Les barres d’immeuble avec des locaux commerciaux vides, voire jamais occupés, au rez-de-chaussée, avenue Jean-Jaurès, seraient-elles l’illustration du flop de la loi de Robien à Agen ? Durant l’été 2003, un texte législatif, portant le nom de Gilles de Robien, ministre du Logement de l’époque, est promulgué par le gouvernement Raffarin. Ce dispositif avait vocation à créer une nouvelle offre de logements privés neufs, en garantissant une défiscalisation aux acheteurs, à condition…
Les barres d’immeuble avec des locaux commerciaux vides, voire jamais occupés, au rez-de-chaussée, avenue Jean-Jaurès, seraient-elles l’illustration du flop de la loi de Robien à Agen ? Durant l’été 2003, un texte législatif, portant le nom de Gilles de Robien, ministre du Logement de l’époque, est promulgué par le gouvernement Raffarin. Ce dispositif avait vocation à créer une nouvelle offre de logements privés neufs, en garantissant une défiscalisation aux acheteurs, à condition qu’ils louent le bien dans un délai restreint après acquisition.
« Cela a été un raz de marée », se remémore Jean Pinasseau, adjoint à la promotion immobilière et commerciale, à l’urbanisme et au foncier de la Ville d’Agen, qui était dans l’opposition municipale à l’époque. « Ce sont une vingtaine de résidences, soit 1 100 logements neufs, qui sont sortis de terre dans un temps très resserré, à Agen. Imaginez l’appel d’air que ça crée ! », s’exclame-t-il, avant de reprendre : « Cela représente 16 % du parc locatif privé de la ville. » Pour les acheteurs, l’opération avait tout pour être fructueuse : une défiscalisation plus une rente avec des loyers, soit un investissement à moindre coût.
Le tout, doublé d’une politique agressive des promoteurs, comme l’explique Muriel Boulmier, présidente de l’Union régionale HLM de Nouvelle-Aquitaine, qui avait monté un observatoire du de Robien : « Les promoteurs ont dit qu’ils s’occupaient de louer pour les acheteurs, quitte à ne pas demander de caution, il fallait que ça soit loué vite pour être défiscalisé. Le gros malentendu de cette loi, c’est que les gens ont acheté, parfois sur plan, un investissement fiscal plutôt qu’un logement, du coup, certains n’ont pas été regardants sur l’emplacement, ni sur le bien. Les promoteurs ont vendu Agen comme étant tout prêt de Toulouse, sur le papier, c’est vrai, dans les faits beaucoup moins. »
En témoignent les chiffres sur l’origine géographique des acquéreurs : 95 % d’entre eux venaient ailleurs que d’Aquitaine, dont 48 % en provenance d’Île-de-France. Seulement 1 % de Lot-et-Garonnais ont acquis un de Robien. « La plupart des acheteurs n’ont jamais vu l’immeuble », commente Jean Pinasseau.
C’était sans compter le prix très élevé du mètre carré pour les locataires, en décalage avec l’état du marché à l’époque. S’ajoutaient à cela les inconvénients de bâtiments sortis de terre en un rien de temps : « Plus d’un tiers des gens y ont constaté des malfaçons, comme des digicodes en panne ou une tuyauterie qui explose… Certains biens ont également été mal pensés : les locaux commerciaux de l’avenue Jean-Jaurès, par exemple, ne bénéficient même pas de places de stationnement à proximité, et paient des charges communes pour les logements du dessus… », précise l’adjoint à l’urbanisme à la mairie d’Agen. Résultat : 30 % de vacance dans ces habitats et un turn-over important des locataires, augmentant encore l’usure des bâtisses.
Les investisseurs, exsangues, ne pouvant pas entretenir des logements achetés chers sans les rentabiliser en les louant durablement, se sont donc mis à revendre, parfois à la moitié du prix d’achat. « À Agen, le marché n’a pas suivi car il n’était pas adapté », affirme Muriel Boulmier.
« Aujourd’hui, on arrive au bout de la digestion de cette arrivée massive sur le marché, ça fait enfin partie du paysage », prolonge Jean Pinasseau. Avec son lot de conséquences durables pour le secteur de l’immobilier : « Cela a créé une concurrence extrêmement forte par rapport aux logements anciens du centre-ville : ces derniers ne touchaient plus de loyers, donc cette loi a renforcé la capacité du logement ancien à se dégrader, faute de travaux. De nos jours, on compte sur la loi Malraux pour réhabiliter en défiscalisant, on a bien plus de maîtrise sur l’outil de défiscalisation. »
La loi de Robien serait donc un flop total ? Muriel Boulmier nuance le propos : « Cela a bien marché dans les villes à flux tendu comme Toulouse ou Bordeaux. Il y a eu d’autres endroits, comme près de l’aéroport au Passage-d’Agen, où les bâtiments étaient aérés et ont pu jouir de commerces qui fonctionnent. En revanche, dans des villes moyennes comme Agen ou Marmande, ça a été un échec, le marché n’était pas adapté. Mais qui blâmer ? La défiscalisation, le promoteur, l’acheteur ? Est-ce que la politique du logement privé doit être basée sur la défiscalisation, ou est-ce que ce sont les impôts fonciers qui devraient être revus ? »
En tout cas, une chose est sûre : « Ceux qui ont racheté pendant la vague de revente, par contre, eux, ils ont fait une bonne affaire ! » , conclut Jean Pinasseau.

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