TEMOIGNAGE// Fabien Armisen, 38 ans, passe ses hivers à enseigner le ski à Font-Romeu, dans les Pyrénées-Orientales. En parallèle, il gère une pâtisserie à deux pas de la frontière espagnole. Son emploi du temps est particulièrement chargé, mais il ne se voit pas renoncer à l'une de ses passions.
Par Chloé Marriault
« Les pistes de ski, je les dévale tous les hivers depuis que j'ai 3 ans. Enfant et ado, je déménage au gré du travail de mes parents… mais toujours à la montagne. Ils sont alors directeurs de centres de vacances réservés aux fonctionnaires et changent de centre tous les trois à cinq ans.
Né à Saint-Raphaël (Var), en bord de mer, je passe ma vie dans les Pyrénées et dans les Alpes. Adolescent, j'intègre une filière en sport études en ski, à Font-Romeu, dans les Pyrénées-Orientales. Je chausse les skis cinq fois par semaine, sans ambition de devenir athlète de haut niveau, juste de m'amuser.
A 16 ans, je tombe sur un magazine qui parle du Tour de France du compagnonnage, durant lequel des apprentis compagnons du devoir se forment à travers l'Hexagone. Je découvre ce que certains font en pâtisserie et réalise que l'esthétique du métier m'attire. Alors que je pâtisse déjà un peu à la maison, je me lance dans un CAP pâtisserie-confiseur-chocolatier à Perpignan.
Pas question pour autant de renoncer au ski ! Pour moi, devenir moniteur de ski est une évidence. A 18 ans, je commence une formation à l'Ecole nationale de ski et d'alpinisme (Ensa), à Chamonix (Haute-Savoie).
Pour l'intégrer, les aspirants moniteurs doivent avoir un très bon niveau en ski et réussir une épreuve chronométrée en slalom. La formation s'étale ensuite sur plusieurs saisons : on se forme chaque hiver durant quelques semaines, avant d'exercer dans la foulée sur les pistes. Au départ, on enseigne aux enfants qui débutent, avant d'apprendre le ski à des niveaux plus élevés, au fil des ans. Jusqu'à décrocher le diplôme d'Etat de moniteur, qui permet d'enseigner à tous les niveaux. Un titre que j'obtiens au bout de cinq saisons d'hiver, quand j'ai 23 ans.
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Quand je ne suis pas sur les pistes, je travaille dans des pâtisseries, au gré des CDD. En 2006, je suis une formation à L'Ecole internationale de pâtisserie d'Olivier Bajard, à Perpignan. Un établissement réputé dans lequel interviennent de grands chefs.
J'y apprends une multitude de nouvelles techniques et surtout, la rigueur et l'excellence. Cela me permet d'intégrer de grandes maisons et restaurants, le plus souvent en qualité de chef pâtissier, et de travailler entre autres avec le meilleur ouvrier de France en 2011 Jérôme Nutile. A ses côtés, je participe à créer la carte du restaurant Le Castellas, établissement dans le Gard qui a à l'époque deux étoiles au Michelin.
En 2014, je monte ma propre affaire. J'investis à Bourg-Madame, un village de 1.200 habitants limitrophe de l' Espagne, à vingt minutes en voiture de Font-Romeu. C'est là que mes grands-parents résident. J'achète un immeuble squatté depuis sept ans et dont personne ne voulait. Il abritait un ancien poste de police et douane et se situe à quelques mètres de la frontière. Je commence par rénover l'immeuble pour le diviser en plusieurs appartements, que je mets en location à l'année. Au rez-de-chaussée, j'ouvre mon labo de pâtisserie ainsi que le magasin et son salon de thé.
Alors que je faisais du ski l'hiver et de la pâtisserie le reste de l'année, je fais les deux en même temps depuis que je suis passé à mon compte, en 2014. Et le rythme est intense ! Il m'arrive de devoir pâtisser avant d'aller sur les pistes, ou de faire de la compta après une journée de ski. Quand mes deux employés ont des questions la journée, je dois m'arranger pour leur répondre quand ils m'appellent, mais toujours sans perturber les cours, par exemple quand je suis en télésiège.
Je suis moniteur à l'Ecole de ski française (ESF). Comme les autres moniteurs, je suis travailleur indépendant et exerce donc plus ou moins comme je l'entends. Je gère mon planning : si je veux terminer à 15h, j'en informe l'ESF. Si cela ne pénalise pas trop l'école, pas de problème. Comme on est payé à l'heure, beaucoup de moniteurs sont ravis de prendre les heures que vous ne faites pas !
A l'ESF de Font-Romeu, nous sommes près d'une centaine de moniteurs. Moyenne d'âge : 35 ans. La plupart ont une deuxième activité le reste de l'année. Beaucoup enseignent un autre sport : l'escalade, le canyoning, le golf, le VTT en montagne… D'autres ont investi dans l'immobilier, ou tiennent un gîte ou des chambres d'hôtes. Quelques-uns sont salariés et prennent des disponibilités dans leur travail pour enseigner pendant les vacances scolaires.
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Je suis sur les pistes de décembre à mars. Depuis quelques années, je dispense en moyenne 500 heures de cours par saison. Les jours ne se ressemblent pas : je donne des cours à des groupes, des cours particuliers, à des enfants, à des adultes qui ont un excellent niveau, sur pistes et hors des pistes… Le domaine skiable est assez petit et la station, très familiale. Ce que j'aime à Font-Romeu, c'est que la clientèle est très variée et qu'elle ne se prend pas la tête.
Les prix des cours sont fixés par l'ESF. Financièrement, cette activité me permet de voir venir et de réinvestir à droite à gauche. C'est aussi rassurant d'avoir ce matelas financier, car certains mois de l'année sont plus calmes dans ma boutique. Je ne propose que des pâtisseries, par plaisir de créer, donc pas de viennoiseries ni de pain. Les clients viennent chez moi pour faire un achat plaisir, pas de première nécessité. Alors, en cette période d' inflation, qui affecte aussi bien les clients que moi, notamment avec l'explosion des prix des matières premières, avoir une seconde activité est sécurisant.
A l'ESF de Font-Romeu, le doyen des moniteurs a 80 ans. Je ne sais pas si je serai encore sur les pistes à son âge mais je me vois enseigner encore au moins une bonne dizaine d'années car le ski et l'école font partie intégrante de ma vie. »
Si vous avez aussi une belle (ou moins belle) histoire à raconter, n'hésitez pas à nous contacter : redaction-start@lesechos.fr
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Propos recueillis par Chloé Marriault
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