus heurtées, est un exercice audacieux. Or cet achat a longtemps empêché toute personnalisation. La transformation numérique avec des outils de visualisation immersive et d’interaction plus forte avec les fournisseurs de matériaux permet d’entrouvrir un peu le corset. Mais soyons bien conscients que les sujets numériques sont relégués au second plan derrière les problèmes de terrain et de foncier et que tout cela stérilise les initiatives.
Pourquoi ?
R.R. En laissant le foncier capturer l’ensemble de la valeur économique, rien ne permet de pousser les sujets d’innovation. Plus l’offre se raréfie, plus les prix augmentent et, mécaniquement, moins les achats sont nombreux. Autrement dit, le promoteur n’a aucun gain à innover. Il va vendre son programme mais n’aura pas intérêt à innover. Si l’on veut que l’innovation irrigue le secteur de l’immobilier neuf, il faut libérer le secteur. Les grands moments d’innovation du secteur sont ceux où la volonté de construire des autorités publiques a été forte. Je pense à l’épisode haussmannien. Dans un monde de production importante, en laissant la main aux promoteurs d’imaginer, cela s’est traduit par des appartements modernes répondant aux besoins du marché pour toutes les typologies de clients.
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