Fils d’éleveurs de chèvres, Maxence Fleygnac a travaillé trois ans pour la Chambre d’agriculture de Nouvelle-Calédonie. Responsable du développement du réseau Bienvenue à la ferme, il s’est battu pour ouvrir le dispositif aux Kanaks. Une expérience qui a bouleversé sa vie… Voyage par le portrait.
Toute son enfance a été guidée par une seule certitude : il ne reprendrait pas la chèvrerie familiale. « Mes parents étaient fonctionnaires à Tulle (Ndlr : en Corrèze). Dans les années 1980, ils ont opéré un changement de vie radical. Ils ont retapé une ruine à quelques kilomètres et acheté quelques chèvres. Petit à petit, l’élevage est devenu leur activité principal », explique Maxence Fleygnac.
Sans but particulier, il complète son bac STAV (sciences et technologies de l’agronomie et du vivant) aménagement paysager par un BTSA services en espace rural à Bourges. « Dans ma classe, il y avait une étudiante calédonienne. Je suis sortie avec elle et à la fin de nos études, je l’ai suivie dans sa tribu kanak Azareu à Bourail. Je voulais faire le point sur ma vie… C’était la fille du chef et on s’est séparé au bout de quelques mois. Je suis resté car je m’étais lié d’amitié avec les villageois. J’ai vécu ensuite chez une mamie de la tribu qui est d’ailleurs venue me voir en France avec son fils. On vivait au fond d’une montagne, ce n’était pas les plus belles terres mais j’ai appris énormément… ». Très vite, Maxence Fleygnac est embauché par la Chambre d’agriculture pour développer le réseau Bienvenue à la Ferme fondé en 2000. « On était deux à travailler au pôle tourisme de Bourail. Au début, mes collègues de Nouméa ne comprenaient pas pourquoi je vivais dans une tribu. J’ai compris qu’il ne fallait pas aborder certains sujets délicats, comme l’indépendance… », se souvient-il.
L'île présente un environnement sanitaire de qualité, malgré une pullulation des cerfs pourvoyeurs de tiques. Son climat est adapté aux cultures tropicales et tempérées mais globalement, la contribution du secteur agricole représente moins de 2 % du PIB. En effet, la SAU ne représente que 13% du territoire, limitée par un climat ultra-tropical, des sols très basiques (pour un tiers des terres) et une ressource en eau fragile. Les bonnes parcelles sont concentrées dans les plaines de l’ouest.
En Nouvelle-Calédonie, le foncier est immuable et très inégal : 88 % de la SAU appartiennent à 11 % des agriculteurs. « On les appelle les "caldoches", ce qui désigne les "blancs" sédentarisés sur l’île. Leurs troupeaux de 500 à 1000 têtes vivent toute l’année dehors, sans aucune clôture, visités par plusieurs cow-boys à cheval. Les Américains ont apporté les routes et les jeeps durant la seconde guerre mondiale. Les terres sont dans les mêmes familles depuis des centaines d’années. Même si ces fermiers investissent aussi dans le nickel et l’immobilier, ce sont vraiment des gens de la terre. Le bétail est réservé à la consommation insulaire. Ils utilisent un peu toutes les races, et ils n’hésitent pas à importer de la génétique. D’ailleurs, j’en ai recroisé à la station d’évaluation de Lanaud en Haute-Vienne ! », confie le jeune homme.
De la même façon, les terres coutumières (25 % de la SAU) sont transmises de génération en génération, et répondent à des règles très complexes : « Par exemple, si une famille Kanak a moins de garçon que les autres, ses terres diminuent au profit des autres membres de la tribu. Il y a des hiérarchies très marquées. Les règles de palabre sont impossibles à comprendre sans avoir grandi dans ce contexte. » 
Sa mission se révèle passionnante, malgré sa position délicate qu’il évoque avec pudeur : « Je me suis battu pour ouvrir le réseau Bienvenue à la ferme à toutes les populations. Au départ, les membres de la Chambre d’agriculture n’avaient pas confiance dans mon projet mais en quelques années, j’ai augmenté le nombre d’adhérents (Ndlr : le réseau calédonien regroupe aujourd’hui 43 agriculteurs) avec de bons retours. Je suis notamment intervenu auprès des agriculteurs kanaks des îles Loyauté. Il y avait surtout des pépiniéristes, des producteurs de vanille qui ont ouvert quelques tables d’hôtes, des campings à la ferme et des gites. Cela leur a apporté une certaine ouverture aux autres, et bien sûr une diversification de leur activité même si le tourisme n’est pas très développé sur l’île. »
Ses meilleurs souvenirs : le marché de la tribu Oua Oué et les soirées contes kanaks à la ferme… « C’est un territoire et un peuple qui vit de grands changements. Ils ont toujours une culture traditionnelle avec une philosophie très différente, leur propre notion du temps, du bonheur, de la solidarité… Ils vivent en autosuffisance, de chasse et de pêche mais certains sont aussi salariés dans tout type d’entreprises. Les mentalités évoluent et les mariages mixtes sont de plus en plus courants. »
Au bout de trois ans, le jeune homme se demande sérieusement s’il s’installe définitivement en Nouvelle-Calédonie. « J’ai eu un flash. J’ai compris que je n’étais pas chez moi, et j’ai décidé de revenir pour reprendre la ferme de mes parents. Parfois, on y voit plus clair à 25 000 kilomètres… Et puis, je crois que je n’ai vraiment pas le tempérament pour être salarié », sourit-il.
Après un an de petits boulots et de formations pour "ré-atterrir", il va s'installer officiellement en avril 2015 sur l’exploitation familiale à Naves (Corrèze). Son père en retraite, il sera aidé par sa mère. « Nous avons 14 hectares en zone montagne, avec des terrains escarpés et un parcellaire morcelé. » Les 110 chèvres angoras sont élevées uniquement pour leur laine mohair. Elles sont rentrées quatre mois par an pour les mise-bas et les reproducteurs sont changés tous les deux ans. « On a une vingtaine de chevreaux par an. On les garde tous mais le but n’est pas d’augmenter le cheptel, sachant qu’on ne réforme aucune chèvre. C’est juste pour améliorer la génétique qui a un fort impact sur la qualité et la quantité de laine. Le climat, le parasitisme, le stress jouent aussi. »
Le troupeau produit 300 kilos de laine par an. La matière est transformée par des façonniers (via un groupement d’éleveurs) et les produits tissés et tricotés sont vendus en direct à la ferme, sur les foires et les marchés. « La laine représente 70% de notre activité et on élève aussi des pigeons de chair qu’on vend aux restaurants et boucheries. Nous sommes au forfait agricole, donc on ne dépasse pas 76300 euros de chiffre d’affaires. On n’est pas dans une politique d’investissement, mon but est juste de vivre de ce que je produis. Je voudrais tout de même développer le site internet. »
Et bien entendu, la chèvrerie fait partie du réseau Bienvenue à la ferme !
 
En savoir plus : http://www.canc.nc (site de la Chambre d'agriculture de Nouvelle-Calédonie) ; http://www.bienvenue-a-la-ferme.com (site du réseau Bienvenue à la ferme) ; http://www.mohairducoteau.fr (site de la ferme de la famille Fleygnac).
Photos ci-dessous : stand de fleurs lors d'un marché, palmeraie d'un adhérent, la chaîne de montagne de la tribu où il vivait, et paysages néo-calédoniens.






 
Ci-dessous, la vie actuelle, en Corrèze.





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Journaliste en milieu rural, je suis passionnée par l'élevage et les filières agricoles innovantes et originales.
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bonjour, nous sommes actuellement éleveurs de chèvres en france dans les deux-sèvres79. nous aimerions nous installer en nouvelle calédonie. nous n’arrivons pas à entrer en contact avec leur chambre d’agriculture pour avoir des info sur les possibilités d’installation et de développement d’une activité lait de chèvre. pensez vous que vous pourriez nous donnez des info sur les organismes à contacter ou les démarches à suivre. merci par avance. bonne journée Elodie et Vincent Graveleau
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