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Céline Esnault et ses enfants doivent être relogés, c’est le tribunal qui le dit. L’écolo assumée, très exigeante, dénonce des manœuvres politiques derrière l’attribution des logements sociaux.
Parmi tous les dossiers que Céline Esnault accumule depuis près de dix ans, une ordonnance du Tribunal administratif de Toulon trône au-dessus de la pile. La Fréjusienne, la brandit comme un étendard, prête à poursuivre le combat.
“Contre eux. Ceux qui sont tous les mêmes“. Eux, ce sont les élus de l’agglomération et leurs services au logement, les bailleurs sociaux, son propriétaire, mais aussi les fonctionnaires de la préfecture du Var.
Une lutte menée avec un sentiment de persécution aussi tenace que sa volonté de sortir de cette situation précaire.
Le document du juge, daté du 12 mars dernier, ordonne au préfet de trouver une solution pour la quadragénaire et ses deux enfants scolarisés en primaire et au lycée, à Fréjus et Saint-Raphaël.
“Il est enjoint au préfet de pourvoir au logement de Mme Esnault avant le 1er juillet 2021 sous astreinte, à compter de cette date, de 400 euros par mois de retard destinée au fonds national d’accompagnement vers et dans le logement“, précise le texte.
Confirmant alors “la décision favorable de la commission de médiation Dalo (1) du 6 février 2020“. Un mois après la date fixée, il n’en est rien (lire ci-dessous).
Dès 2012, son logement (rue des Campanettes à Fréjus) a été déclaré insalubre en raison de remontées d’eau trop odorantes.
Un courrier du syndic, Foncia, à la mairie de Fréjus rapporte, à l’époque, que “les résidents se plaignent d’odeurs nauséabondes très fortes dont l’origine provient du poste de refoulement.“
Une main courante pour “troubles à l’hygiène et à l’insalubrité” a même été déposée en 2017.
Compétente sur la question, la Cavem a entrepris des travaux pour “la fin des nuisances sur le poste des eaux usées de l’avenue de l’Argens“.
L’institution s’en félicitait, par ces mots, en janvier 2020 dans le magazine intercommunal.
“Effectivement, depuis, il n’y a plus d’odeur, note, soulagée mais toujours énervée, la résidente. Le problème, c’est qu’il n’est pas approprié à ma famille.“
Par ailleurs, en 2018, les services Hygiène et santé de l’agglomération constataient un dysfonctionnement du cumulus dans l’appartement mais se déclaraient “pas compétents à intervenir davantage“, appelant l’occupante à se rapprocher de son propriétaire.
Depuis, l’eau chaude manque toujours. Suffisant pour que Céline Esnault décide de ne plus payer son loyer. Pour cela, la famille est toujours sous la menace d’une expulsion de son logement depuis un jugement du 8 novembre 2019.
Entre-temps, la locataire touchant le revenu de solidarité active (RSA) avait alerté les autorités sur la question de son appartement T2 de 40 m2 qu’elle loue pour 800 euros par mois.
“De l’avis de plusieurs commissions, il est suroccupé (2) et le loyer surévalué par un marchand de sommeil (sic)“, poursuit-elle. Cette mère de famille monoparentale multiplie “les petits boulots (postière, caissière…)“, comme elle dit.
Sauf cet été car “très fatiguée“, elle souhaitait “se consacrer au déménagement pour être prête à la rentrée scolaire des enfants“.
C’est désormais au préfet du Var de trouver une solution, après que les villes de l’agglomération n’aient réussi – volontairement ou non – à le faire.
Sympathisante écologiste, elle est proche de Jacky Giral, référent local d’Europe Écologie Les Verts (EELV), et dénonce des manœuvres politiques.
“Madame Lancine, l’adjointe au logement de Fréjus, n’est que la rabatteuse frontiste au logement social. Elle promet des logements pour gonfler les rangs du parti de Le Pen (lire ci-contre)“, s’emporte la blonde au tempérament bien trempé, parfois dans l’excès sur les réseaux sociaux.
Ce qui lui a d’ailleurs valu des convocations au commissariat de police sans qu’aucune plainte ne soit déposée contre elle.
Dans les faits, Céline Esnault a fait une demande de logement social sur une plateforme administrative avec huit vœux de ville en 2016. Elle a obtenu un numéro unique qu’elle doit réactiver chaque mois.
C’est ensuite à une commission composée, notamment, d’élus et de bailleurs sociaux, de les attribuer. Sauf que le territoire est carencé en la matière.
Plusieurs communes de l’agglomération assument de payer des amendes en raison de ce manque.
“Si tous les demandeurs du coin réactivaient leur dossier chaque mois, il faudrait douze ans pour les loger“, souffle un expert de la question sur le secteur.
Douze ans, une durée que Céline Esnault n’est pas décidée à attendre, bien que refusant certaines propositions. Avec pertes et surtout fracas.
1. Le Droit au logement opposable (Dalo) est un recours permettant de faire étudier son dossier par une commission. Plusieurs critères le permettent, parmi ceux-ci: “être logé dans des locaux impropres à l’habitation, ou présentant un caractère insalubre ou dangereux (y compris une situation d’insécurité liée à des actes de délinquance), selon le site internet de l’administration française. Si, malgré la décision de cette dernière, aucun logement ne vous est proposé dans le délai prévu, vous pouvez saisir le tribunal administratif.”
2. En raison de la composition de la famille, c’est-à-dire, l’écart d’âge entre les deux enfants et leur sexe différent.
Les autorités proposent des logements qu’elle refuse
Contactées, les autorités administratives et politiques ont répondu à nos sollicitations. Avec sincérité et respect, en dépit des insultes de Céline Esnault à leurs égards.
Tous évoquent une situation rendue encore plus délicate par le comportement de la plaignante, usant de l’ordonnance du juge administratif allant dans son sens, comme un droit à l’invective.
Brigitte Lancine, adjointe au maire de Fréjus et vice-présidente de l’agglomération en charge du logement: “Ah Madame Esnault (rires crispés). Ce dossier est désormais traité par la sous-préfecture, je n’ai rien à vous dire. [Après avoir insisté et expliqué à l’élue que nous sommes au courant des échanges avec Mme Esnault, elle devient plus loquace, NDLR.]. Cette dame refuse ce que nous lui proposons. Il n’y a rien d’opaque dans les attributions de logements sociaux mais cela reste des dossiers privés, réservés aux commissions, que je ne peux vous communiquer. Concernant les villes voisines, elle a aussi eu des problèmes avec eux [les élus et les fonctionnaires] donc ce n’est pas une question politique.”
Eric De Wispelaere, sous-préfet de Draguignan: “Premièrement, Madame Esnault a été condamnée pour ne pas avoir payé son loyer. Au regard de sa situation précaire, je n’ai pas, depuis le jugement, accordé le concours de la force publique pour la déloger. Pour le reste, le comportement de cette personne, plusieurs fois très insultante ou claquant la porte lors de rendez-vous officiels, ne change rien à notre dévouement dans ce dossier. Lorsque des appartements lui sont proposés par nos services ou les communes, elle les refuse car elle ne les juge pas assez bien pour elle et sa famille. Elle voudrait être dans un logement très confortable et ne pas payer le loyer correspondant.”
Céline Esnault, concernant les logements proposés: “Ils me proposent des T3 alors que je dois avoir un T4 vu que j’ai deux enfants d’âges différents. En plus, l’un de ceux soumis est au quatrième étage, sans ascenseur, dans une zone sensible. C’est un appartement poubelle que personne ne veut. Tant que le juge administratif ne juge pas convenables les logements, je suis dans mon droit de les refuser.“
La discussion téléphonique entre Céline Esnault et une employée du service logement de la mairie de Fréjus, que nous avons pu consulter car enregistrée, à l’époque, dure 6’40 minutes et date de 2017.
La mère de famille, visiblement bien renseignée, attaque son interlocutrice avec des noms précis de personnes récemment relogées, notamment dans les HLM de Valescure.
Au bout du fil, la fonctionnaire, n’ayant pas connaissance de chaque dossier dans le détail, tente de botter en touche pour ne pas répondre explicitement et renvoie vers les bailleurs sociaux.
Jusqu’à ce que Brigitte Lancine s’empare du combiné pour, après s’être présentée, lâcher un: “Si vous n’êtes pas contente, allez voir dans la commune de Saint-Raphaël qui n’est pas Front national“.
Une formule que chacun interprétera comme il l’entend. Ce à quoi, la locataire fréjusienne répondra: “Je n’ai pas à changer de commune parce que vous êtes FN ici“, estimant après coup “qu’il faut prendre une carte FN pour avoir un logement social à Fréjus“.
Depuis, la préfecture du Var lui a proposé des appartements qu’elle a refusés pour diverses raisons.
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