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Temps de lecture : 15 minutes
Comme chaque année, nous sommes allés interviewer nos partenaires du boncoin afin qu’ils nous donnent les tendances du marché, mais aussi des conseils avisés pour faire la différence sur le terrain, comme en digital. C’est Aurélien Flament qui s’est prêté au jeu des questions-réponses avec nous.
Aurélien Flament : On lit un peu tout et son contraire en ce moment. D’un côté, on lit qu’il y a un vrai coup d’arrêt, notamment en lien avec les taux d’intérêt et le taux d’usure. 50 % des ménages n’auraient plus accès aux emprunts.
Toutefois, il semblerait que la dynamique de 2022 soit meilleure que ce qu’on attendait. Selon les projections, elle sera à peu près aussi bonne que 2021 en volume de transactions.
Nous avons constaté deux choses cette année. D’abord, un coup d’arrêt au démarrage du conflit ukrainien. On a clairement eu un décroché un peu plus significatif du volume d’annonces, qui était déjà décroissant depuis quelque temps.
En revanche, depuis trois quatre mois, on remarque que cette courbe, qui était baissière depuis deux ans et demi, se redresse. Alors, on entrevoit que les transactions sont moins évidentes, avec un « off-market » moins dynamique et un taux de rotation des annonces qui est moins fort.
On s’aperçoit aussi que, côté locatif, la situation n’est pas simple (le volume de nouveaux biens à louer sur leboncoin est au plus bas vs les années précédentes avec – 11 % en sept 2022 vs 2021 et – 25 % vs sept 2020), et tout particulièrement sur la région Île-de-France (- 16 % vs 21).
Et puis, ce que l’on continue également à observer, c’est que ce n’est plus tellement dans l’air du temps de s’interroger sur « Y a-t-il un exode urbain ou non ? ». Nous avions conduit, en début d’année, une étude qui nous confortait déjà dans cette idée . Il y a un mouvement qui existait, qui était amorcé et qui se poursuit, mais dans des proportions qui restent relatives. Donc on voit bien qu’aujourd’hui, les pôles d’attraction de province restent intéressants. Mais nous n’avons pas une fuite des urbains vers la province.
On a plutôt l’impression que le marché est en train de se chercher une nouvelle stabilité. Il y a eu un coup de stress sur ces questions de taux d’intérêt et de taux d’usure. On a le sentiment que les choses vont un tout petit peu se réguler et que les effets de bord qui étaient attendus en 2022, le fameux coup d’arrêt, va probablement plutôt arriver en 2023. Et quand je dis un coup d’arrêt, entendons-nous, on sera probablement un tout petit peu en dessous du million de transactions, là où la norme des vingt dernières années était aux alentours de 850 000. Donc, si ça décélère, ce sera encore une très belle année.
Cependant, tant pour le marché que pour le business, il est important que cela continue de croître. Après plusieurs années impressionnantes en termes de volume de transactions, on constate malgré tout une pénurie de biens. Ce phénomène est à la fois dû à l’acquisition de résidences secondaires qui, de fait, retire un peu de stock du marché, mais aussi au fait que l’offre commerciale de l’immobilier neuf s’est effondrée de plus de 25 % en cinq ans ! Tout cela amène donc une inflation des prix au mètre carré assez significative.
Toutefois, on constate un certain paradoxe, puisque la dynamique de marché, elle, est excellente. Étant donné que le nombre d’acteurs et de professionnels de l’immobilier continue d’augmenter, les parts de marché, qui étaient jusqu’alors à peu près équivalentes pour tout le monde, vont commencer à décroître. En effet, cette tendance devrait se confirmer dès l’année prochaine, alors que le nombre de professionnels continue de croître au rythme de + 5 % par an.
Nous savons que, pour la grande majorité de nos clients, l’année 2021 était une très belle année. Cela devrait être le cas aussi en 2022. Toutefois, on ressent une certaine anxiété due au fait que ces professionnels sont aussi des particuliers. Ils constatent d’eux-mêmes que les problématiques de pouvoir d’achat sont importantes. Cela nous impacte donc significativement au boncoin, car sur le pouvoir d’achat, nous sommes au cœur du sujet.
Aurélien Flament : Alors non, je ne vais pas dire cela, car in fine, le nerf de la guerre, c’est aussi le commercial. Afin de capter des mandats, il est bien sûr primordial de renforcer ces équipes. Le sujet serait plutôt : si vous êtes nombreux sur le marché, comment allez-vous vous différencier ? Quel est l’axe de différenciation pour gagner un mandat dans sa zone de prédilection ? Pour ce faire, deux solutions sont possibles. La 1re est d’avoir une force de vente suffisamment dense et offensive. La seconde est de soigner son image de marque de façon locale.
Sur notre plateforme, nous incitons réellement nos clients à soigner leur page pro. C’est primordial. Cela leur permet de mettre en valeur leur contenu, leur image de marque, mais également de mettre en avant les valeurs et les équipes. Parce qu’un achat immobilier, c’est avant tout une rencontre entre un particulier et un professionnel. Il faut que la rencontre fonctionne. C’est ici que réside toute l’importance de travailler sa notoriété locale, et pas uniquement sur le terrain.
Nous réalisons des enquêtes et nous constatons qu’encore aujourd’hui, à la question « Que mettez-vous en œuvre pour aller chercher des mandats ? », on nous répond l’action locale et le bouche-à-oreille. Il y a donc encore cette croyance absolue que le digital n’est pas un canal sérieux pour capter des mandats. Nous n’avons pas la prétention de dire qu’on possède une baguette magique, mais on a au moins la prétention de dire que leboncoin, et le digital en général, est l’endroit où se font les rencontres entre les acheteurs et les vendeurs. On peut se permettre de dire qu’aujourd’hui, on est la seule plateforme qui rassemble les professionnels et les particuliers. Cela nous a été reproché, à une époque, de travailler avec les particuliers, et ce n’est plus un sujet. Et surtout, c’est une opportunité pour les professionnels.
Mon principal sujet est d’arriver à trouver la bonne recette pour que le professionnel entre en contact avec le particulier au bon moment. Le problème est que lorsque les particuliers déposent une annonce sur leboncoin, ils en sont au moment de leur réflexion où ils pensent pouvoir se passer d’un professionnel. Pour autant, 60 % de ces gens-là finiront par passer par un professionnel. Cela prouve que l’intermédiation entre le vendeur particulier et le professionnel est pertinente. Elle a du sens.
À l’inverse, à l’autre bout de la chaîne, on se heurte en ce moment, dans des périodes où il n’y a pas beaucoup de biens, à une pression commerciale excessive. Des professionnels qui font un peu de la « pige sauvage » et qui sollicitent le particulier dans l’heure qui suit le dépôt d’annonces. Et évidemment, ce n’est pas le bon moment. Ça crée de la frustration des deux côtés.
Nous, nous sommes là pour mettre à disposition des professionnels des outils qui les orientent dans leur prospection. C’est le nouveau produit qu’on a lancé à la rentrée : l’offre Prospection Vendeur.
Aurélien Flament : Dans l’offre Prospection Vendeur, on propose une carte, comme certains de nos concurrents. Toutefois, quand leur carte sert à identifier les estimations, nous avons la capacité de proposer ces demandes d’estimation, mais surtout, notre avantage principal est de pouvoir indiquer aussi les biens qui sont en vente, puisqu’ils ont été déposés sur notre plateforme. Notre ambition est de mettre à disposition « l’outil le plus complet du marché ». Vous qui aimez aller sur le terrain, autant aller directement là où le business est identifié.
À côté de cela, nous avons lancé un autre produit l’année dernière, qui vise à mettre en relation directement le professionnel avec un particulier vendeur. Notre objectif est de continuer à itérer pour faire en sorte que la mise en relation soit faite au bon moment. Parce que je constate que ça génère de la frustration aussi chez les professionnels. Dès qu’il y a un prospect, il appelle tout de suite. Mais le particulier n’est pas prêt. Aujourd’hui, le particulier veut avoir le pouvoir de décider quand il va entamer une relation commerciale. Et si vous l’appelez au moment où il n’a pas encore décidé que c’était bon, il trouvera toutes les fausses barbes pour ne pas travailler avec vous.
De notre côté, nous savons quand il est d’accord et s’il a coché la case qui dit « oui, je veux bien entrer en relation ». Il y a un travail conversationnel sur lequel nous réfléchissons. On ne cherche justement pas à isoler les particuliers qui utilisent nos services et les professionnels qui sont nos clients. Notre métier, c’est de les marier.
Aurélien Flament : En fait, c’est extrêmement variable, parce que c’est dépendant de plein de facteurs. Un particulier choisit aujourd’hui de passer par un professionnel pour plein de raisons différentes.
Le premier cas est le particulier qui n’a pas de touche, aucun contact. Sur leboncoin, après deux mois, il y a une relance automatique pour savoir si son bien est toujours en vente et si ce ne serait pas pertinent de se rapprocher d’un pro. À ce stade, soit il y a un problème avec l’estimation, soit le particulier a besoin du réseau d’un professionnel.
Le second cas est l’effet complètement inverse : le particulier qui est noyé de sollicitations. Il s’aperçoit alors qu’assurer les visites de son bien va devenir un cauchemar. Un autre cas de figure que l’on constate est le particulier qui, une fois qu’il a déposé son annonce, s’aperçoit qu’il est dans la norme un peu problématique du DPE et qu’il serait opportun d’avoir les conseils d’un pro pour savoir ce qu’il peut faire, ce qu’il ne peut pas faire, les travaux à engager, etc. Il y a donc aussi toute cette dimension conseil que peut apporter le pro de l’immobilier.
Dernier point : le secteur géographique change tout. Je n’ai pas un curseur qui vous dit clairement au bout de combien de temps un vendeur se décide à passer par un professionnel. Or, on sait en revanche que l’année dernière, on avait atteint une liquidité assez remarquable. En moyenne, un bien partait entre soixante-dix et quatre-vingts jours après le dépôt de l’annonce, ce qui est très rapide.
Aurélien Flament : Pour le vendeur particulier, malheureusement, comme indiqué précédemment, il se plaint aujourd’hui des sollicitations excessives ou, en tout cas, pas dans le bon timing. C’est l’une des vraies problématiques avec les logiciels de pige qui vendent leurs services aux professionnels. Dès qu’il y a un bien qui pope, tous les pros décrochent le téléphone. Et c’est la plainte que l’on entend le plus, de la part des particuliers. Sachant qu’au dépôt d’annonce, il a la possibilité de dire qu’il ne souhaite pas être démarché, et que l’information apparaît clairement.
Après, la principale préoccupation du professionnel est de rentrer des mandats. Mais on note plusieurs éléments assez contre-intuitifs sur ce point.
Premièrement, tout le marché réclame ce type de solutions, mais le taux de pénétration reste faible. Malgré un besoin identifié, les professionnels ne veulent pas forcément investir sur cette problématique.
Deuxièmement, il y a ceux qui choisissent quand même d’investir. Je choisis bien le mot « investir » et pas « dépenser ». Je rappelle que si vous gagnez un mandat, ne serait-ce qu’un mandat avec un outil, il est largement amorti. Et en supposant que vous en captiez deux sur une année, c’est le jackpot. Le problème de ceux qui investissent est le niveau d’attente. Dès lors que j’ai choisi une solution payante pour m’aider dans l’acquisition de mandats, je vais m’imaginer que tous les mois, il y a des mandats qui doivent tomber. Mais nous ne sommes pas des magiciens, je ne vais pas créer spontanément des biens en vente là où il n’y en a pas. Et c’est un peu cette difficulté-là que l’on a aujourd’hui, c’est de poser le curseur de l’attente au bon endroit.
Nous avons des outils assurément pertinents. Peut-être que sur une année, ils n’apporteront que deux trois mandats, ce qui est déjà considérable. Aujourd’hui, on sait que les petits professionnels tournent à sept ou huit mandats l’année. Une bonne solution peut alors rapporter 25 % pour cent de business en plus.
Ce qui est assez étonnant, c’est que les professionnels ont très clairement intégré la digitalisation de leurs outils pour mettre en ligne leurs biens. Cette part d’investissement, y compris avec des options de visibilité, est totalement intégrée. Par contre, concernant la prospection, ce n’est pas encore le cas. On en est encore très loin.
Aurélien Flament : C’est logique, je pense que c’est entretenu par un fantasme. Celui de la puissance perçue des actions qui sont opérées sur le terrain, y compris le boîtage.
Petite parenthèse : le boîtage, à un moment ou un autre, vivra ses dernières heures. On prend tellement de mesures écologiques que « cramer du papier dans les boîtes aux lettres », ça va s’arrêter à un moment ou un autre.
Le fantasme vient du fait que les pros ne savent pas mesurer le rendement de leurs actions terrain. Là où ils sont en capacité de les mesurer dans le digital. Et donc, entre quelque chose qui vous dit « il n’y en a pas beaucoup, mais il y en a quand même » et quelque chose qui ne vous dit rien du tout, vous avez une perception biaisée. Le digital prouve, là où le terrain n’amène que des ressentis.
Enfin, on est un acteur qui leur pose question. Nous sommes clairement contributeurs de leur business, ils sont tout à fait conscients que l’on est vertueux pour eux. Mais on représente une dépense forcée, quelque part. Et chaque année, on est dans cette discussion un petit peu complexe avec nos clients. Même si on sait très bien que, sur la chaîne de valeur, il n’y a pas de débat sur ce qu’on apporte.
Aurélien Flament : Voilà, j’ai fait une grande digression, mais on parlait du recrutement et je pense que c’est important. On parlait de défendre son image de marque et je pense que c’est important. Ça passe notamment par les avis clients. Nous sommes en train d’accélérer sur ce sujet. Nous avons déjà intégré les avis clients d’Opinion System. Et nous sommes en train d’avancer pour intégrer les avis clients Google, puis ceux d’Immodvisor, notamment. Notre objectif est d’être exhaustifs. L’étude ImmOpinion prouve que c’est l’un des principaux sujets des professionnels de l’immobilier. Et nous l’avons entendu !
Ensuite, comme nous l’avons vu, la communication locale est toute aussi importante. Je prêche pour ma paroisse, mais quand je vois tous ces grands réseaux qui dépensent beaucoup d’argent à la télé, et qui créent de la préférence de marque, les résultats s’ensuivent. La télé reste le meilleur canal, en tout cas le plus puissant sur ce sujet. Mais une fois l’objectif de notoriété et de préférence atteint, le dernier point de contact avant la mise en relation directe reste le portail !
Le business vers un agent immobilier, ce n’est pas encore Google qui le draine. Et le gros du business ne se fait pas sur les sites Internet des grands réseaux. Ça se passe sur les grands portails. Si aujourd’hui, vous perdez l’avantage de toute votre communication télé au moment où vous arrivez sur la plateforme, moi je trouve ça très dommage.
Alors que n’importe quel professionnel est en capacité d’émerger localement avec des communications digitales simples, comme des bandeaux publicitaires. J’insiste : il émerge localement.
Dans les années qui vont venir, ça va être un casse-tête pour les professionnels, qui sont très nombreux. Notamment avec un nombre de biens en vente et un volume de transactions qui va décroître. Ils vont devoir répondre à cette question : « Comment je fais la différence vis-à-vis de mes concurrents ? »
Cet article concerne Leboncoin (Portails immobiliers, Portails immobilier d’entreprise).
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