Ces colonnes de notre confrère "Le Progrès", servent aujourd’hui de témoin. L’hebdomadaire dont les archives municipales possèdent une collection presque complète racontait, été après été, les drames vécus sur les plages du Lot et dans l’eau de la rivière. En ce temps-là, autour de 1923, les piscines n’existaient évidemment pas. Et il fallait, pour se rafraîchir un peu, plonger dans le Lot. C’est du côté du moulin de Madame que beaucoup de jeunes et de moins jeunes faisaient leurs premières armes. C’est là, aussi, que quelques-uns, plus téméraire ou trop sûr d’eux, ont perdu la vie, à cause des bancs de sable, malgré les interventions relatées dans les colonnes du "Progrès", des sauveteurs et malgré les mises en garde pour une plage réputée "dangereuse". Un état de fait que Paul Schreiber, le "père" de la natation villeneuvoise n’a pas supporté longtemps. Et c’est du côté d’un autre moulin, celui de Gajac, qu’il installait la première école de natation de la ville qu’il inscrivait dans les attributions du Cercle des nageurs Villeneuvois. Les jeunes et les moins jeunes apprenant les techniques de la brasse au côté du moulin de Gajac.
Nous sommes en 1923, avant la création de la piscine du Rooy. Avec Paul Schreiber un deuxième homme fera beaucoup pour l’apprentissage de la natation, Camille Faubel. Celui-là même qui donnera son nom à la piscine du stadium en 2005. Celui-là même qui tous les ans, le 14 juillet et pendant de très nombreuses années se jetait depuis le pont vieux, dans un mouvement parfait, le saut de l’ange, dans les eaux de la rivière, plus de 10 mètres plus bas. Il remplira cette tâche, attendue avec impatience par les nombreux spectateurs, pendant 25 ans. L’admiration des spectateurs cessa après 1952… année de l’interdiction faite à Camille Faubel de se jeter dans l’eau du Lot. Une interdiction pour cause de pollution… "Ce n’était pas un casse-cou, mais un grand sportif. Il maîtrisait parfaitement ce qu’il faisait", racontait son fils quelques jours après le décès de Camille Faubel, "et il le fallait pour ne pas s’abîmer sur des eaux aussi désobligeantes qu’une main de catcheur."
On estime à plus de 10 000 le nombre de Villeneuvoises et de Villeneuvois qui se sont initiés à la brasse dans les eaux du Lot au moulin de Gajac.
Situé sur les bords du Lot en plein centre de Villeneuve-sur-Lot, le musée de Gajac était originellement un moulin à eau. Le "Moulin de Gajac" est ainsi mentionné dans l’acte de fondation de la bastide remontant à 1264. Le moulin à proprement parler fut fondé en 1185 par la puissante abbaye bénédictine d’Eysses. Il était alors doté de quatre paires de meules et fournissait les besoins en farine des moines. Lors des guerres de religion, le bâtiment fut saccagé et subit alors des travaux de restauration et d’extension. Pour des raisons financières, l’abbaye le vendit à de riches marchands villeneuvois, les Bercegol, au XVIIIe siècle. En 1860, un négociant de Bordeaux, Jean-Osmin Jaubert, en fit l’acquisition et le transforma en véritable minoterie industrielle. En 1896, la société Renoux modifia une nouvelle fois la fonction de ce moulin médiéval : elle y installa des turbines afin de produire de l’électricité. En 1946, lors de la nationalisation de la production de l’électricité, le moulin devint le siège régional d’EDF. À la fin des années 1960, sa digue fut détruite et l’édifice cessa alors toute activité. La ville s’intéressa dès 1969 à ce site qui fut alors classé. Ainsi, Georges-Henri Rivière, passionné d’écomusées et de musées de société, venu en inspection, suggéra d’aménager le lieu. La ville fit l’acquisition du moulin en 1981. L’intérieur et la couverture du moulin ont été complètement modifiés entre 1986 et 1989 sous l’impulsion du conservateur départemental Louis Moyret. C’est à la fin des années 90 que sera aménagé dans le moulin et dans un bâtiment neuf qui complète l’ensemble, le musée de Gajac. Une ouverture qui a permis à de nombreux Villeneuvois et aux visiteurs de découvrir l’ensemble des gravures de Piranèse qui font l’objet d’un dépôt d’état depuis la fin du XIXe siècle qui voisinaient dans une confrontation exceptionnelle, l’univers des "Cités obscures", une bande dessinée de Peteers et Schuiten, éditée chez Casterman.
Le 29 juillet 1955, Jacques Raphaël-Leygues, maire de la Ville, soumet au conseil municipal le projet d’une piscine "avec bassin conforme, agrée par le ministère de l’Éducation Nationale", selon les plans de M. Lagneau, architecte. Dénommée piscine Paul Schreiber, mais plus connue sous le nom de Piscine Bleue elle fut inaugurée en juillet 1957. C’est un outil performant qui s’offrit aux apprentis nageurs. La piscine bleue du Moulin du Rooy marque une évolution dans l’apprentissage de la natation mais aussi dans l’avènement d’une civilisation de loisirs. Et c’est encore Camille Faubel qui était à la manœuvre. De nombreuses générations d’apprentis nageurs sont passées entre ses mains, 350 au moins par été, et sa pédagogie dynamique. Beaucoup se souviennent avec parfois un peu d’effroi de cette technique de mise à l’eau, assis le dos tourné au bassin dans lequel il fallait tomber avec le sourire. Et combien d’autres qui montèrent un peu contraint au plus haut des plongeoirs, à 5 mètres au-dessus de l’eau, tremblent encore de cet exercice périlleux ? La piscine bleue du moulin du Rooy c’est encore le souvenir des paquets de chips à 50 centimes de francs achetés au bar de la piscine et des parties de flippers, à 20 centimes de francs. Un instrument tellement sensible qu’il faisait "tilt" trop souvent au goût des jeunes joueurs. C’est là, toujours, que le Cercle des nageurs Villeneuvois construisait son histoire dans des compétitions en nocturne dans un bassin de 25 mètres avec 5 couloirs. Mais avec l’avènement du stadium, aujourd’hui on parle de centre culturel, le Cercle des nageurs allait devenir un club "tous temps". Et dans ce bassin du stadium d’autres noms écrivirent des chapitres toujours aussi remarquables de la légende de la natation à la Villeneuvoise. On le connaissait pour ses performances sur les pelouses de rugby à XIII, Tito Tarozzi, avec sa grosse voix et son gros cœur, conduisait alors les entraînements des nageurs du CNV. Un entraîneur respecté qui décrochera des titres nationaux avec quelques-uns de ses licenciés. Tito Tarozzi qui, paradoxe pour le moins, était entraîneur de natation sans savoir… nager ! À partir de la fin des années 90, 1996 en l’occurrence, la piscine du Moulin du Rooy fut contrainte à fermer ses portes pour des raisons de sécurité. Depuis les bâtiments qui existent encore sont occupés par des boulistes qui pratiquent leur sport sur les anciens bassins de natation rebouchés par les gravats de différents chantiers. C’est pour des raisons de fuites importantes que la piscine du stadium fermera ses portes alors que le centre nautique de Malbentre, construit en lieu et place de l’ancienne piscine couverte, entrera en fonction pour prolonger pour les générations futures la mission d’apprentissage de la natation entamée dans les eaux du Lot.
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