À la recherche de l’excellence dans une région qui s’est trop longtemps auto-condamnée à la modestie, Hervé Bizeul fait figure de locomotive, et d’exemple pour les vignerons les plus ambitieux. L’homme et son travail sont aussi, surtout, devenus des références mondiales pour les acteurs du secteur et les consommateurs des meilleurs vins de la planète. Après la tonitruante mise sur le marché de La Petite Sibérie, première AOP Côtes du Roussillon Villages, vendue 200 euros la bouteille, il persévère avec une quille à 360 euros, vite spéculée pour atteindre la vertigineuse somme de 2500 euros. Loin d’avoir été élaborée dans ce but, c’est plutôt la philosophie du vigneron qui a ainsi été mise en bouteilles.
Il y a bientôt 25 ans, c’est un Hervé Bizeul tout juste posé dans les Corbières, qui bouscule une viticulture catalane ronflante en propulsant un Côtes du Roussillon Villages, extrait d’un unique hectare, à 200 euros la bouteille. C’est peu dire que sa Petite Sibérie jette alors un froid dans le Landerneau.
"Qui est ce fou qui croit vendre un vin catalan 200 balles ?", entend-il sur son passage. "C’est vrai que ça disrupte la production locale !, s’amuse, aujourd’hui, ce sorcier des nectars. Certains pensent encore que c’est impossible, que personne ne peut acheter une bouteille de vin d’ici à ce prix. On en a vendu 50 000 en vingt ans". Pire (ou mieux, c'est selon), le millésime 2001, le premier, se négocie 875 euros les 75 cl et les Jéroboam suivants s’arrachent pour arroser baptêmes, mariages et surtout fêtes d’anniversaire millésimées.
Rien n’intéresse plus Hervé Bizeul que de challenger, voire disrupter, l’univers codifié, cadenassé, du vin. Dernier exemple : cette folie au nom érudit de "100 Phrases pour un Éventail". À peine 1 200 bouteilles qui font la nique aux Vosne-Romanée, jusque dans l’addition, passée de 360 à quelque 2 500 euros chez quelques spéculateurs (lire ci-dessous). "C’est comme être en finale des JO", s’enthousiasme le vigneron. Dont l’œil frise quand il confie déjà penser à faire mieux : "On a planté une vigne vers Tautavel qui pourrait être encore plus qualitative, on verra dans 6 ou 7 ans".

"100 phrases pour éventails", la cuvée phénomène dont des bouteilles s'échangent déjà 2 500 euros.
"100 phrases pour éventails", la cuvée phénomène dont des bouteilles s'échangent déjà 2 500 euros. L'Indépendant – Nicolas Parent

Insatiable, Hervé Bizeul, à l’origine aussi des best-sellers plus abordables "Les Sorcières", "L’Apprentie Sorcière" et "Modeste", aborde sa quête du bon et de l’excellence, à l’anglo-saxonne. "Je suis dans ce que les Anglo-Saxons appellent « hospitality » et qui regroupe l’art de l’hôtellerie, de la cuisine, de la réception. J’ai fait l’école hôtelière, j’y ai appris l’empathie avec le client, à être attentif à ses attentes et au plaisir ressenti. Il n’y a pas de fin à ça, explique-t-il. Quand les gens vous disent qu’ils feraient n’importe quoi pour avoir votre vin, c’est très gratifiant. C’est pour ça qu’il n’y a pas de limite"
Aller titiller les plus grands vins est ainsi devenu un sport à la pratique addictive. Dans les pas d’un Gauby qui vendait ses Syrah 70 euros la bouteille, il y a déjà 30 ans, "il n’a pas été suivi à l’époque, sinon on aurait été leaders mondiaux".
Bizeul croit au travail, à la méthode, à la rigueur plus qu’au terroir :  "C’est pas le terrain qui fait le vin, c’est l’homme", rabâche-t-il. Des mantras qui peinent toujours à trouver écho : "On ne peut pas forcer les gens à être fiers de leurs vins, moi je suis heureux de m’occuper de mon coin de vignes, je fais de mon mieux. Je n’ai pas réussi à être une locomotive, je suis un brise-glace".

Autour d’Hervé Bizeul, l’équipe du Clos des Fées réunie dans un salon du Bristol, à Paris, le 16 mai 2022.
Autour d’Hervé Bizeul, l’équipe du Clos des Fées réunie dans un salon du Bristol, à Paris, le 16 mai 2022. L'Indépendant – F. Michalak

J’ai déjà un compte
Je n’ai pas de compte
Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?

source

Catégorisé: