Des chasseurs du Bas-Rhin aident les agriculteurs à ne plus tuer de jeunes animaux avec les engins agricoles. Ils vérifient avec une caméra thermique installée sur un drone si des faons ou d’autres bébés animaux se trouvent sur les prés à faucher. Et le cas échéant, ils les mettent à l’abri.
A la fin du printemps, les prairies sont de véritables pouponnières. Les chevrettes, comme les hases, femelles du lièvre, y mettent bas et y cachent leurs petits. Et les faisanes y couvent leurs œufs.  
Mais la protection offerte par ces hautes herbes est trompeuse. Car lorsque de gros engins agricoles viennent les faucher, les bébés animaux n’ont aucune chance de leur échapper.    
Pour éviter ces massacres inutiles, une quinzaine de chasseurs du Grand Ried ont fait l’acquisition d’un drone équipé d’une caméra thermique. Et se mettent bénévolement à la disposition des agriculteurs qui leur en font la demande.  
Le jour prévu pour la fauche, les chasseurs font voler le drone au-dessus du pré. Si la caméra thermique repère la présence d’un animal, ce dernier est saisi délicatement et mis de côté, afin que la mère, restée à proximité, puisse le reprendre en charge.  
Ces derniers temps, avec quelques collègues chasseurs, Pascal Perrotey-Doridant se rend dans les champs presque tous les matins, “à 5 heures, avant d’aller au boulot.” Pour faire voler le drone par-dessus les prairies destinées à la fauche.  
Il est membre du Groupement de gestion cynégétique du Grand Ried de Beaumont, qui regroupe “une quinzaine de locataires de chasse du secteur d’Obenheim, Rhinau et Gerstheim.” Depuis trois ans, le groupement a acquis ce drone, destiné à aider les agriculteurs à ne pas tuer inutilement du petit gibier dès son plus jeune âge. 
 
Quand la caméra thermique survole le pré, rien ne lui échappe. Elle détecte la moindre chaleur corporelle, qu’elle retranscrit, c’est selon, par des taches vertes, jaunes ou rouges. Même celle “de tout petits levrauts, gros comme le poing” ou celle “d’un trou de rats” matérialisé sous la forme d’un point rouge.  
Dès qu’un animal est ainsi repéré, les chasseurs bénévoles s’en approchent. Certains faons, déjà assurés sur leurs pattes, prennent la fuite d’eux-mêmes. Mais généralement ils restent immobiles, espérant passer inaperçus.  
Quand vous les attrapez, la mère arrive aussitôt.

Les humains les enveloppent donc d’herbe, et les soulèvent pour les déposer à l’écart. Si nécessaire, sous un abri ou dans une petite cage. Mais la plupart du temps, la chevrette s’approche et reprend immédiatement ses petits en charge.
“Quand vous les attrapez, la mère arrive aussitôt” précise Pascal Perrotey-Doridant. “Elle reste à une vingtaine de mètres, et regarde ce qu’on fait.” Et si les petits sont capables de marcher, elle part avec eux.  

Rien que ces derniers jours, une demi-douzaine d’animaux a ainsi pu échapper à la mort. “3 faons de chevreuils sauvés et un lièvre. Bonne opération” écrit le chasseur droniste sur sa page Facebook le 24 mai dernier. Et le lendemain : “encore 4 de sauvés ce matin.”      

Les chevrettes affectionnent ces prairies, pensant qu’elles offrent un lieu sûr à leurs nouveau-nés. “C’est l’endroit où elles ont l’habitude d’aller, et comme les petits faons n’ont pas d’odeur, et qu’ils restent immobiles, elles savent que le renard ne pourra pas les voir ni les sentir. Pas plus que les corneilles ou les rapaces” précise Pascal Perrotey-Doridant.   
Mais cette mise en sécurité, valable au temps “des petits tracteurs et des parcelles plus petites”, est devenue illusoire, et dangereuse. Les énormes faucheuses agricoles, qui peuvent atteindre une dizaine de mètres de large, se transforment en grande faucheuse de la faune sauvage.  
Un agriculteur, en fauchant, avait coupé les pattes de deux faons. Les petits criaient et la mère leur tournait autour.

Depuis trois printemps, le drone des chasseurs du Grand Ried accomplit donc sa mission. Et les agriculteurs font volontiers appel à ses services, car ils sont “de plus en plus nombreux à refuser” de tuer involontairement des jeunes animaux.  
D’autant plus que, souvent, leurs machines les mutilent et les condamnent à une lente agonie. Pascal Perrotey-Doridant se souvient avec émotion des deux faons auxquels un agriculteur, en fauchant son pré, avait coupé les pattes. “Les petits criaient et la chevrette leur tournait autour”, sous le regard horrifié des élèves d’un collège tout proche.
Bien entendu, en contribuant ainsi à sauver de très jeunes animaux, les chasseurs y trouvent aussi leur compte. Car cela épargne leur futur gibier. “On rend service aux agriculteurs comme aux chasseurs” reconnaît Pascal Perrotey-Doridant.

“L’an dernier, un agriculteur a fauché sur ses parcelles neuf chevrillards (des petits chevreuils entre six mois et un an) et un adulte. C’est bête de détruire la faune comme ça” estime-t-il.  
Détecter la présence des animaux au moyen de drones est un procédé déjà connu en Suisse et en Allemagne. Il existe aussi des faucheuses équipées de capteurs. “Dès que celui-ci détecte une source de chaleur, la faucheuse se soulève” et épargne l’animal. Mais le prix reste assez dissuasif.  
En revanche, le groupement des chasseurs du Grand Ried commence à faire des émules. La Fédération des chasseurs du Bas-Rhin vient, elle aussi, d’acquérir un drone de ce genre, avec l’idée de développer des actions similaires au niveau de tout le département. “C’est chronophage, il faut y mettre les moyens” reconnaît Pascal Perrotey-Doridant. Mais ça en vaut la peine.

source

Catégorisé: